Qu’est-ce qu’un plan de rétention ?
Avant de plonger dans le quotidien de Michel dans cet épisode, il est important de préciser que nous parlerons de rétention dans le cadre du "plan de rétention".
Un plan de rétention désigne l'ensemble des mesures et des stratégies mises en œuvre par une organisation pour conserver ses collaborateurs et réduire le taux de rotation du personnel (turnover). L'objectif est de créer les conditions qui incitent les employés, en particulier les talents clés, à ne pas quitter l'entreprise.
Cependant, soulignons une nuance sémantique importante avec le terme de "fidélisation du personnel".
La rétention peut parfois être perçue de manière passive ou réactive : il s'agit d'éviter les départs, de "retenir" les salariés pour qu'ils ne partent pas.
La fidélisation, en revanche, implique une démarche plus profonde et proactive. Elle vise à susciter un attachement sincère et un engagement durable de la part du collaborateur. Un employé fidélisé ne reste pas seulement par absence de meilleure option, mais par une réelle envie d'appartenir à l'organisation et de contribuer à son succès.
Les stratégies présentées ici sont des leviers pour nourrir une relation de confiance et un engagement mutuel, transformant la simple rétention en une véritable fidélisation.
Il était une fois un taux de turnover
Michel est tranquillement installé à son bureau, en train de parcourir le dernier rapport RH.À première vue, tout semble plutôt normal, mais lorsqu’il tombe sur le taux de turnover, il fronce les sourcils.
Le chiffre est plus élevé que la moyenne et, pire encore, ça fait plusieurs trimestres que ce taux reste stable. Pas de baisse, pas d’amélioration, juste la même tendance qui perdure. Il soupire. Il sent que sa DRH ne va pas tarder à débarquer dans son bureau pour lui refiler la "patate chaude".
Et en effet, à peine cette pensée lui effleure l'esprit, qu’il voit la porte s'ouvrir d'un coup, sa DRH dans l'embrasure, l'air résolument décidé. « Michel, je ne sais pas si vous avez vu, mais on a un problème de rétention. C'est à cause de la politique de rémunération. Faites quelque chose pour arrêter l'hémorragie ».
Elle ressort aussitôt.
« C’est de la sorcellerie » pense Michel. « A croire qu’elle m’entend penser ».
Il jette un regard à la porte. Elle reste fermée. Il respire.
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Michel, un peu pris au dépourvu, tente de garder son calme. Cela fait maintenant presque un an qu’il occupe son poste de Directeur rémunération à la COGIP. Une année à jongler avec les chiffres, les grilles salariales, et à tenter de trouver des solutions pour améliorer la satisfaction des équipes. Mais cette fois, l’accusation est directe, et il n’est pas du tout certain d’être celui à qui il faut attribuer la responsabilité des nombreux départs. « C’est gonflé de lui me mettre la faute sur le dos », se dit-il.
Pourtant, il commence à comprendre la dynamique. La DRH est pressée, et elle attend des résultats.
Le dispositif mis en place par l’homologue
Michel se remémore la conversation qu’il avait eue quelques jours plus tôt avec une homologue d’une autre entreprise. Cette dernière lui avait expliqué avoir mis en place une prime à long terme pour fidéliser ses équipes.
Le mécanisme était assez simple, mais ingénieux : chaque salarié éligible devait rester dans l’entreprise un certain nombre d’années pour toucher cette prime.
Plus précisément, elle avait instauré un système de "prime de fidélité" qui était versée en plusieurs étapes : une première partie après 3 ans dans l’entreprise, puis une autre à 5 ans. Le montant de la prime augmentait également en fonction du salaire de base, ce qui rendait l’incitation encore plus attractive. Cette prime était conditionnée par deux critères : le maintien dans l’entreprise et des objectifs liés à un projet de transformation très structurant sur le long terme. L’objectif n’était pas de fidéliser toute l’entreprise, mais de retenir spécifiquement les personnes clés, celles dont les compétences et les connaissances étaient essentielles à la croissance et au succès de l’entreprise.
Michel se dit qu’une telle approche pourrait être intéressante pour la COGIP, mais il se demande si ce modèle est adapté à la structure de son entreprise, qui a des besoins spécifiques. Est-ce qu’une prime annuelle, par exemple, serait suffisante pour enrayer ce taux de turnover qui semble stagner ?
Comment fidéliser ? Comment s’attaquer au plan de rétention ?
Bien sûr, le turnover élevé est un problème. Bien sûr, il faut fidéliser les équipes. Mais qui doit-on réellement retenir ? Tout le monde ? Ou est-ce que les efforts de rétention doivent se concentrer sur des populations spécifiques : des profils clés, des profils rares, ceux dont l’entreprise a réellement besoin pour se rester compétitive. Cela, Michel ne peut pas le décider tout seul.
Il va donc voir sa collègue au développement RH, en charge des talents. Michel n'est pas tout à fait sûr de savoir que « talent » implique exactement. Qui sont-ils ? Quels sont leurs réseaux ?
Mais il se dit que, vu la situation, elle doit être la personne la mieux placée pour aborder ce sujet. Après tout, si quelqu’un sait qui sont les talents à retenir dans l’entreprise, c’est bien elle. Elle aussi a reçu la visite de la DRH et elle partage les mêmes préoccupations que Michel. « Il y a certaines équipes où le problème devient vraiment inquiétant », lui confie-t-elle. Elle ajoute que la stratégie de l’entreprise repose en grande partie sur des profils clés, mais qu’ils ne parviennent pas à les retenir.
Michel apprend aussi que lors des entretiens de sortie, les raisons de départ sont souvent liées à un manque de reconnaissance du management, de visibilité sur les objectifs, et bien sûr, à de meilleurs salaires ailleurs.
Il n’est pas vraiment étonné, et cela fait écho à une de ses récentes lectures. Il se souvient du livre « La rémunération n’est pas qu’une question d’argent » qu’il avait lu récemment. Une lecture enrichissante, qui lui avait permis de remettre en question son approche de la rémunération. Le titre du livre disait tout : la rémunération dépasse le cadre strict des salaires. C’est une question beaucoup plus large. Il faut voir la rémunération de manière holistique.
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Bien sûr, le salaire fixe est essentiel, c’est lui qui permet de payer le loyer, de financer le crédit de l’automobile familiale et de couvrir les dépenses quotidiennes. Les avantages jouent également un rôle important, en protégeant les équipes et en soutenant le pouvoir d'achat. Leur montant est important, mais il faut aussi pouvoir répondre à deux questions fondamentales pour que l’ensemble ait du sens : Comment ma rémunération est-elle définie ? Et comment va-t-elle évoluer dans le temps ? Sans réponses concrètes et précises à ces deux questions, peu importent les chiffres affichés sur le papier : à moyen terme, il y aura du mécontentement.
Mais ce n’est pas tout. Ce qui influence la rétention des talents, ce sont aussi des éléments qui vont au-delà de la rémunération directe : le cadre de travail, la culture d’entreprise, et surtout le sens que l’on trouve dans son travail. Ce sont des facteurs souvent négligés par les responsables RH, mais qui sont pourtant essentiels pour fidéliser les talents à long terme. Un environnement de travail sain, une culture d’entreprise partagée, et la possibilité de s’épanouir dans ses missions sont des leviers puissants pour maintenir l’engagement des équipes et éviter un turnover trop élevé.
Michel réfléchit alors à cette notion de "rétention". Au lieu de s’inquiéter uniquement du turnover global, peut-être qu’il serait plus judicieux de se concentrer sur l’essentiel : retenir les bons profils, ceux qui incarnent les valeurs de l’entreprise, ceux qui contribuent à sa croissance et son succès. C’est bien plus qu’une question de chiffres ou de primes. C’est une question de culture, d’engagement, et de leadership.
La rétention des équipes : un défi à repenser
Il est facile de penser que retenir les talents revient simplement à augmenter les salaires. Mais Michel sait qu’il y a bien plus à faire. Il s’agit de comprendre qui sont les bonnes personnes à retenir et pourquoi. Il doit repenser la manière dont la COGIP approche la fidélisation de ses équipes. La solution ne réside pas uniquement dans des primes ou des augmentations salariales. Elle réside dans la capacité de l’entreprise à offrir une culture d’entreprise solide, des opportunités de développement personnel, et un cadre de travail qui donne du sens.
Michel se rend vite compte qu'il doit élargir sa vision de la rétention des talents. Sa collègue partage ce point de vue. Ensemble, ils s’accordent sur le fait que la rétention des talents ne doit pas être cantonnée aux départements rémunération ou talents. Cela va bien au-delà: il faut travailler sur l’expérience collaborateur au sens global, comprendre ce que l’on veut faire collectivement, et surtout, comment on transmet cette vision aux équipes. C’est un sujet qui mérite d’être porté au comité exécutif, car il ne peut être seulement l’affaire de quelques personnes : il doit être porté par les leaders de l’entreprise.
Michel se sent soulagé et enfin compris. Il se rend aussi compte qu’à un moment donné, quelqu’un devra dire à la DRH que ce sujet doit absolument être traité au plus haut niveau. Il voit dans le regard de sa collègue qu’elle a aussi saisi ce point. Un sourire crispé se dessine sur leurs visages : lequel des deux va devoir se sacrifier et porter la mauvaise nouvelle ?
Michel, propose une solution qui a fait ses preuves au fil des années : Pierre, Feuille, Ciseaux. Le premier qui perd devra en parler à la DRH.
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