Comment j’ai structuré le process de recrutement d’une crèche

Oriane Santhasouk
Comment j’ai structuré le process de recrutement d’une crèche

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“Raconte-moi une fois où tu as changé un process de recrutement.”

C’était la demande de Silvia.

D’abord, j’ai pensé raconter mon expérience de recruteuse dans l’informatique. Comment on est passés d’une, à 2, puis 3 puis 4 étapes.

Ensuite, j’ai pensé raconter mon expérience de recruteuse freelance en startup. Comment on a intégré un cas pratique dans le process.

Mais finalement, l’histoire que j’ai choisi de te raconter est surement plus intéressante.

Comment j’ai structuré le process de recrutement d’une crèche.

Pourquoi raconter cette expérience ?

Je te vois déjà faire les gros yeux :

  • La petite enfance, c’est quand même un secteur très particulier.
  • Une association, ça ne fonctionne pas comme une entreprise.
  • C’est une expérience bénévole, il n’y a pas d’enjeu professionnel pour moi.

Et pourtant, beaucoup d'éléments sont transposables  :

  • Au contraire, il y a un enjeu très fort sur le recrutement, qui peut aller jusqu'à la fermeture de l'établissement,
  • Un process préexistait et personne n'avait envie de changer - à part moi,
  • Le recrutement réalisé par des personnes qui ne sont pas du tout recruteuses,
  • La petite enfance, c’est un marché difficile avec peu de candidats qualifiés et beaucoup de besoins du côté des entreprises. La “pénurie de talents”, ce n’est pas que dans l’informatique !

En quelques mots, le contexte :

Sans rentrer dans le détail du fonctionnement des crèches associatives parentales… disons simplement que j’étais RH bénévole pour une crèche, et en charge des recrutements.

Suite à une réorganisation des taches de l’équipe, on recrute une personne qui partagera son temps entre la cuisine (le matin) et l’accompagnement des enfants (l’après-midi).

Le process en héritage

Quand je prends mon poste de RH, le process en place est le suivant :

  • La responsable de l’équipe réalise une petite qualification téléphonique où elle valide l’intérêt de la personne pour la crèche associative, son diplome et sa disponibilité.
  • La responsable et/ou les personnes de l’équipe rencontrent la personne candidate. Elles font un entretien au feeling. Elles finissent par faire visiter la crèche.
  • Si la magie opère, alors la personne candidate rencontre la personne en charge des RH (moi en l’occurrence).
  • À moins d’un contre-feeling très prononcé ou d’une demande de salaire qui ne correspond pas au budget, j’envoie une proposition d’embauche et on formalise.

Très rapidement, je dois réaliser ce premier recrutement : un profil hybride, aussi bien à l’aise en cuisine qu’avec des enfants. C’est assez peu habituel dans le secteur.

Je propose à l’équipe de discuter du process, mais elles me disent immédiatement : “Non c’est bon, t’inquiète pas, on a toujours fait comme ça, ça marche.”

Ok, soit. Si ça fonctionne vraiment, leur organisation, après tout… pourquoi pas ?

Les critères de sélection sont :

  • la personne doit avoir un diplôme qui lui permet de travailler avec les enfants,
  • la personne doit pouvoir proposer des repas adaptés à des enfants de 4 mois à 3 ans,
  • elle doit être une collègue sympa pour l’équipe,
  • elle doit être une accueillante sympa pour les enfants,
  • elle doit être une personne de confiance pour les parents.

L’équipe rencontre une candidate. Appelons-la Sandrine.

  • Elle a un diplôme qui correspond.
  • Elle dit qu’elle sait faire à manger (elle dit qu’elle l’a déjà fait).
  • Elle a l’air gentille.

Tu images déjà la suite ? Ca-tas-trophe. Elle reste moins d’un mois en poste.

  • Les enfants ne mangent pas ses repas et ils ont peur d’elle.
  • Elle s’est mis toutes ses collègues à dos.
  • Les parents la trouvent bizarre.

Elle met fin à sa période d’essai et quitte la crèche avec fracas.

A mon niveau, les problèmes sont clairs :

  • La décision de recruter Sandrine s’est basée sur sa sympathie perçue,
  • Ses compétences n’ont pas été évaluées.

Conséquence ? On paie cash ce recrutement raté :

Une personne en moins dans l'équipe, ça fait mathématiquement baisser le ratio de nombre d'adultes par nombre d'enfants.

Si le ratio baisse un peu, c'est embêtant car le groupe ne peut plus faire des sorties (il faut respecter un taux d’encadrement minimum).

Si le ratio baisse beaucoup, là c’est très embêtant car c’est la capacité d'accueil impactée.

Le recrutement est donc critique.

Et là, il faut le recommencer de zéro.

Je propose à l’équipe de revoir ensemble le process.

Vu le fiasco de leur méthode, elles n’ont pas d’autre choix que d’en essayer une autre.

Mon objectif est de créer un process … :

  • … qui soit assez carré pour sécuriser au maximum de critères,
  • … qui puisse être déroulé par n'importe qui, y compris des personnes qui n’y connaissent rien au recrutement,
  • … qui laisse à l’équipe l’impression de choisir ses futurs collègues.

Elles sont 5 ou 6 salariées, la cohésion est importante. Elles doivent bien s’entendre pour bien travailler ensemble. Et donc, elles doivent “avoir le feeling” avec la personne. Et c’est ok, à partir du moment où les critères obligatoires sont remplis.On commence par des réunions pour faire le point sur ce qui n’a pas fonctionné avec Karine.Je veux leur retour d’expérience.

En réalité, c’est le prétexte pour récolter les incidents critiques.

Parmi les incidents critiques cités, je note par exemple des anecdotes comme :

  • “Elle a puni un enfant qui jetait de la nourriture”,
  • “Les enfants n’aiment pas ses plats”,
  • “Quand elle a visité la crèche, elle ne s’est pas mise à hauteur d’enfant pour leur parler”,

À partir de là, on identifie les critères indispensables :

  • La personne a des connaissances actualisées sur le développement des enfants de 0 / 3 ans,
  • Elle propose des activités alignées sur les besoins du moment des enfants,
  • Elle est capable de délivrer en moins de 2h des repas solides variés et équilibrés, et des repas pour bébés à partir des produits bruts, adaptés à leur âge,
  • Elle sait s'adapter et se remettre en question.

Ensuite, on écrit des questions situationnelles ou comportementales pour identifier comment la personne réagirait dans telle ou telle situation.

L’équipe donne les informations de fond, et moi je mets en forme de manière à construire une trame d’entretien.

Désormais, en entretien, les personnes de l’équipe posent des questions comme :

  • Si un enfant monte le toboggan à l’envers, comment tu réagis ?
    • La pire réponse qu’elle pourrait donner est : “Je l’attrape, je le punis.”
    • La meilleure réponse qu’elle pourrait donner est : “Ça dépend, quel âge à l’enfant ?”
  • Imagine que les 12 enfants sont dans la salle principale et tu sens que la tension monte, comment tu réagis ?
    • La pire réponse qu’elle pourrait donner est : “Je leur dis fermement de se calmer.”
    • La meilleure réponse qu’elle pourrait donner est : “Je propose une activité dans un autre espace pour diviser le grand groupe.”

Je leur explique que l’idée est de poser les mêmes questions à toutes les personnes candidates, pour pouvoir comparer objectivement leurs réponses.

L’équipe est ravie, parce que ces questions situationnelles sont abordées comme des mini-cas pratiques.

C’est l’occasion d’échanger sur les pratiques et sur les différents courants pédagogiques.

En parallèle, je réécris l’annonce. Désormais, elle annonce la couleur. Elle dit, en gros : “les conditions de travail sont très sympas mais on paie au salaire mini conventionnel.”

Le nouveau process devient donc le suivant :

  • Une préqualification téléphonique par la personne des RH qui revalide la mission et les points pratiques, y compris le salaire.
  • La personne candidate rencontre 2 personnes de l'équipe (responsable ou non) qui déroulent une trame de questions.
  • Une visite de la crèche qui est vraiment une visite, et pas une évaluation déguisée,
  • Si on a le temps, une 1/2 journée d'immersion (sous forme de convention de bénévolat, grâce à la forme associative de la structure). C’est à ce moment là, en revanche, que les comportements professionnels sont observés.
  • Les personnes de l’équipe en place se concertent et décident si oui ou non elles veulent faire une proposition d’embauche.
  • Si la personne est ok, un échange final avec la personne des RH.

En résumé, ce qui a changé :

  • La question du salaire est adressée très tôt dans le process,
  • On cherche à connaitre les comportements de la personne en situation professionnelle,
  • Les personnes sont évaluées sur les mêmes critères
  • Le process est écrit et peut être déroulé par n’importe qui, avec ou sans RH / responsable d’équipe.

Voilà comment j’ai structuré le process de recrutement d’une crèche associative. J’ai essayé d’apporter de la rigueur dans le choix des critères et leur évaluation, tout en laissant à l’équipe la main sur “le côté humain” qui est indéniablement important dans les petites équipes.

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