Pour être un bon recruteur, on le sait, on a besoin de multiples compétences. Savoir attirer les candidats, sourcer, évaluer les compétences, négocier et sécuriser un recrutement. Mais pas seulement.
J’ai rencontré des recruteurs, bons sur la partie “métier”, ne pas réussir dans leur activité par manque de relation-client.
Par exemple:
- Le client veut un candidat uniquement issu de telle école, et on lui rétorque que ce n’est pas un critère, voir que s’il continue, on ne travaillera plus avec lui.
- Le client veut voir un maximum de cv, alors on souffle “encore un indécis qui ne sait pas ce qu’il veut!”
- Le client n’a pas de dispos pour recevoir les candidats, on lui dit vaguement que les candidats eux, n’attendent pas - et on décrète qu’il n’est pas notre priorité.
Le problème dans ces trois exemples : Le manque de communication qui coupe toute relation.
- Dans le premier exemple, on le confronte plutôt que de faire de la pédagogie avec lui.
- Dans le deuxième exemple, on ne creuse pas ce qui le fait douter.
- Dans le troisième exemple, on n’exprime pas nos limites alors qu’on aurait put mettre en place soi-même un processus qui engage le client en amont.
Et quand je dis client, cela peut être un client interne (un manager opérationnel) ou un client externe (dans le modèle cabinet ou freelance).
Car ce sujet concerne tout le monde.
Plusieurs réalités
Nous voyons tous la réalité à travers nos propres lunettes.
Le monde qui nous apparaît vrai, est en fait une vision subjective, faite de notre biologie, nos expériences, nos émotions.
Le problème? Nous pensons que tout le monde voit les choses comme nous et nous nous agaçons quand nous comprenons que ce n’est pas le cas.
Pourtant, l’autre (ici, le client) n’a pas plus raison ou plus tort que vous : il voit juste les choses avec ses propres lunettes, c’est à dire avec sa réalité à lui.
De nombreux problèmes pourraient être ainsi résolus -voir, pourraient ne pas apparaître du tout si, plutôt que de voir les objections comme des attaques, on comprenait que ce sont des ponts pour mieux comprendre la personne en face de nous.
C’est tout l’art de la communication: permettre au message de passer et anticiper les problèmes qui pourraient le brouiller.
Pour reprendre l’exemple du client demandant à voir plus de CV :
Pour lui, voir un maximum de CV est VRAIMENT synonyme d’augmenter ses chances de recruter.
Pour lui, tout le reste de ce qui constitue le recrutement est dans sa “zone aveugle”.
Il a probablement une activité prenante et le recrutement n’est pas son métier: il ne peut pas savoir ce que vous, vous savez et c’est ici que vous pouvez faire la différence.
En lui démontrant que ce n’est pas la quantité de CV qui fera le succès d’un recrutement.
Les objections sont des opportunités
En résumé, toutes les “objections” clients sont d’autant de signaux qui doivent nous alerter: quelque chose peut mettre en péril le succès du recrutement si l’on ne l’adresse pas, tout de suite.
Et puis, tous ces points peuvent être vus non pas comme des red-flags, mais aussi comme des opportunités: Ils nous permettent d’améliorer l’analyse du besoin client, d’anticiper des problématiques à venir, d’accentuer l’engagement client et plus généralement, de développer notre posture d’expert.
Alors, comment on fait concrètement ?
4 pistes pour savoir répondre aux objections client
S’inspirer de la vente
En tant que recruteur, on se contente pas de distribuer des cvs, mais on entre dans la tête du client, pour comprendre son besoin, ses peurs, ses doutes, pour l’accompagner vers la meilleure décision.
C’est là ou l’art du recrutement et de la vente se rencontrent.
Et alors que savoir accueillir les objections de la part de ses clients est une compétence enseignée depuis longtemps dans les écoles et formations de vente, de nombreux recruteurs eux, ne bénéficient pas de cette culture client: ils l’apprennent à la dure, et parfois, ils ne l’apprennent pas du tout.
On a donc beaucoup à gagner à s’inspirer de la phase de découverte des besoins, travaillée par les meilleurs commerciaux.
Pendant cette phase, le commercial ne cherche pas à vendre son produit mais à comprendre en profondeur le besoin réel du client, son souhait, et ce qui pourrait le retenir de passer à l’action.
Pour ce faire, il pose des questions. Beaucoup de questions. Il fait parler le client, et plutôt que d’argumenter immédiatement, il cherche à challenger ce qui lui dit son interlocuteur, et à traiter ses doutes.
Ça vous rappelle quelque chose ?
Eh oui, l’étape du brief en recrutement s’apparente à une découverte des besoins.
Lorsqu'une objection est soulevée par un client potentiel à cette phase, il est donc crucial de ne pas simplement la rejeter ou de la considérer comme un obstacle.
Au contraire, il faut la voir comme une opportunité d'approfondir la compréhension des besoins du client et d'ajuster la proposition en conséquence.
Cela nécessite une écoute active, une reformulation habile des préoccupations et une présentation persuasive des avantages de la décision envisagée.
Et pour cela, on peut...
S’inspirer de la CNV
La CNV, développée par le psychologue Marshall Rosenberg, met l'accent sur la création d'une communication constructive. C’est valable pour tout type de communication, mais particulièrement utile pour traiter les objections.
Les principes de la CNV mettent l’accent sur le fait de REPONDRE plutôt que de REAGIR à une situation qui nous agace.
Elle nous incite à observer, sans jamais juger, la situation, tout en reconnaissant les émotions exprimées et les besoins sous-jacent induits par cette situation.
Par exemple:
- -Si un client exprime des inquiétudes quant à la compatibilité culturelle d'un candidat, on peut utiliser la CNV pour identifier les valeurs fondamentales du client et les comparer avec celles du candidat.
- Plutôt que de dire "Vous avez tort", on va plutôt dire "Je comprends que vous puissiez ressentir cela, et je vais vous partager une autre perspective."
- Plutôt que de s’emporter, on prend conscience des valeurs que cela vient déclencher en nous et qui nous sont propres (on a tous des sujets qui nous font plus réagir), on observe ses émotions mais on garde la tête froide!
- Plutôt que de rejeter un client parce qu’il ne veut prendre aucun risque avec le profil du candidat, on garde en tête que comme tout être humain, cette aversion au risque est probablement la résultante d’un besoin fondamental (celui de sécurité, mais aussi celui de conserver une image positive de lui-même en évitant d’échec).
Bref, appliquer les principes de la CNV lors d’un échange avec un client, permet de toujours garder une communication entre les deux parties.
Pour approfondir le sujet, je ne peux que trop vous conseiller la lecture de cet ouvrage:
Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) : Introduction à la Communication NonViolente de Marshall Rosenberg
S’inspirer de l’amélioration continue des process pour anticiper les problèmes
Une approche proactive du sujet des objections, consiste tout simplement à les anticiper.
Ou plutôt, à détecter les points de frictions pour y apporter une réponse dans notre processus de recrutement.
En effet, les objections que vous allez rencontrer seront souvent similaires les unes aux autres, il est donc intéressant de les noter pour ajuster sa stratégie, ce qui aura pour conséquence d’avoir un processus, ou une solution toujours en parfait accord avec le marché.
Cette vision d’amélioration continue est capitale pour progresser : par l’écoute client, vous allez affûter vos techniques et votre capacité à anticiper les problèmes avant qu’ils n’arrivent.
Pour ce faire, on peut :
- Analyser les symptômes des objections non-traitées: où sont les problématiques? y’a t- il eu des signes avant ?
- Analyser les objections passées qui ont été verbalisées (il y en a t-il qui se recoupent? Comment les résoudre?)
- Instaurer la culture du feedback auprès des clients: sondage, recueil d’avis clients, sessions de feedback structurés...
- Mener des entrevues de bilan régulièrement avec le client pour recueillir leurs retours d'expérience en temps réel.
Toute cette matière peut alors être implémentée pour améliorer vos process existants et permettre d’anticiper les frictions à venir.
S’inspirer de l’art de la négociation pour trouver une solution
Enfin, la capacité à trouver un terrain d'entente avec le client va être essentielle pour sortir de l’objection.
Il va donc falloir identifier les aspects sur lesquels vous êtes d'accord avec le client pour créer une base commune, et proposer des compromis (qui ne mettent pas en péril la qualité du recrutement).
Une technique consiste à impliquer le client dans la résolution du problème, en “brainstormant” avec lui. En montrant que vous êtes capable de flexibilité et en l’invitant à faire de même.
Exemple: Si le client insiste pour voir “tous les CV” d’une recherche, alors que vous proposez une shortlist, vous pouvez proposer une première revue de CV ensemble pour le rassurer (avec 5 ou 6 CV par exemple) de manière à ce que par la suite il vous fasse confiance pour les shortlists.
Chacun un pas vers l’autre !
Mais n’oubliez pas: vous restez le garant de la qualité du processus de recrutement, donc c’est aussi à vous de mettre certaines limites et de les faire comprendre au client.
BONUS : Appliquer la méthode ACRAC
C’est la méthode que j’utilise et enseigne régulièrement. Il s’agit d’un framework qui nous permet, étape par étape, de pouvoir aborder une objection avec la bonne posture. Et d’y répondre vraiment. On y retrouve les éléments vus plus haut.
Accepter, Creuser, Reformuler, Argumenter, Contrôler.
Accepter : Nous l’avons vu,tout le monde voit le monde selon SA réalité. Le client n’a donc pas tort, puisqu’il voit les choses de son point de vue à lui. Ne tentez donc pas de contredire le client, cela aurait l’effet inverse (renforcer sa position), acceptez plutôt son point de vue. C’est la base pouvoir communiquer. Ne prenez rien personnellement non plus; gardez au contraire une posture claire, pro et ouverte
Creuser : Remonter à la source de l’objection pour la traiter convenablement. Vous devez découvrir si l’objection part d’une incompréhension ou d’une mauvaise expérience, par exemple. Comprendre en profondeur l’objection et ne pas rester juste en surface est essentiel car tant que vous n’aurez pas identifié le sujet de fond, il sera impossible à résoudre.
Reformuler : Cela montre au client que vous prenez en compte son avis et que vous comprenez son importance.
Argumenter : donnez les arguments ou plutôt, trouvez une solution qui sont selon vous une résolution de l’objection de votre interlocuteur. Inutile de vous lancer dans des discours trop généralistes, concentrez-vous sur ce qui fait sens pour le client et n’hésitez pas à vous montrer créatif en apportant une solution qui pourra le rassurer. Il vaut mieux un compromis que pas de solution du tout.
Contrôler : assurez-vous que vous avez répondu à l’objection et que vous l’avez écarté. Si vous avez bien suivi les étapes précédentes et que vous avez été convaincant, l’objection devrait avoir disparu et s’être transformée en avantage pour vous.
Conclusion
Savoir construire un cadre sain et efficient de communication avec son client, y compris (surtout) quand celui-ci emmet des doutes ou des réticences, est essentiel pour passer de prestataire à partenaire.
En fait, le fait d’écouter finement les objections de son client permet non seulement de réussir son recrutement, mais aussi d’améliorer sa propre pratique et devenir un expert reconnu.