Féminiser les métiers techniques : comment recruter réellement inclusif

Anaïs
Féminiser les métiers techniques : comment recruter réellement inclusif

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82 % des femmes ont été confrontées à des stéréotypes de genre pendant leur scolarité et 44 % ont été jugées moins compétentes que les garçons en mathématiques. C’est une enquête 2024 de l'association "Elles bougent" avec OpinionWay, et elle a de quoi questionner l’impact des représentations ancrées dès nos premières années.

Parce que dès le plus jeune âge, les représentations façonnent les aspirations professionnelles. Et à l’âge adulte, le constat est sans appel : les femmes se projettent moins naturellement vers certains secteurs et la société continue de considérer des métiers comme "des métiers d’hommes".

Un cercle vicieux qui, sans action concrète, perpétue la sous-représentation des femmes dans des domaines tels que la tech, l’ingénierie ou les métiers manuels.

Pour autant, est-ce que c’est une fatalité ?

Est-ce une question de compétences, ou de perception ?

C’est tout l’enjeu des initiatives portées par Géraldine Michaud, responsable recrutement chez Free sur les métiers réseaux, qui agit à son échelle pour bousculer les codes et offrir de nouvelles perspectives dans le monde de l’emploi.

Pourquoi et comment attirer les femmes vers les métiers techniques : réponses dans cet article engagé.

Féminisation des “métiers d’homme” : pourquoi c’est un sujet ?

72 % des entreprises concernées ont publié leur résultat de l’index de l’égalité professionnelle en 2023. Avec une note moyenne de 88/100, une progression par rapport aux années précédentes est à souligner.

Côté Free, ils enregistrent une hausse de note de 4 points, soit 94/100. Un score élevé qui confirme la solidité de la politique du Groupe iliad, maison-mère de Free, en termes d’égalité entre les femmes et les hommes.

C’est encourageant, mais le challenge est persistant.

Donc oui, féminiser les métiers techniques, c’est un sujet.

D’autant plus quand on sait que les stéréotypes sont imprégnés depuis l’enfance et comme le décrivait le célèbre sociologue Pierre Bourdieu, dans le livre “La Domination masculine”, les rôles de genre sont construits et renforcés socialement. Un métier technique, physique, de terrain, est encore associé au masculin, alors que les femmes pourraient y exceller si elles en avaient connaissance.

C'est-à-dire que, à travers la féminisation, l’idée n’est pas de révolutionner un secteur historiquement masculin, mais d’éveiller des réflexions. Des inspirations.

Aujourd’hui, si peu de femmes candidatent, c’est pour 2 raisons principales :

  • D’une part, parce que ce sont des métiers reconnus difficiles : les postes de Technicien Télécom sont manuels et impliquent des conditions de travail parfois dures.
  • D’autre part, par méconnaissance des opportunités : beaucoup de femmes n’envisagent même pas ces métiers, faute de visibilité.

Selon Géraldine, justement, il s’agit de refuser que ce soit une fatalité : car si on ne communique pas, les femmes n’y songent pas.

"C’est notre rôle en tant qu’employeur et recruteur. Même dans les métiers très masculins comme celui de Technicien Télécom, il est important de diffuser nos offres auprès des femmes, car certaines pourraient être intéressées. Trop souvent, ces fonctions leur sont accessibles. On doit alors les mettre en lumière et les accompagner pour aller vers cet horizon encore inimaginable pour elles.” Géraldine

Quid de la discrimination positive

La discrimination positive fait toujours débat, à l’image de ce post LinkedIn publié par Christelle Vaugelade-Kalipé : un levier nécessaire ou une fausse bonne idée ?

En France, la collecte et le traitement des données personnelles sont rigoureusement encadrés par la loi "Informatique et Libertés" de 1978 et le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Ces textes imposent des obligations aux responsables de traitement, que ce soit en matière de transparence, de finalité et de proportionnalité. La collecte de certaines données sensibles, telles que l'origine raciale ou ethnique, est généralement interdite, sauf exceptions spécifiques. Appliquer des quotas ne semble pas être la meilleure option.

Des entreprises choisissent d’autres solutions légales et tangibles pour stimuler la mixité.

Entre autres, en ciblant et sourçant des profils aussi bien masculins que féminins, en appliquant strictement un recrutement objectif avec l’entretien structuré, et en visant une évaluation uniquement sur les compétences et dénuée de tout biais.

Chez Free, Géraldine et son équipe ont misé sur l’axe formation pour élargir le vivier de talents féminins et favoriser l’accès aux métiers techniques.

3 initiatives concrètes pour attirer les femmes vers les métiers techniques

Entre actions menées chez Free et suggestions, Géraldine partage 3 initiatives pour bouger et féminiser les lignes.

1. De la sensibilisation dès le plus jeune âge

“Je crois à la nécessité d’intervenir dès l’école primaire et collèges, où les stéréotypes sont déjà très présents pour éduquer autour de ces carrières. C’est crucial et c’est une véritable ambition pour moi que de le déployer pour les métiers sur lesquels je recrute actuellement.” Géraldine

Voire même conduire des opérations similaires dans les lycées et écoles techniques.

L’idée ? Susciter des vocations ! 

C’est possible avec une plateforme comme myjobglasses qui s’intègre dans les programmes d’orientation scolaire et aide les élèves à faire les bons choix grâce aux rencontres professionnelles. De manière collective ou individuelle, des professionnels peuvent ainsi parler de leur parcours, leur quotidien et ouvrir les esprits. Une mission portée aussi par JobIRL qui soutient les jeunes en manque de réseau.

De façon encore plus ciblée, l’association “Elles bougent” porte un projet de sensibilisation à la mixité des métiers pour les élèves de primaire centré sur les domaines scientifiques et techniques.

Le cycle comprend : 

  • Une intervention en classe avec jeux et explications des concepts de mixité, d'égalité et de parité (une demi-journée),
  • Une visite d'entreprise ou d'école d'ingénieurs (une demi-journée),
  • Une restitution des élèves auprès des autres classes de l'école, avec présence possible des parents, d'un invité spécial, du directeur ou de la directrice (une demi-journée).

Du très concret pour initier les jeunes aux métiers d'Ingénieure et Technicienne.

2. Le pouvoir de la communication

Géraldine met en avant de nombreux arguments dans ses communications et utilise une forme neutre, avec le “vous” dans ses annonces par exemple.

L'innovation du secteur, les opportunités de formation et d'évolution au sein de l'entreprise sont des marqueurs forts, tout comme la notion d’impact que Free peut avoir sur la vie des Français. 

De plus, leur engagement pour une approche qui vise à exclure toutes discriminations à l’embauche est fièrement affiché sur les supports de Marque Employeur de l’opérateur. Free a notamment lancé l’année dernière sa campagne “Être Free” : https://etre-free.fr/ 

Que ce soit dans les métiers techniques ou technologiques, les femmes y sont systématiquement représentées. Tout comme sur leurs réseaux sociaux.

Voilà une démonstration qui contribue à déconstruire les stéréotypes et encourage davantage à se projeter.

3. La formation comme tremplin

L’une des démarches concrètes menées par Géraldine a été la mise en place d’une POEI via France Travail (Préparation Opérationnelle à l’Emploi Individuelle). 

Ce dispositif permet aux employeurs de financer une formation préalable à l’embauche avec un contrat de travail indéterminé ou déterminé d’une durée minimale de 4 ou 6 mois. Son but est donc de former pour combler l'écart entre les compétences détenues par un candidat et celles que requiert un poste précis.

Une opération qui permet d'atteindre des personnes éloignées de ces métiers, en recherche d’emploi, pour leur offrir une vraie chance d’insertion.

"Si déjà, en termes de formation, les profils féminins ne sont pas présents, nous ne serons pas capables de diversifier nos recrutements. D’où l’importance d’agir en amont, dès le stade formation.” Géraldine

En parallèle, Free recevait en mars 2025 au sein de son centre de formation aux métiers de la fibre et du mobile à Argenteuil les équipes de l'ANCT - Agence nationale de la cohésion des territoires. Ils ont pu se mettre "dans la peau" d'un Technicien ou d’une Technicienne fibre ou mobile, grâce à des ateliers pratiques qui montrent la variété et la complexité de ses missions. De la réalisation d’une soudure à un brassage de point de mutualisation, en passant par une mise en situation d'un raccordement chez l'abonné. Une expérience immersive qui pourrait s’étendre à d’autres populations, pour toujours plus rééquilibrer l’accès à ces métiers.

Zoom : Un enjeu sociétal au-delà du recrutement

Former des femmes, c’est bien. Mais il y a une réalité qui peut vite rattraper. La société.

Il ne suffit pas de pousser les portes, encore faut-il que l’environnement soit prêt à les accueillir. Et ça dépasse le cadre du recrutement : en préparant le terrain côté clients.

Et oui, certains refusent d’être pris en charge par une Technicienne Télécom. Cette observation peut sembler décourageante, toutefois, elle montre qu’un travail de pédagogie est utile pour changer les perceptions.

Doucement, mais sûrement, chaque formation, chaque recrutement, chaque action de communication participe à normaliser la présence des femmes dans ces métiers.

Le changement est lent, mais il est en marche. Et plus les entreprises s’engagent, plus elles ouvriront la voie aux futures générations.

Faire évoluer la culture d’entreprise, une action à la fois

Clairement, on touche ici au fondement de la culture d’entreprise. Ou comme Géraldine aime le dire, c’est une question de “réfléchir out of the box”.

"On ne va pas se le cacher, c'est plus facile quand on a une direction qui est déjà sensible à ces sujets-là. Chez Free, c'était heureusement le cas : il ne restait plus qu'à identifier et embarquer les managers autour d’une méthode" Géraldine

Et si contrairement à Free, certaines entreprises se montrent plus réticentes, elle recommande de s’appuyer sur leurs obligations légales.

Effectivement, l’index d’égalité hommes-femmes les contraint à mesurer leurs actions en faveur de la mixité. Un levier à ne pas négliger.

“Il faut saisir ces opportunités. Comme par exemple le 8 mars. Quelle entreprise aujourd'hui peut dire “Ah non, on ne fait rien pour la journée internationale des droits des femmes ?" C’est un point de départ. Chez Free, nous en avons fait un mois thématique, avec un éventail d'activités de sensibilisation sur toutes nos populations.” Géraldine

Ce mois de l’égalité s’articule autour du 8 mars, date de la fameuse journée internationale des droits des femmes. Un moment phare pour promouvoir l’égalité professionnelle et sociale au sein des entreprises en mobilisant des efforts significatifs.

Quelques pistes…

L’organisation de conférences / tables rondes : Avec des partages d’expériences, des témoignages de femmes dans des secteurs sous-représentés, des débats sur l’égalité salariale, des interventions d’experts en diversité et inclusion.

Pour la 3ème année consécutive, Free en a profité pour animer un "Free Talks" sous forme de stand-up avec Marine (Pétroline) Soichot, une conférencière qui déconstruit le sexisme au travail avec humour tout en apportant des clés pour faire de toutes et tous des alliés de l'égalité. Elle propose un guide complet sur le sujet par ailleurs.

Des actes militants : Avec la lutte contre la précarité menstruelle et la distribution de protections périodiques, la mise en place de cellules d’écoute contre les violences sexistes et sexuelles, du mentorat pour favoriser l’ascension professionnelle des femmes.

Des mesures qui font du bien à la culture d’entreprise et consolident directement la marque employeur. En effet, une entreprise qui démontre que l’inclusion n’est pas qu’un discours mais une priorité recrute et fidélise plus facilement des talents féminins.

Petit à petit, la mixité fait son nid

Quand on parle de féminisation des métiers techniques, on imagine souvent des chiffres impressionnants et des transformations radicales. En vérité, le changement se joue également à petite échelle. 

C’est précisément l’état d’esprit de Géraldine.

"Chaque avancée compte, et sur les métiers de Techniciens Télécoms, les femmes restent sous-représentées. Mais chaque nouveau recrutement représente un sacré pas en avant.” Géraldine

Maintenant, l’enjeu consiste à pérenniser ces initiatives ! Mais aussi, à créer un effet boule de neige : chaque femme recrutée pouvant devenir un rôle modèle pour les suivantes.

Enfin, mesurer et ajuster. L’analyse des résultats, la compréhension des freins restants et l’affinement des stratégies permettra d’aller encore plus loin.

C’est ainsi que ces petites victoires deviendront un véritable mouvement de fond.

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À propos de l'auteur·e
Anaïs
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Rédactrice & Créatrice de contenus RH - Ex-Recruteuse | Passionnée par la Culture d'Entreprise, le Recrutement, la Diversité & l’Inclusion, le bien-être au travail |📍Entre UK & France