“Je ne sais pas quoi dire, j’ai trop peur de blesser”
“Ouais, mais j’oserais jamais lui dire, il va s’énerver, c’est sûr et ça ne va jamais changer”
“En fait, je crois que je ne saurais pas comment lui dire ça, c’est trop touchy”
Vous vous reconnaissez ? Parce que moi oui.
Quand on m’a proposé de parler du feedback, je me suis rappelé de tous ces échanges que j’avais pu avoir avec des collègues, collaborateurs, managers, des camarades de classe et même des amis ou de la famille. Si tout ce petit monde apprenait à faire des feedbacks construits, alors peut-être les organisations / la société seraient vouées à évoluer.
Je suis persuadé que le feedback est une clé de compréhension et d’évolution pour l’autre, pour soi et de manière générale pour les organisations. Et pour les RH qui sont au contact des équipes, l’importance est cruciale. Mais ne soyez cependant pas paniqué si vous n’en faites pas : la France est championne en ce qui concerne la non-utilisation du feedback (à défaut d’avoir gagné la coupe du monde cette année, on gagne la coupe du « c’est pas mal »).
Mais revenons à nos moutons. Le Larousse propose la définition du feedback suivante : « vient de l’américain feed-back, de to feed, nourrir, et back, en arrière ». En gros on parle de rétroaction – soit le fait de revenir en arrière. Après quelques recherches, je me suis aperçu que le terme avait d’abord été utilisé dans le monde l’ingénierie, et qu’il avait très vite été popularisé dans les entreprises. Aujourd’hui, tout le monde l’utilise, et parfois un peu à toutes les sauces.
Mais du coup, pourquoi c’est utile ?
Alors au lieu de vous faire un article très marketing, très chiadé je vais donc vous donner 5 bonnes raisons de faire des feedbacks construits et précis (à la base je voulais en faire dix, mais j’ai eu un super prof qui m’a dit un jour « Luc, arrête de vouloir écrire avec des chiffres ronds, si t’as rien à dire, bah c’est que t’as rien à dire »). Et si vous restez jusqu’à la fin, je vous présente la technique que j’utilise qui reste une technique parmi tant d’autres, mais qui a, selon moi, toutes les chances de vous convaincre.
5 bonnes raisons d’utiliser le feedback dans vos équipes RH
Argument 1 : ça permet de faire passer des messages
Eh oui, rien de tel qu’un bon feedback pour faire quelque chose qu’on a oublié : dire les choses avec sincérité. Nos peurs des réactions des autres et notre incapacité à structurer nos feedbacks nous poussent à les évacuer et à « prendre sur nous ». Alors que de fait, il paraît important de partager et d’échanger sur les sujets qui semblent clivants (comme sur les bons par ailleurs).
Argument 2 : ça permet d’être objectif
Grâce aux techniques du feedback construit, on évite d’être dans le jugement et on aborde les faits. Les craintes dont on parlait juste au-dessus sont alors caduques car quand vous dites : « j’ai ressenti telle ou telle émotion » l’autre ne peut pas dire « tu as tort ». Les émotions vous sont subjectives, basez-vous donc sur elles pour réagir. En alliant avec ces émotions des faits, vous obtenez le combo parfait : vous rendez indiscutable votre retour. La personne en face peut ne pas être d’accord avec les axes d’amélioration que vous proposerez, mais elle ne pourra pas débattre sur vos ressentis.
Argument 3 : ça permet d’éviter d’irriter la sensibilité de l’autre
Le problème du feedback, c’est qu’il a tendance à être à chaud, rapide, et parfois un peu sec… Prendre le temps de structurer son retour permet d’éviter d’utiliser des tons cyniques, parfois blessants ou même clairement agressif. Acceptez donc, si vous êtes dans la réaction instinctive, de réfléchir à la manière dont vous souhaitez formuler votre feedback. Et si jamais vous sentez que votre feedback était mauvais, rien n’empêche de se la jouer Inception, et de faire un feedback de votre feedback – wouahhhh truc de dingue.
Argument 4 : ça permet de faire évoluer les choses
C’est là tout l’intérêt. Quand vous faites un feedback positif, vous faites évoluer positivement les choses : vous renforcez le sentiment de réussite de l’autre, vous le galvanisez et vous suscitez chez lui des émotions positives. De même quand vous dites quelque chose de constructif à l’autre (on évite le terme « négatif ») vous faites bouger les lignes, et cherchez l’amélioration : c’est positif aussi. Dans les deux cas, vous sortez gagnant.e.
Argument 5 : ça permet de se sentir mieux
On en vient à un point super important : le feedback ce n’est pas que pour l’autre, c’est aussi pour soi. Dire les choses, c’est se libérer d’un poids et se réaligner avec soi-même. Au lieu de jouer les cocottes-minute, n’hésitez pas à faire des feedbacks récurrents, et ne pas se la jouer : « nan, mais pour le moment ça va jte jure ». C’est plus simple de dire les choses au fur et à mesure que d’attendre que ça explose.
Et en pratique, la méthode que tu proposes elle donne quoi ?
Le feedback est une méthode qui a été pensée par de nombreuses personnes. La méthode dont je voulais vous parler a été pensée par Sharon et Gordon Bower en 1976 – Soit y’a longtemps, ces gens étaient chauds.
Leur méthode a fait ses preuves car elle évitait de se placer dans une P.A.E - Parent – Adulte – Enfant - (et donc éviter le syndrome du parent / enfant et parler en adulte) ou dans le triangle dramatique de Karpman (et d’éviter de se placer en tant que persécuteur, victime, ou sauveur).
Si ces deux sujets peuvent vous intéresser, je vous invite à aller vous renseigner, ils vous permettront de faire évoluer nettement vos pratiques professionnelles, votre compréhension de l’autre et les relations interpersonnelles que vous entretenez. N’étant pas un expert, je ne m’aventurerai pas sur ce terrain glissant qu’est la tentative d’explication foireuse à base de Wikipédia.
Avant de rentrer dans le vif du sujet deux petits disclaimer :
- Le feedback DESC se prépare. Il vous faudra donc définir en amont un objectif modeste et réaliste, et éviter de vous défendre et/ou de vous justifier. Par exemple : « j’ai été triste de la manière dont mon boss a réagi lorsque j’ai présenté mon projet, et je veux lui expliquer ce que j’ai ressenti ». Ça peut sembler pas naturel, mais c’est en fait juste réfléchi, ce qui donne de la consistance à l’échange et vous évite les écueils cités précédemment (parent/enfant – sauveur/pers/victime).
- Le feedback est objectif. Pour le rendre efficace le but de cette méthode est de le faire de la manière la plus objective possible et la moins “interprétable”. Il permet entre autres de formuler des désaccords profonds ou des critiques avec assertivité. Sur le papier, ça claque et ça permet de débloquer des situations complexes.
Les 4 étapes à respecter pour effectuer un feedback D.E.S.C :
Décrire : Donner les faits. Sans subjectivité, juste des faits et avec le « je ».
Exprimer : Dire ses sentiments. Utiliser le « je » pour éviter tout quiproquo.
Spécifier : Faire suggérer ou suggérer des solutions. « De quelle aide aurais-tu besoin ? »
Conclure :De manière positive de préférence. Dire ce qu’on peut gagner en changeant.
Si on reprend avec un exemple :
- Décrire : Quand tu as crié sur les équipes à propos du projet rendu tardivement.
- Exprimer : J’ai ressenti de la colère et de la tristesse.
- Spécifier : J’aurais aimé qu’on arrive à leur expliquer qu’ils avaient tout de même bien travaillé et qu’il fallait continuer sur cette lancée. Aurais-tu des idées des idées à proposer quant à ce sujet ?
- Conclure : Très bien, au vu de ce qu’on s’est dit, je te propose donc la prochaine fois qu’on en discute avant d’intervenir. Qu’en dis-tu ?
L'objectif est donc simple : faire évoluer la situation.
La première utilisation peut parfois déstabiliser l’interlocuteur à qui vous faites le feedback. En effet, nous ne sommes pas habitués à ce genre de pratiques. Mais commencer à l’utiliser, c’est aussi en faire une pratique plus répandue – quitte à former vos équipes au passage - et donc favoriser l’évolution de l’environnement dans lequel vous vous trouvez.
Alors essayez, vous verrez, c’est l’adopter !
Et puis, qu’est-ce qui vous empêche de tenter ?