La révision des salaires : Une histoire de SMIC, de débats et de gêne

Sandrine Dorbes
La révision des salaires : Une histoire de SMIC, de débats et de gêne

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Michel est confortablement installé dans son bureau individuel. Oui, Michel a un bureau à lui, un vrai luxe réservé aux cadres manager à la COGIP. C’est un avantage qui se perd au profit des espaces partagés comme les open spaces, il le sait. Alors Michel savoure, et regarde pensivement par la fenêtre. SA fenêtre.

Sujet malaisant celui des salaires à la COGIP … même pour un responsable de la politique de rémunération.

Alors qu’il réfléchit à la révision des salaires de son entreprise, qui va commencer dans quelques semaines, il repense aux dernières conversations qu’il a eues avec ses collègues managers.Tous semblent un peu gênés par les questions sur la rémunération de leurs équipes.

Lui, en charge de la politique salariale, se dit qu’il a de la chance. Son équipe est plutôt bien informée sur les règles en vigueur. Pas de questions embarrassantes pour lui. Car Michel, malgré le poste qu’il occupe, n’aime pas du tout parler de salaire. Un peu paradoxal, non ? Bien qu’il soit responsable de la politique de rémunération de son entreprise, il n'est pas vraiment à l’aise quand il doit parler de salaire, que ce soit entre collègue, à la maison, ou même entre amis. Michel sourit intérieurement en pensant aux rares occasions où il a dû aborder la question de son salaire, qu’il a parfois un peu exagéré dans les discussions entre collègues. Et en famille ? Là, c’est une autre histoire. Quelques petites omissions sur son package de rémunération n’ont jamais fait de mal à personne, n’est-ce pas ?

Revalorisation du SMIC = augmentation ? Telle est la question

Il est interrompu dans ses pensées par l’assistante de son équipe, qui entre sans préambule. Elle ne perd pas de temps : « Je veux te parler de ma prochaine augmentation. Cela fait trois ans que je n'ai rien eu, et cette année, il faut que ça change ! » Michel est pris de court, ne s'y attendait pas du tout. Est-ce qu’elle a entendu ses pensées ?

Il tapote sur son clavier, consulte rapidement la fiche individuelle de sa collaboratrice et lui dit, un peu surpris : « Mais bien sûr que si, tu as eu des augmentations. Une par an ces trois dernières années ! En 2022 tu en as même eu 3. »
Mais elle le coupe immédiatement : « Oui, mais il s’agit des revalorisations du SMIC, ça n'a rien à voir avec ma performance. Mes tâches ont évolué, je prends de plus en plus de sujets en charge. Je mérite vraiment une augmentation en fonction de mon travail ! »

Michel reste sans voix. Elle a raison sur le fond, mais il est pris de court sur un sujet qu’il n'aime pas aborder individuellement.
Comment gérer ça ?
Michel tente de gagner du temps : « La révision des salaires n’a pas encore commencé, je dois d’abord finir les évaluations. Ensuite, on pourra en reparler, mais ça dépendra du budget dont je dispose. »
Sa collaboratrice n’est pas satisfaite mais se contente de repartir, un peu frustrée tout en étant fière d’avoir osé aborder ce sujet.
Michel, lui, se sent plutôt embarrassé. La gêne est réelle. Comment peut-on être responsable de la politique de rémunération et être aussi maladroit dans une conversation sur ce sujet ? Il se dit que décidément, la rémunération, même lorsqu’on en parle à longueur de journée, n’est pas un sujet facile.

À peine quelques minutes plus tard, une autre personne de son équipe frappe à sa porte. Cette fois, c’est un autre collaborateur, qui lui avoue qu'il se sent injustement traité par rapport à Véronique, l’assistante, qui a bénéficié de plusieurs augmentations en raison du SMIC, alors que lui n’a rien eu : « Michel, je sais que mes performances sont bonnes, mes évaluations le prouvent et je me sens démoralisé de ne pas avoir vu mon salaire évoluer. C’est injuste, non ? »

Michel commence à se demander s’ils ont tous pris un café ensemble avant de venir lui parler. Ou alors est-ce lié à quelque chose qu’ils ont mangé à la cantine ? Plus probable : un complot de sa collègue Audrey, qui le déteste en secret.
Il tente de désamorcer la situation en rappelant que les augmentations de Véronique sont dues à des ajustements automatiques du SMIC, et non à sa performance. Mais son collaborateur, résigné, lui répond : « Oui, je sais tout ça. Mais ça n’arrange rien. »

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Quand la conjoncture se gâte, et sans règles claires, le sujet devient encore plus malaisant …

Michel, pris au dépourvu une deuxième fois en moins d’une heure, tente de clore maladroitement l’entretien, en promettant de réfléchir à la situation et d’en reparler plus tard. Il se dit qu’il a vraiment du pain sur la planche surtout qu’il sait que le budget de la révision de salaire à venir est bien mince. Les résultats de la société ne sont pas bons, la conjoncture est mauvaise

Une fois la porte fermée, Michel réfléchit à la situation. Il prend conscience que, malgré l’activité de son service, il n’est pas à l’abri des demandes de son équipe. L’augmentation du SMIC a certes permis d’équilibrer certains salaires**, ce qui est une bonne chose quand on regarde le sujet globalement, mais à l’échelle individuelle, cela crée des frustrations et des sentiments d’inéquité. Alors, que faire ?

Michel le sait : la rémunération n’est pas qu’une question d’argent. C’est aussi une question de ressenti. Et ce ressenti est différent pour chaque personne. La solution ne viendra pas d'une réponse toute faite. Ou pire, d’une absence de réponse. La seule chose que Michel peut faire, c’est de garder le dialogue ouvert.
La transparence est essentielle. Expliquer les règles de manière claire et précise, même si elles sont difficiles à entendre, c’est la clé pour maintenir un climat de confiance. Les gens seront déçus, c’est sûr, mais ils auront moins l’impression qu’on leur cache des choses.

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2 questions clés : pourquoi et comment

Alors, Michel le sait, il doit commencer à communiquer davantage. Parce qu’en l’absence d’informations claires, les rumeurs se propagent vite. Il faut fixer des règles précises : pourquoi et comment les augmentations sont décidées, ce qui justifie un salaire plus élevé, une prime, etc. Tout ça doit être partagé avec l’équipe.

Au final, Michel comprend que son rôle qu’il doit être le chef d’orchestre de la communication salariale, pour éviter que la rémunération reste un sujet tabou et une source de frustration. Michel retourne alors à sa fenêtre, pensant que définitivement la rémunération ce n’est pas qu’une question d’argent.

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À propos de l'auteur·e
Sandrine Dorbes
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Parler de rémunération autrement - Conférencière - Experte en stratégie de rémunération - Créatrice de « How Much » - Administratrice certifiée