Cette année, Michel* est en charge du budget de la révision des salaires pour la première fois de sa carrière à la Cogip.
Il y a encore quelques semaines, il était très enthousiaste de cette opportunité de mobilité interne après 20 ans de bons et loyaux services.
Mais maintenant, Michel se souvient que la collègue qu’il remplace n’en menait pas large à cette époque de l’année.
Elle marchait vite dans les couloirs, passant d’une réunion à l’autre. Elle avait la mine inquiète, moins d'entrain à la machine à café et moins de disponibilité pour déjeuner à la cantine.
Michel commence à comprendre pourquoi il avait l’impression que sa ride du lion était plus marquée en fin d’année, car, non, ce n’était pas l’effet de la lumière du jour qui décroît. Elle était préoccupée.
Maintenant, c’est à son tour de faire face à cette réalité.
Michel doit s’attaquer au budget, mais le problème est : par quel bout prendre ce sujet ?
Michel doit s’attaquer au budget, mais le problème est : par quel bout prendre ce sujet ?
Michel n’est pas sans ressources ; il a du réseau. Il contacte une collègue dans une autre filiale de son groupe qui occupe les mêmes fonctions que lui.
Elle l’aiguille : « Tu dois travailler avec la direction générale et la direction financière. La direction générale va te donner les orientations stratégiques à venir, et la direction financière, la marge de manœuvre budgétaire. Et puis, il faut que tu prennes en compte les usages et la culture… »
Mais qu’est-ce que la culture vient faire là-dedans ?
« Dans ma filiale, les pratiques sont souvent les mêmes d'une année sur l'autre. J’ai un budget d'augmentation individuelle qui doit être réparti par les directions et distribué par les managers en fonction des évaluations annuelles. Il est aussi de coutume de négocier un budget d'augmentation générale lors des NAO. »
Les fameuses Négociations Annuelles Obligatoires !
Dans ses précédentes fonctions, c’était vraiment une boîte noire, un sujet de discussion au self mais qui restait bien mystérieux pour le commun des mortels.
Michel s’apprête à y plonger.
Il est à la fois excité et inquiet : « La ride du lion… » murmure-t-il.
En y repensant, cela fait bien des années qu’il n'a pas entendu parler d’augmentation générale. Cela ne doit pas être dans la culture de sa société. Enfin, il y a eu une mesure exceptionnelle en 2023 dans un contexte d'inflation particulièrement marqué. Pour 2024, les choses se sont un peu calmées. Est-ce que la direction générale va vouloir revenir à un budget totalement individuel ou pratiquer de nouveau l'augmentation générale ?
« Il faut que tu voies ça avec ta DG. »
Michel raccroche et constate que pendant qu’il était au téléphone il a reçu une invitation à une réunion préparatoire au sujet des NAO de la part de la direction des relations sociales. Il se dit que l’univers est bien facétieux. Lors de ce rendez-vous, il en apprend davantage sur les objectifs de la direction lors de la NAO : cette année, il n’y aura pas d'augmentation générale. 2023 restera une année exceptionnelle.
« Mais faites-moi une proposition, Michel ! »
Le lendemain matin, Michel se permet de passer une tête dans le bureau de sa directrice générale (la malheureuse a laissé sa porte ouverte, comme on le lui a conseillé lors de sa dernière formation en leadership).
Il aimerait la voir bientôt pour lui parler de la révision des salaires à venir et du budget, car il aimerait avoir son avis sur ce qu'il faudrait faire. Sa directrice générale le regarde un peu surprise et lui répond :
« Mais faites-moi une proposition, Michel ! ».
Aïe, ça démarre mal.
Dans sa lancée, il passe une seconde tête du côté du directeur financier et obtient la même réponse.
Michel rappelle son amie. Elle lui propose de suivre sa procédure à elle.
« Premièrement, tu vas regarder comment ta masse salariale a évolué depuis l'an passé. »
C’est facile, se dit Michel, il a lu quelque part que le budget d’augmentation de l’an passé était de 4 %.
« Alors oui mais non. Depuis les dernières augmentations, il s’est passé des choses. Déjà, tes augmentations sont passées au 1er mars. Sur l’année, ça ne te fait pas 4 %. Ensuite, il y a eu des départs et des arrivées… Tout ça a un impact. Et je ne serais pas étonnée que tu aies eu des augmentations en cours d’année.»
Quoi ?! Michel est choqué ! Ce n’est pas possible, le process est très clair là-dessus : les augmentations ne peuvent avoir lieu que dans le cadre du processus annuel de révision des salaires.
« Ouh là, mon Michel, tu vas avoir des surprises… ».
Et Michel fut surpris.
La note explicative
En se mettant au travail, il se rend compte qu'effectivement, la masse salariale a bien évolué.
Alors que le budget d'augmentation globale était de 4 %, sa masse salariale a augmenté de 8 % par rapport à l'année dernière.
Comme sa collègue le lui a conseillé, il prépare une note explicative détaillée de tout ce qui justifie ce chiffre : le poids des augmentations, des arrivées (et il y a effectivement eu des recrutements importants cette année), des CDD…
Les simulations
Il attaque ensuite la 2e étape du process :
« Fais des simulations en ne prenant que les personnes éligibles. »
Comment ça ? Tout le monde n’est pas éligible ?
« Remets la main sur ta note de cadrage de l’an passé, ta prédécesseuse a sûrement dû préciser ce point. »
En faisant une recherche sur le réseau de l’équipe, il trouve un document qui porte effectivement ce titre.
Plusieurs pages décrivent le processus, des rappels théoriques sur la rémunération, les augmentations, et les règles d’attribution.
Un monde s’ouvre à Michel.
Il réalise qu’il y a beaucoup d’éléments cadrés par la RH dans son entreprise : la fréquence des augmentations, le montant (au moins un ordre de grandeur), le lien avec les évaluations individuelles, et les critères d’éligibilité : personnes en CDI, arrivées avant le 1er mars de l’année en cours et n’ayant pas reçu d’augmentation depuis le 1er mars.
« Encore cette histoire d’augmentation hors process… » grommelle-t-il.
Patience, Michel, bientôt tu découvriras le sujet des promotions en cours d’année.
Revenons-en aux simulations.
Michel a du pain sur la planche, Excel va chauffer.
Il se demande tout de même sur quelle base il doit faire des tests.
Les people reviews ou revue des talents
Sa collègue le rassure :
« Regarde ce qui a été fait les années précédentes. En général, les pratiques sont assez similaires d’une année sur l’autre, sauf événements exceptionnels. Commence par un budget à 0 %, puis applique le taux des années précédentes, et vois aussi ce qui est ressorti des people reviews. »
Les quoi ? Michel reste silencieux, il n’ose même pas demander ce que c’est…
« Michel, est-ce que tu as vu ton ou ta collègue qui a piloté les people reviews ? »
Re-silence.
Son amie soupire : « …Va parler à tes collègues de la people review… ».
Michel demande à une HRBP qui est près de lui dans l’open space. Elle lui explique que les people reviews, ou revues de talents, offrent une vision précise des compétences et du potentiel des équipes à un moment donné. Elles permettent de prendre du recul et d’anticiper les besoins concernant les évolutions, promotions, formations, augmentations et autres aspects du parcours des équipes.
Michel comprend mieux l’impact des people reviews dans les réflexions budgétaires. Il se rend aussi compte de la complexité et de la transversalité des sujets RH.
Il est très excité par son changement de carrière et tout ce qu’il a à apprendre. Il sent aussi sa ride du lion se creuser en réalisant que la rémunération n’est pas qu’une question d’argent.
RDV au suivant épisode des “Messages à caractère informatif sur la politique de rémunération” : #2 L’évaluation annuelle
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