Le périmètre du recrutement est encore à définir

Silvia Galo
Le périmètre du recrutement est encore à définir

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Ce n’est que depuis peu que l’importance stratégique du recrutement pour les entreprises est reconnue, et qu’elle commence à être associée à une vraie expertise.

Le recrutement est un métier à part entière.

Mais cette jeune reconnaissance soumet le métier à un brouhaha incessant quant à son rôle et à ses missions.

👉 Un bruit qui brouille les dirigeants, managers, opérationnels et candidats dans leurs attentes.

👉 Puis surtout qui rend complexe pour les recruteurs de comprendre quel est le vrai périmètre de leur métier.

Et c’est un manque de positionnement douloureux qui en découle. Avec des professionnels soumis à une très grande pression sociale.

Pendant ce temps, dans une réalité parallèle, il existe encore un grand nombre d’entreprises qui ont eu vent de cette reconnaissance stratégique du recrutement, mais qui ont du mal à lui porter crédit.

Bien que le marché évolue de manière radicale et accélérée, ils portent encore des œillères. 🙈

Le recrutement est alors pratiqué par des personnes qui ne sont pas formées au recrutement.

👉 Alors, pour mieux comprendre le cadre du métier, j’ai eu l’immense plaisir de pouvoir échanger avec Hélène Ly : formatrice de recruteurs et recruteuses IT, auteure, Top Voices 2020 et Top Voices Emploi 2022.

🚨Cet article a pour objectif de transmettre un message clair qui ne demande qu’à être relayé : le meilleur moyen de faire avancer le recrutement c’est d’en parler.

👉 D’une part pour que les professionnels puissent s’entre-aider et avancer dans la bonne direction,

👉 puis pour sensibiliser toutes les parties prenantes du recrutement au quotidien des recruteurs.

Je vous partage sans plus attendre un échange aussi transparent qu’inspirant.

Faire le point sur la situation

Les recruteurs et les candidats

Recruter pour faire de l’Humain, c’est une conception du métier que j’entends souvent. Et Hélène en parle d’ailleurs dans un article de son blog. Elle y partage le décalage entre cette croyance et la réalité du terrain.

Un décalage difficile à vivre, mais surtout un décalage qui signe un faux départ entre les recruteurs et les candidats. ❌

Et pourtant nombreux sont ceux qui se projettent dans cette posture quand ils se lancent dans le recrutement.

💬 ”Dans ton imaginaire de débutant, tu as l’impression que recruter c’est passer du temps à discuter avec des gens alors que ce n’est pas tout à fait ça …

Finalement, tu vas surtout te retrouver seul devant ton PC pendant des heures à faire du sourcing.
Tu vas passer beaucoup de temps à négocier avec les managers, avec les clients, à essayer de défendre un dossier, à rédiger des annonces qui ne sont pas forcément de très bonne qualité,
et ce n’est pas ce que tu avais imaginé, l’humain ce n’était pas ça pour toi. Surtout que le temps que tu passes avec les gens est finalement limité…

Tu ne vois pas tant de gens que ça, en plus tu es timé.”

Mais quel est l’effet sur la relation avec les candidats ?

💬  Le problème d’entretenir ce truc de “Je fais du recrutement pour l’humain” c’est qu’au moment où tu n’as ni le temps, ni les outils, le candidat se sent trahit.

Il a l’impression que tu ne fais pas ce pour quoi tu as été embauché.

Et c’est dangereux parce que les candidats voient souvent chez les recruteurs un côté assistant social.”
pourquoi les recrteurs ont une mauvaise réputation
💬 “C’est super dur, parce que ce n’est pas ce que l’on attend de toi en entreprise.

En entreprise on n’attend pas de toi que tu fasses de l’humain. Le recruteur est beaucoup plus proche du business que du social.

Ton job c’est de faire matcher un besoin avec des gens qui sont dispos et qui ont les compétences.

Mais ce serait trop facile si seulement ce n’était que ça le problème. 🤷🏻

💬  Quand tu reçois des gens qui te racontent à quel point ils ont été mal traités, les questions qu’on leur posait, ce que les recruteurs se permettent des fois, c’est hallucinant.

Le problème c’est qu’encore une fois on fait beaucoup de confusion. Et là ce n’est pas une histoire de personne, c’est une histoire de fonction. C’est beaucoup plus large que ça.

Pendant des années le recrutement n’était pas du tout vu comme une fonction stratégique, c’était vraiment vu comme la fonction support, administrative où l’entreprise est en position de force.

Aujourd’hui c’est terminé, dans la majorité des domaines, c’est terminé. Et même dans les domaines qui ne sont pas pénuriques, les gens revendiquent leur droit à être bien traités, respectés et à choisir leur job et leur entreprise
.”

Et elle précisera :

💬  “Sauf qu’encore aujourd’hui il y a plein d’entreprises qui ne l’ont pas compris, et il y a plein d’entreprises dans lesquelles il n’y a pas de recruteurs, où ce sont des gens qui ne sont pas sensibilisés, formés au recrutement qui font le recrutement. Et ça, ça ne changera pas.

Ce qui me dérange, c’est que des gens qui ne sont pas recruteurs salissent le métier, à cause de pratiques qui ne sont ni professionnelles ni respectueuses. Mais pour les candidats, ces gens, ce sont des recruteurs, ils ne font aucune distinction et c’est normal.”

Pas étonnant qu’il y ait comme un goût d’aigreur parmi les candidats.

Et nous en sommes donc venues à parler du rapport de force qui s’inverse. 💪

Une image qui ne laisse pas de place à de bases saines entre les candidats et les recruteurs.

Quel que soit le sens, Hélène souligne qu’il est dommage de le considérer comme un moteur du recrutement.

💬 “Ce rapport de force dans le recrutement me gêne beaucoup, comme s’il devait forcément y avoir un dominé et un dominant. J’ai l’impression d’être dans une cour de récré.

Et le problème c’est que tu as des candidats aujourd’hui qui ont un côté très revanchard et qui veulent faire payer aux recruteurs d’aujourd’hui les pratiques d’il y a 10 ou 15 ans en arrière. Et c’est le meilleur moyen de dégoûter les recruteurs d’aujourd’hui et ça c’est horrible.

Tu as des gens qui arrivent plein de bonne volonté, plein de bonnes intentions, qui ont vraiment envie de faire changer les choses, et ils ont en face d’eux des gens qui sont énervés. C’est normal qu’ils n’arrivent plus à faire la part des choses entre ce qu’on leur a fait subir et ce qui pourrait éventuellement changer aujourd’hui.

Ne serait-il pas mieux
d’avancer dans un rapport où au lieu d’être les uns contre les autres, on avance ensemble dans la même direction ?

Les recruteurs et les entreprises, dirigeants, managers et opérationnels

💬 “Il a beaucoup de souffrance, et une remise en cause forcée. C’est-à-dire qu’à un moment il y a des entreprises qui sont là en train de se dire “A priori on n’a pas le choix.”

🚨 Comme un réveil douloureux, nombreuses sont les entreprises qui ne se sentent pas encore totalement concernées par le changement.

Et c’est une réalité qu’il est important de rappeler.

Ce n’est que depuis peu que le recrutement est considéré comme un métier, et il lui reste encore un long chemin à parcourir pour que la prise de conscience soit générale.

Encore aujourd’hui, le recrutement reste noyé dans une liste infinie de tâches. 🕳️

Hélène partage avec moi un exemple :

💬 J’ai terminé une formation dans une ESN où il y a une trentaine de personnes et la chargée de recrutement, elle gère absolument tout.

Elle est à la fois assistante de direction, DAF, Responsable de la communication et elle doit en plus gérer le recrutement…

Elle était au bord du burn-out, et ne se sentait pas à la hauteur parce qu’elle n’a pas le temps de gérer.

Le problème ne vient pas d’elle, c’est juste qu’
elle gère le boulot de 3 personnes.

Et ça c’est fréquent en réalité, beaucoup plus fréquent qu’on ne l’imagine.”

[ ⏸️  Petite parenthèse : ]D’ailleurs, la plupart des recruteurs avec qui je discute se sont retrouvés à faire ce métier par hasard. Tout doucement, dans la suite logique du quotidien.

Hélène nuance le terme “hasard” et expose deux théories à ce constat :

  • Le recrutement est proposé dans la grande majorité des offres de stage en fin d’études pour un cursus en RH
💬  “Quand tu fais des études RH et que tu cherches un stage de fin d’études, en général, le seul domaine qui est ouvert aux débutants, c’est le recrutement. Tu n’as pas vraiment le choix. C’était mon cas et c’est le cas pour beaucoup de recruteurs et recruteuses avec qui j’ai discuté.
  • Et pour ceux qui viennent d’autres horizons, le recrutement fait partie de leurs missions annexes.
💬  “Parfois, les recruteurs n’ont pas de formation RH, ils ont fait une école de commerce ou d’autres études. Et quand ils cherchent un stage ou leur premier job, le recrutement fait souvent partie des missions qui leur sont confiées. Mais là encore ce n’était pas forcément un choix. Ce qui n’empêche pas un coup de cœur pour le métier!”

▶️

Puis, il convient aussi de rappeler que le recrutement est encore pratiqué par des dirigeants ou bien délégué à quelqu’un de l’équipe qui a déjà d’autres choses à gérer.

💬 “Ce sont des dirigeants qui gèrent leurs recrutements tous seuls ou qui le confient à l’assistante qui est là depuis 10 ans et qui n’a jamais fait de recrutement, qui ne sait pas rédiger une annonce, ne sait pas faire de sourcing …

Il y a plein d’entreprises déconnectées de tout ça et ce n’est pas de leur faute. Elles ne savent pas comment s’y prendre.“

Alors, recruter quelqu’un dédié au recrutement n’est pas évident. Même si le besoin est là, le démarrage est compliqué. 🤯

💬  C’est au moment où ils commencent à chercher quelqu’un pour agrandir l’équipe recrutement qu’ils réalisent que ça va être compliqué.

Je peux te parler d’une PME qui essaye depuis 6 mois. Ils n’y arrivent pas parce qu’ils n’arrivent pas à comprendre qu’il y a pas mal de trucs qui ont changé.

Ce qu’ils proposaient 3 ou 4 ans en arrière, aujourd’hui ça ne séduit plus personne :
un cadre hyperrigide, pas de TT, un salaire au bas de la fourchette où tu ne fais pas rêver les gens. En gros tu vas écrire les missions, tu vas faire du sourcing, des annonces …

Ok super …

Ils ont du mal à se remettre en cause là-dessus et donc le réveil est très douloureux parce que pour eux, recruter des recruteurs c’était facile.

Comme ce n’est pas censé être un boulot sorcier, les entreprises ont du mal à comprendre, pourquoi les recruteurs sont aussi exigeants, pourquoi ils veulent tels salaires, pourquoi ils veulent bosser en TT, pourquoi ils posent des questions sur les outils, sur les objectifs …”

Hélène est aujourd’hui formatrice de recruteurs, et à mon sens, elle un véritable thermomètre.

Avec beaucoup de recul, elle expose 3 cas de figure où des entreprises font appel à elle ainsi que la lecture de leur démarche :

  1. 💬 “Si c’est un manager ou un dirigeant qui m’appelle et qui me dit voilà, j’ai discuté avec mes équipes, ils m’ont remonté un besoin en formation, j’ai besoin d’en discuter avec vous sur l’aspect logistique, financier mais après je vais vous laisser discuter avec eux pour voir le programme, voir ce dont ils ont besoin …Là c’est plutôt bon signe.” 🌱
  2. 💬” Parfois un manager ou un dirigeant m’appelle pour me dire que son équipe est nulle, qu’elle n’arrive pas à atteindre les objectifs alors qu’ils sont une licence LinkedIn Recruiter. Ils ne veulent pas que j’échange avec l’équipe, ils me demandent juste de les former.
    Et là, c’est déjà plus compliqué.” 😬
  3. 💬 *“Et puis après tu as le troisième cas, où c’est directement les recruteurs qui vont me dire qu’ils ont très envie et besoin de faire une formation. On réfléchit ensemble, je leur envoie une proposition et ça bloque au niveau du management ou de la direction qui va dire qu’ils n’ont pas besoin de formation et que ce n’est pas la priorité. En gros, lisez des blogs regardez deux trois webinars et ça va se décoincer.

    Donc il y a plusieurs niveaux aujourd’hui, et le plus difficile c’est vraiment le troisième où il y a zéro prise de conscience. Où en fait les entreprises que j’ai en face de moi estiment qu’il n’y a pas de problème, et qu’éventuellement s’il y a un problème, il vient uniquement des recruteurs et que les entreprises n’ont pas à payer pour former leurs collaborateurs.

    Et face à ça, il n’y a rien à faire. J’ai déjà proposé d’appeler les dirigeants, les managers, de discuter avec eux. Je leur ai déjà fait une petite fiche récap en leur parlant chiffre, résultat ça ne marche pas.

    Ce sont des boîtes qui ont souvent besoin d’être vraiment au pied du mur voire de s’être vraiment pris le mur avant de commencer à envisager que peut-être le problème c’est eux
    .

    On préfère se mettre des œillères, se dire que le problème vient des autres jusqu’à ce que d’un coup tu sois vraiment dans la 💩  et que là tu te dises :Ah bah peut-être que le problème c’était nous.

    Et dans ces cas-là ce qui est difficile, c’est que souvent ton équipe est déjà tellement démotivée, que même en faisant une formation, ce sera trop tard.”

Et la transition vers le décalage avec ce qui est montré sur LinkedIn est venue tout naturellement.

💬  “Je pense que LinkedIn déforme la réalité.

LinkedIn nous montre des recruteurs qui ont envie de faire bouger les choses, des dirigeants qui prennent la parole pour dire “on recrute sans CV” …

Mais ça, c’est UNE réalité, c’est la vitrine LinkedIn.

La réalité, la vraie, ce n’est pas ça. Ce n’est pas ça du tout, du tout, du tout.”

🚨 C’est une réalité. C’est vraiment un message important.

Il existe un tout un écosystème qui est à un autre niveau. Et qui commence même à segmenter le recrutement dans différentes spécialisations : Acquisition de talent, coordinateurs, évaluateurs, sourcing …

Je tenais absolument à en parler avec Hélène.

💬  “On est très en retard en France sur certains sujets. Et je ne sais pas si toutes les entreprises pourront rattraper ce retard. Ou peut-être via l’écosystème start-up/scale-up.

Dans les licornes ils ont mis en place des choses, chez Doctolib ou autre où ils sont très en avance sur ça mais la pour le coup on parle de deux univers différents.

Si tu parles de ça avec la plupart des PME, même certaines grosses entreprises, elles ne comprendront pas. C’est comme vivre sur 2 planètes différentes.

Et ce n’est pas forcément utile non plus. Il ne faut pas croire que toutes les structures ont besoin de cette spécialisation.”

Les recruteurs … et le recrutement

Et on arrive là, à la partie la plus passionnée de l’échange. Et c’est normal après tout ce que nous venons d’aborder.

Dans ce contexte, les recruteurs subissent une pression énorme. Et alors que le recrutement ne fait que ses premiers pas en tant que métier, il est déjà fortement exposé au burn-out. 🚒

Alors n’oublions pas que l’on parle d’un métier à impact social. Si on prend un peu de recul, on peut rapidement voir à quel point cette situation est dangereuse.

[ ⏸️  Petite parenthèse] Et je trouve que le parcours d’Hélène est incroyable. Elle a vécu cette pression, au point de frôler le burn-out et aujourd’hui elle agit au quotidien pour former et accompagner les recruteurs dans leurs besoins, dans leurs galères.

▶️

Hélène m’embarque dans le parcours du combattant des recruteurs et commencera par dire :

💬 Le recruteur c’est celui qui doit être absolument parfait pour ses clients, pour ses managers, il doit être parfait pour ses candidats, il doit tout le temps répondre à tout.

Il doit répondre aux attentes de tout le monde. Tu n’as pas le droit à l’erreur, tu n’as pas le droit de te tromper, tu n’as pas le droit de pas savoir et à un moment c’est juste épuisant.”

Puis, on en vient à parler des recruteurs dans la tech.

💬  Aujourd’hui on parle beaucoup des recruteurs IT, c’est ma spécialité. Je pense qu’ils ont fait un truc involontairement, ils ont tiré un petit peu la profession vers le haut.

Sans dire qu’ils sont meilleurs que les autres ou quoi, ce n’est absolument pas ça.

C’est un concours de circonstances. Comme tout s’est cristallisé autour, les recruteurs Techs sont obligés d’être plus créatifs, ils sont obligés d’aller chercher des choses ailleurs.

Ce sont les premiers qui sont allés chercher les techniques de growth … et toute la technique un peu annexe autour.

Et ce sont les premiers qui ont été obligés d’être vraiment dans un rapport de séduction avec les candidats, qui ont vu le marché changer.”

Ils suscitent beaucoup d’intérêt et sont souvent sous le feu des projecteurs :

💬  “Ils ont dû changer leurs pratiques par la force des choses.

Ce qui fait que ce sont des recruteurs très recherchés non seulement parce que le marché tech est tendu, mais aussi parce que souvent ce sont des recruteurs qui sont allés chercher des pratiques ailleurs. Parce que s’ils ne le font pas, ils ne recrutent pas.”

🚨Et elle précise :

💬 Le problème c’est qu’on voit aujourd’hui un énorme décalage entre le recruteur tech et le recruteur des autres domaines, alors qu’honnêtement, il n’y en a pas.

J’ai accompagné une recruteuse dans d’autres secteurs et la Tech n’est pas le secteur le plus difficile.

Vas recruter dans la restauration, dans le médical, dans la pharma en ce moment, bon courage !

C’est beaucoup plus difficile et pour autant les recruteurs dans ces domaines-là ils sont payés peanuts. 🥜
Le salaire proposé aux recruteurs
💬  “Il y a un problème non ?  

De toute façon dans tous ces secteurs où c’est difficile, où ils n’ont pas pris conscience du marché, ils ont aucune raison de bien traiter leurs recruteurs. Parce qu’ils n’ont pas compris que le marché a changé.”

Alors la confusion s’installe et de nombreux recruteurs perdent confiance.

💬  Il y a pas mal de recruteurs hors tech qui m’avaient dit qu’ils avaient l’impression que comme ils ne sont pas recruteurs dans la tech, ils sont moins bons.

Il y a ce truc très élitiste du recruteur qui sait sourcer et de celui qui ne sait pas.

Mais le fond du problème reste le même.

Tous les recruteurs ont le même problème, sourcing ou pas : une mauvaise définition du besoin, des critères qui ne sont pas réalistes, le fait que tu ne sais pas parler aux gens que tu cherches, le fait que ta boîte a mauvaise réputation, ou qu’elle ne respecte pas les gens, et que les gens dans la boîte n’ont pas envie de rester … Et donc certains recruteurs passent leur temps à remplacer des gens qui s’en vont. C’est épuisant et contre-productif.”

C’est donc avec beaucoup de clarté qu’Hélène insiste 👇 :

💬  Sourcing ou pas sourcing on s’en fout, le vrai problème qui rassemble les recruteurs aujourd’hui c’est qu’à un moment on te demande l’impossible.”

Elle a d’ailleurs récemment publié un article à ce sujet que je vous conseille vivement.

Hélène enchaîne avec une injonction qui fait beaucoup de mal aux recruteurs et c’est celle de la formation.

💬  “Alors qu’aujourd’hui on est dans une injonction permanente où le recruteur doit tout maîtriser, absolument tout.

Et je pense que c’est dangereux parce qu’on décourage les gens, et ça fait aussi venir des personnes qui ont une mauvaise compréhension du métier.

C’est un métier où on nous en demande beaucoup ou vraiment on va te donner cette injonction à te former en permanence (et c’est très important de le faire tout au long de sa vie) mais attention encore une fois !

Quand tu as passé une journée de 8 heures, que tu as sourcé, que tu as rencontré des gens, que tu finis à 18h ou 20h, et qu’en plus on te dit il faut que tu ailles à des Meet up, qu’il faut que tu suives des webinars, que tu vas manger ton sandwich en suivant des lives entre midi et deux, et que le week-end il faut encore que tu prennes du temps pour lire la news letter, au bout d’un moment, tu as l’impression que tu n’as plus de vie en dehors du boulot.”  
🙅🏻

Et en plus de ça, le recruteur doit faire face à beaucoup de colère, souvent exprimée publiquement.

💬  Tu te fais taper à longueur de journée sur LinkedIn par des gens qui te traînent dans la boue alors qu’ils ne connaissent pas ton quotidien, bah en fait à un moment tu décroches.”

Alors que ces mêmes personnes sont loin d’imaginer que souvent on leur en demande trop et que ce n’est pas tenable.

💬 “C’est du tiraillement. C’est vraiment ça le terme. C’est vraiment le sentiment d’être écartelé. Tu as les candidats qui te tirent d’un côté pour te dire, aidez-moi, et puis le manager de l’autre qui te dit oh qu’est-ce que tu fous là, tu cherches des gens …”

🚨 Résultat ? Des recruteurs qui ont complètement perdu confiance en eux, qui sont perdus.

💬 “Pendant très longtemps on attendait du recruteur qu’il connaisse le droit du travail, qu’il connaisse toute cette partie très RH. De plus en plus aujourd’hui on va attendre du recruteur qu’il ait toute cette palette de compétences très orientée marketing, communication.

Encore une fois c’est un problème à la fois de formation et de compréhension du métier. C’est qu’à un moment tu as une personne à qui on va demander de faire le job de deux, 3 voire 4 personnes.

C’est impossible, humainement c’est impossible.

Tu peux avoir des gens qui sont de super bonne volonté et qui ont envie de bien faire les choses mais à un moment si tu demandes au recruteur de faire à la fois une partie paye, un peu d’administration RH, du recrutement (du sourcing, de l’annonce …) et en plus à côté de faire la com, de faire toute la partie marque employeur… Et ensuite on s’étonne que les gens pètent les plombs et se retrouvent en burn-out.

C’est normal, ce n’est pas possible. Le périmètre n’est pas défini. 🚧

Ok je trouve les évolutions très positives mais il ne faut pas oublier que le job d’un recruteur c’est de trouver des gens qui correspondent à sa boîte. La mission d’un recruteur c’est ça.

Et j’ai l’impression qu’aujourd’hui on perd ça de vue et que l’on va demander de plus en plus aux recruteurs de maîtriser plein de choses.

Ça met une pression de dingue et beaucoup de recruteurs ont l’impression de ne pas être à la hauteur
.

En formation, je retrouve des recruteurs qui ont peur et qui s’excusent toutes les 5 minutes parce qu’ils ont peur de se tromper. Avant de répondre à une question, ils disent “ah je ne sais pas si je vais avoir bon ou pas”.

Ils sont terrifiés à l’idée d’être nuls : nuls en sourcing, nuls en entretien, nuls dans les process. Et parfois ils ont honte, de leurs entreprises, de leurs outils, de leurs pratiques. Ils ont honte de tout. Je vois beaucoup de souffrance chez les gens que je forme.

Enfin on est en train de faire des gens qui ont peur, qui ont peur de pas être suffisamment bons parce qu’on demande aujourd’hui aux recruteurs d’être bons dans tout.”

Honnêtement, qui a envie de travailler dans de telles conditions ? Je pense à Ian 🌶️, quand dans son article sur le rapport au Non des recruteurs, il dit : “Si vous cherchez le plus grand club SM du monde, devenez recruteur/recruteuse. Jamais je n'ai vu une profession aussi liée à la douleur.”

Le recrutement n'est pas un métier facile

Pourquoi la prise de parole et la formation sauveront le recrutement

Dans les questions que j’avais préparées pour Hélène, il y avait bien sûr le sujet de la formation. On en entend beaucoup parler.

Elle avait déjà dans un premier temps évoqué ce point en parlant de l’injonction à la formation. Mais nous revenons sur le sujet pour finir de nuancer le besoin en formation en mettant en lumière la vraie priorité.

En l’état de la situation décrite dans cet article, bien sûr que la formation est nécessaire. Et Hélène est la première à en être convaincue. La preuve, elle en a fait son métier.

🚨 Mais il faut qu’elle existe pour les bonnes raisons et aujourd’hui, même si l’apprentissage est fondamental, ce qui l’est plus, c’est de sortir les recruteurs de la solitude que leur procure leur silence.

Un silence imposé par la peur et par le manque de confiance.

💬 Il y a la formation mais il y a vraiment le fait de ne pas rester seul et de demander de l’aide. Si ça ne va pas il faut le dire, aller dans des communautés. Pas simplement pour se former, mais aussi pour dire quand ça ne va pas ou que quand tu n’y arrives pas.

Sur le Discord “Sourceurs Non Peut-être”, il y a beaucoup de d’espaces de parole qui vont dans ce sens par exemple. Il y a ce petit canal “aidez-moi svpl” où les gens parlent ouvertement et ça c’est sain.

Il y a ces deux volets-là : l’accès à la formation et le fait de ne pas rester seul, de ne pas rester enfermé, d’essayer de voir comment ça se passe avec les autres.

Parce que ça t’aide à relativiser et à prendre du recul, de discuter avec les gens, de pas avoir peur, même de contacter d’autres personnes sur LinkedIn ou d’anciens recruteurs pour savoir comment ils ont duré dans le métier, comment ils sont partis, qu’est-ce qu’il s’est passé.

Parce que très souvent en formation, ce que les gens attendent, ce n’est pas d’être formés, c’est de parler, c’est d’être écoutés.

Et c’est souvent le retour que j’ai de mes formations.

Parce qu’avec toutes les personnes que je vois, j’arrive à leur dire, ce genre de problème d’autres l’ont également, ce n’est pas juste chez toi.

Et ça permet de dire à la personne : le problème ce n’est pas toi. Le problème c’est la vision du métier, le problème c’est ton entreprise, ton management. Et c’est ça dont les recruteurs ont besoin.”
La prise de parole et la formation sont fondamentales pour faire avancer le recrutement

Et Hélène m’explique aussi que c’est bénéfique pour les recruteurs de prendre la parole pour aider toutes les parties prenantes du recrutement à mieux comprendre leur métier et à apaiser les tensions.

💬 “Pour un candidat, un recruteur est tout-puissant.

Si en tant que recruteur, tu expliques à un candidat, ton périmètre, ton rôle, jusqu’où tu peux aller, tout est beaucoup plus clair.

J’encourage énormément les recruteurs à prendre la parole. Je l’ai fait et je continue à le faire. Et ça m’a fait du bien, ça m’a aidée à me réconcilier avec les candidats. Certains m’ont dit : on ne m’avait jamais expliqué ça, je comprends mieux. Et une fois, un candidat m’a dit : vous m’avez fait changer d’avis sur les recruteurs !

Et c’est comme ça que tu amènes les gens à se réconcilier dans cette logique d’avancer ensemble et pas l’un contre l’autre. Si un candidat comprend quelles sont tes limites, que ce n’est pas toi qui fixes les critères, que ce n’est pas toi qui es discriminant ou que ce n’est pas toi qui peux faire les réponses … C’est gagné.”

Et en entreprise, c’est pareil. C’est important de dire ce qu’il se passe.

Pendant notre conversation, nous sommes revenues sur les expériences qu’Hélène a vécu en tant que formatrice. Parfois, les personnes qu’elle forme se rendent à l’évidence, que le mieux pour elles c’est de partir.

💬  “C’est horrible, parce que pour beaucoup de personnes c’est la seule solution, et l’entreprise elle-même ne va pas forcément se remettre en question et donc c’est quelqu’un d’autre qui va prendre la place et qui va se retrouver dans ce même schéma, jusqu’à ce qu’il y ait un point de rupture. Et moi je l’ai connu.”

Elle m’explique alors son histoire. 👇

💬“J’ai travaillé dans une ESN où avant moi il n’y avait pas de recruteurs. J’étais la première embauchée.

En réalité, je l’ai appris trop tard, ils avaient essayé d’embaucher des recruteurs avant moi. J’ai appris qu’il y avait eu 7 personnes avant moi et qu’elles étaient restées entre 1 et 6 mois sur le poste.

Moi je suis restée 6 mois. Ça a été une expérience horrible. J’en étais malade, j’ai perdu du poids, je déprimais tous les dimanches, c’était affreux.

Quand je suis partie, je n’avais rien à perdre et j’ai décidé de vider mon sac. J’ai dit tout ce que j’avais à dire. Aussi bien le positif (parce qu’il y avait quand même des choses bien) que le négatif.

Ils ont mis plusieurs mois avant de recruter quelqu’un d’autre. Mais la personne qui a été embauchée m’a envoyé un mail pour me remercier d’avoir mis un coup de pied dans la fourmilière avant de partir. L’équipe lui a expliqué que grâce à mon coup de gueule les bases étaient devenues plus saines.  Et c’est la seule qui a réussi à rester longtemps, et quand je dis longtemps, elle a réussi à rester presque 3 ans.”

Mais des fois, la souffrance et trop grande et il n’y a plus grand-chose à faire.

💬 “Il y a des gens qui partent et qui partent parfois dans la douleur. Souvent avec l’impression d’être nuls et certains vont même parfois partir en se disant qu’ils n’ont plus envie de faire ça.

Donc oui, je te rejoins, à un moment ça met un coup de pied dans la fourmilière si tu as l’occasion de le faire et que tu as en face de toi ces personnes qui ont quand même du recul.

Parfois en face la casse est violente. Et elle peut l’être pour les entreprises mais elle peut aussi l’être pour les recruteurs.“

Et c’est important d’en parler également. Je pense à Bérangère Gonzalez 😍 par exemple, qui n’est plus recruteuse aujourd’hui mais qui continue à prendre la parole régulièrement au sujet de recrutement.

Même si ce sont des personnes qui ne pratiquent plus le métier, leurs prises de parole et le partage de leur vécu pourront servir à ceux qui sont en pleine tempête ou à ceux qui s’apprêtent à intégrer le métier. 🙌

Alors pourquoi l’information, la formation et prise de parole sauveront le recrutement ? Tout simplement parce qu’elles contribueront à sceller un périmètre clair, net et précis de ce qu’est le travail d’un recruteur :

💬  Les missions du recrutement sont la compréhension du besoin, la stratégie de recherche, et l’évaluation. Ce sont les 3 piliers du métier.”

Une fois cette confusion dissipée, il ne restera plus qu’à continuer à avancer dans la bonne direction pour transmettre les bonnes pratiques au travers de la formation, du dialogue et du partage, sans donner de leçons, sans semer la division.

💬  “C’est un mouvement positif pour t’inspirer, te donner des idées, te donner le sentiment que tu n’es pas seule et moi vraiment je milite pour ça.”

Le mot de la fin

En guise de mot de la fin, je vous partage le retour d’Hélène sur une autre grande bataille qui doit être menée.

💬  Ma plus grande difficulté c’est de savoir comment faire pour aller chercher des gens qui en ont vraiment besoin parce qu’ils n’en ont pas du tout conscience qu’il y a un problème.

Aujourd’hui il y a plein de gens qui font de recrutement, sans savoir qu’ils le font mal et ces gens-là ils ne feront jamais de formation. Jamais
.

Et toute la problématique elle est là.

Aujourd’hui on a affaire à un métier que les gens font sans y avoir été formés et ils n’auront jamais accès à cette formation parce qu’ils ne se rendent pas compte que c’est un vrai problème.”

C’est avec beaucoup d’admiration pour les recruteurs que j’arrive au bout de la retranscription de mon échange avec Hélène.

J’espère qu’il vous aura été utile et j’espère qu’il arrivera à toucher un maximum de personnes.

Je vous dis à très bientôt,

Et bons recrutements ! ✌️

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À propos de l'auteur·e
Silvia Galo
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Content Manager chez Taleez, je vous livre les réflexions et les actions concrètes en RH au travers des retours d'expérience de professionnels inspirants. 🙌