Relations écoles : la stratégie sourcing long terme

Anaïs
Relations écoles : la stratégie sourcing long terme

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Ce n’est un secret pour personne, recruter dans la tech, c’est un vrai casse-tête qui ne date pas d’aujourd’hui.

Cependant, 2024 a constitué un point de bascule pour le secteur IT, secoué par le ralentissement économique général. Une année marquée par un repli des investissements dans les projets innovants, sur les technologies exigeant des capitaux importants, comme l’IA ou la cybersécurité.

Et forcément, du côté des recruteurs, les complexités se ressentent et s’intensifient.

Candidats sursollicités, exigences techniques élevées, quête de sens… Un tas de freins obligent les recruteurs à repenser leurs méthodes, à sortir des schémas classiques, et ce, quel que soit le secteur d’activité d’ailleurs.

Ophélie Lomuto, talent acquisition manager chez Lyra, Paytech française, experte en solutions de paiement sécurisées BtoB (en ligne, mobile et en magasin), a justement choisi de jouer la carte de la patience et du lien. En investissant dans les relations écoles, elle a construit sa stratégie de sourcing dans une logique de long terme. 

Pourquoi choisir ce levier ? Comment l’activer ? Quels sont les bénéfices ?

Retrouvez son retour d’expérience sur un sujet qui prend tout son sens à l’heure où les RH et les recruteurs définissent leur feuille de route pour la rentrée.

Pourquoi miser sur les relations écoles ?

D’après IBM, les compétences technologiques (IA, cloud, cyber, etc.) deviennent obsolètes en à peine 2,5 ans. Dans ce contexte, puiser directement dans le vivier des écoles, c’est l’occasion d’attirer des talents formés aux derniers standards, tout en apportant une nouvelle vision qui vient enrichir l’expertise des équipes déjà en place.

Concrètement, pourquoi s’y mettre dès maintenant ?

Parce que la concurrence est accrue : dans des secteurs comme le paiement, tel que Lyra, attirer des talents est un sacré challenge, surtout quand la dimension de sens est moins évidente que dans des domaines plus en vogue.

Parce qu’il y a une sur‑sollicitation générale : selon la règle des 7 expositions en marketing, un candidat a besoin d’avoir été en contact à plusieurs reprises avec une entreprise avant de s’y intéresser réellement. Se positionner et se rendre visible à leurs yeux doit devenir un réflexe RH.

Parce que la relation candidat doit se déclencher tôt : plus elle démarre en amont du diplôme, plus elle devient naturelle. La notoriété employeur s’enclenche.

“Voilà où on en est en 2025. Personnellement, je fais face à des candidats qui me disent refuser de travailler dans une entreprise dite trop “capitaliste”, ils vont chercher beaucoup plus de sens. Tout en sachant qu’un dev reçoit des dizaine de messages par semaine, si je veux me démarquer, il va falloir que je multiplie mes canaux et agir encore plus tôt, bien avant qu’ils entrent sur le marché du travail.” Ophélie

Le pari Lyra : évangéliser de l’interne jusqu’aux écoles

Chez Lyra, le recrutement repose principalement sur des profils techniques : développeurs, ingénieurs, experts IT, pour l’essentiel basés à Toulouse. Un défi de taille, pour une stratégie claire. Ophélie appelle à rencontrer ces talents là où ils émergent. 

L’entreprise accueille environ 15 alternants par an (toutes spécialités confondues), avec une part significative niveau tech évidemment.

Lyra a donc engagé des partenariats avec des établissements, tels que l’INSA (Institut National des Sciences Appliquées, un réseau d’écoles d’ingénieurs) ou Epitech, tout en cultivant des passerelles avec des écoles plus généralistes comme TBS (Toulouse Business School).

Mais c’est avant tout un travail de longue haleine. Et justement, par quoi commencer en tant que recruteur ?

Pour Ophélie, tout est parti d’une conviction. Pour atteindre des talents extrêmement sollicités, il ne suffit pas de publier des offres, il faut bâtir des relations durables. Et avant de convaincre les étudiants, elle a dû convaincre en interne.

Le recruteur devient alors évangélisateur. C’est ainsi qu’Ophélie s’y est prise :

En préparant le terrain

Elle a d’abord semé des petites graines, répétant régulièrement que le recrutement IT était devenu très tendu, que les ESN captaient une part majeure des talents. Et que Lyra devait réagir. Exposer des faits, relayer l’état du marché, c’est une première étape.

En expliquant le retour sur investissement

Elle a insisté sur la temporalité du projet, en détaillant qu’on ne construit pas une notoriété employeur du jour au lendemain, en particulier auprès des écoles. Ça prend du temps et ils n’ont plus le luxe d’attendre.

En appuyant le propos par des exemples concrets

Elle a illustré la démarche en détaillant comment des entreprises concurrentes travaillaient déjà avec les écoles, en comptant sur leurs ambassadeurs internes, entre autres.

En capitalisant sur des soutiens en interne

L’arrivée d’une responsable ouverte à la stratégie a permis de valider le concept en interne, en mettant en avant l’opportunité de faire rayonner leur marque employeur. Obtenir du soutien interne est l’idéal.

“Avant, on ne mettait pas un euro dans les relations écoles. Alors qu’aujourd'hui, on est prêt à tenter, à investir, à viser de la collaboration qui va être plus pérenne. Parce que c’est ce changement de regard et tout ce travail d’évangélisation qui va nous permettre d’avancer.” Ophélie

Et au final, ce pari amène non seulement à attirer des talents mais aussi à faire connaître l’entreprise. Pour Lyra, peu visible du grand public en dépit des métiers extrêmement pointus, c’est tout “bénéf”.

6 leviers concrets et éprouvés pour ancrer les relations écoles

Faire la promotion de Lyra ? Non ! C’est bien plus que ça. Il s’agit de proposer du contenu utile, montrer le niveau d’expertise interne et laisser ainsi l’entreprise s’installer dans le paysage des futurs talents. Ophélie exploite alors 5 formats différents.

1. Forums écoles classiques

Sur des salons de recrutement dédiés aux étudiants, c’est toujours une aubaine pour répondre à leurs questions et mettre en avant le nom de l’entreprise.

2. Participation à des jurys d’admission

Ophélie participe à des sessions de jury chez TBS, où elle évalue des étudiants à l’entrée du Master. Une manière de mieux comprendre les aspirations ou les inquiétudes de la nouvelle génération, tout en positionnant Lyra comme un acteur familier.

3. Coachings CV / entretiens

Elle participe à des ateliers où elle accompagne les étudiants dans la relecture de leur CV, la préparation de leur pitch, ou la simulation d’entretien. Du full valeur immédiate tout en repérant des profils prometteurs.

“Il y a des candidats qui m'ont déjà remerciée pour leur avoir donné leur chance, des gens un peu stressés en entretien, où tu sens malgré tout qu’il y a du potentiel. Et quand tu décides de les accompagner, tu sais qu’en retour, ils seront probablement beaucoup plus fidèles et investis dans le quotidien de l’entreprise.” Ophélie

4. Afterworks avec mini‑conférences techniques

Ophélie, accompagnée d’alumnis organise des soirées au sein des établissements scolaires, où des collaborateurs de Lyra animent des présentations techniques (20‑30 minutes) suivies d’échanges informels. Le tout ponctué d’un buffet et d’un jeu‑concours pour laisser un souvenir positif.

5. Cours ponctuels donnés par des experts internes

Une belle manière de partager le savoir‑faire de Lyra tout en offrant aux étudiants une immersion concrète dans le quotidien des métiers du paiement : les techs de l’entreprise, souvent des anciens de l’école concernée, viennent prendre la parole.

Plan recrutement 2025-2026 : structurer et amplifier la démarche école

Après des premières années de test‑and‑learn, Lyra veut passer à la vitesse supérieure. 

Pour Ophélie, l’enjeu est clair : il est de structurer la stratégie des relations écoles pour en maximiser l’impact, tout en mobilisant davantage les équipes en interne. L’objectif est de faire de Lyra une entreprise de référence aux yeux des étudiants.

“Pour moi, travailler avec les écoles, c’est construire une vraie collaboration où chacun, l’école, les étudiants, et même nos collaborateurs, les alumnis surtout, va en tirer un bénéfice, ce n’est pas juste recruter. C’est transmettre, partager, créer du lien.” Ophélie

Ça passera notamment par le déploiement : 

  • De partenariats renforcés avec des écoles ciblées et spécialisées en paiement à l’instar de l’ENSICAN (École Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Caen). L’idée est de nouer des relations privilégiées, où l’entreprise devient un interlocuteur naturel des étudiants.
  • D’une communauté d’ambassadeurs internes. Afin de gagner en efficacité et en authenticité, Ophélie souhaite s’appuyer davantage sur ses propres équipes, des collaboratrices et des collaborateurs volontaires pour représenter l’entreprise lors des évènements. Et de fait, multiplier les points de contact avec les étudiants.

  • De leviers de reconnaissance, pour encourager les salariés investis. Des réflexions sont encore en cours, avec des goodies spécifiques (comme un blouson teddy aux couleurs de Lyra).

Un plan pensé pour préparer l’avenir et dont les effets commenceront à s’évaluer dans les mois et années à venir.

Et si le ROI école dépassait les chiffres ?

Mesurer le ROI (retour sur investissement) des relations écoles n’a rien d’évident. Et oui, les résultats prennent du temps. Pourtant, Ophélie remarque que les premières graines semées commencent à porter leurs fruits.

Déjà, elle observe une réputation grandissante dans les écoles ciblées. Par ce travail de terrain, Lyra est passé du statut d’inconnu à celui de référence spontanée auprès des futurs talents.

“Par exemple, il y a certaines écoles, comme Epitech, je n’ai plus besoin de présenter Lyra. Les étudiants nous identifient facilement et nous connaissent. Et ça, c’est une belle victoire.” Ophélie

De plus, au-delà d’une hausse du volume, c’est la qualité des candidatures qui marque la différence. Et surtout, une recrudescence de candidats locaux, adaptés à la culture de l’entreprise et à ses besoins spécifiques.

Aussi, Ophélie a son “time‑to‑hire” en ligne de mire dont elle mesurera précisément l’impact prochainement.

“Quand on va lancer la prochaine campagne de stage, je sais que la rapidité à identifier des profils adaptés sera un vrai indicateur du travail mené en amont.” Ophélie

Enfin, les étudiants intégrés via ce canal ne sont pas simplement des recrues parmi d’autres. Ce sont des profils qui choisissent Lyra en connaissance de cause, et qui, souvent, s’engagent à plus long terme.

Le retour sur investissement des relations écoles ne s’arrête pas aux chiffres du recrutement. Il révèle aussi 2 effets plus inattendus…

Quand la stratégie école infuse en interne :

Cette approche n’a pas fait que chambouler le sourcing d’Ophélie. C’est devenu un véritable levier de montée en compétences pour elle-même et pour tous les collaborateurs qui l’accompagnent.

Préparation d’ateliers, prise de parole en public, capacité à écouter et à guider… ils sont entraînés à affiner leur aisance relationnelle tout en cultivant l’empathie nécessaire à la construction du lien candidat.

Et toute l’entreprise en profite grâce à un effet miroir. Les salariés-intervenants voient leur rôle évoluer : ils ne sont plus uniquement des techniciens, ils deviennent des ambassadeurs. De quoi nourrir un sentiment de reconnaissance et de fierté d’appartenance.

Et ça, ça fait du bien à la marque employeur.

Quand les juniors trouvent (enfin) leur place :

Recruter des jeunes talents est autant une réponse opérationnelle qu’un choix culturel.

Il n’est certainement pas question de ranger les nouvelles générations dans des cases. IBM le confirme : élargir les critères de recrutement, miser sur le potentiel, la curiosité, l’envie d’apprendre plutôt que sur le seul diplôme, c’est la clé. 

Et ça, Ophélie en est convaincue.

“Je ne suis pas très fan des stéréotypes générationnels qui circulent. Pour moi ce qui fait la différence, ce sont les expériences vécues, l’éducation reçue, la richesse des rencontres… Pour moi, on est tous un peu multi‑générationnels quelque part. Et ce qui prime, c’est de se confronter à des personnes qui pensent différemment. Parce que c’est comme ça que l’on va grandir et évoluer.” Ophélie

Finalement, la réponse, c’est d’alimenter une dynamique où chacun a quelque chose à apporter. C’est comme ça que Lyra devient plus qu’une entreprise, elle devient un lieu où l’on construit, où l’on évolue, où l’on devient soi.

Semer aujourd'hui, récolter demain, ou le cercle vertueux des relations écoles

Travailler avec les écoles ne produit pas de résultats immédiats. Mais pour les entreprises prêtes à jouer la carte du temps long, c’est un canal puissant de visibilité, de différenciation et de lien. 

C’est tout un cercle vertueux qui se met en place, avec des étudiants qui découvrent l’entreprise, des salariés qui partagent leur expertise, des équipes qui se nourrissent du regard neuf des futurs talents.

Un beau chantier d’avenir pour des recrutements plus durables et autant d’actions à préparer maintenant pour nourrir son vivier de talents de demain.

Un mot d’ordre à retenir ? La relation école, c’est plus qu’une “action recrutement”. C’est une culture à diffuser.

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À propos de l'auteur·e
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Rédactrice & Créatrice de contenus RH - Ex-Recruteuse | Passionnée par la Culture d'Entreprise, le Recrutement, la Diversité & l’Inclusion, le bien-être au travail |📍Entre UK & France