Le salaire dans les offres d'emploi : pourquoi on n'y va pas ?

Silvia Galo
Le salaire dans les offres d'emploi : pourquoi on n'y va pas ?

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Cet article est une synthèse du live. Rien ne vaut le visionnage complet. ☕Un grand merci à Anaïs et à Sandrine.

La transparence des salaires est un sujet de plus en plus discuté dans le monde du recrutement, en particulier avec l'arrivée prochaine de nouvelles directives légales.  Nous avons exploré la question de la transparence des rémunérations dans les annonces d'emploi, un sujet qui divise encore beaucoup d'entreprises. Avec Sandrine, nous avons abordé les avantages, les obstacles, et les défis liés à cette pratique. Voici un résumé des points discutés, enrichi d'exemples concrets et de conseils pratiques.

Sandrine Dorbes, consultante indépendante en rémunération depuis mars 2020, accompagne les dirigeants de startups, scale-ups et PME pour établir des politiques salariales claires et cohérentes. Elle insiste sur l'importance de rendre la rémunération un sujet abordé ouvertement en entreprise, non seulement pour dédramatiser les discussions mais aussi pour créer un environnement de travail plus équitable et transparent. Elle rend ce sujet technique plus accessible et agréable à discuter.

“Je pense que la rémunération n'est pas seulement une question d'argent. C'est un sujet complexe qui touche à la reconnaissance, à la justice et à la cohésion d'équipe.” Sandrine

La rémunération, un critère déterminant... mais encore

Le débat autour de la transparence salariale est crucial, notamment car la rémunération reste un critère déterminant pour la majorité des candidats. Selon une étude de Robert Half, la rémunération a été identifiée comme le critère numéro un pour les candidats en 2022 et 2023. Sandrine nuance toutefois ces résultats en rappelant l'importance de considérer le contexte des études : la rémunération est essentielle, mais elle doit être accompagnée d'autres facteurs comme la qualité de vie au travail, la flexibilité, et le sens du travail.

"La rémunération est toujours dans le top 5 des préoccupations des candidats, mais on oublie souvent qu'elle est accompagnée d'autres critères comme la flexibilité et le sens du travail.” Sandrine

En France, parler de rémunération reste tabou, contrairement à d'autres pays comme le Royaume-Uni.

"Je vis au UK et c’est vrai que quand j'étais en posture de candidate, le salaire était un sujet abordé très vite en entretien. En France, c'est souvent perçu comme tabou.” Anaïs

Sandrine explique que ce tabou est double : il repose sur des réticences culturelles à parler d'argent, mais aussi à exprimer ses émotions. Cela rend les discussions salariales difficiles, car elles touchent à la fois à des questions financières et émotionnelles, deux sujets délicats pour de nombreuses personnes.

Directive européenne et préparation à la transparence salariale

Avec l'adoption de la directive européenne de mai 2023, la transparence salariale va devenir une obligation d'ici juin 2026. Cette directive interdit de demander le salaire précédent des candidats et impose l'affichage d'une fourchette de rémunération cohérente dans les offres d'emploi. Sandrine insiste sur la nécessité pour les entreprises de définir dès maintenant une politique de rémunération claire et de communiquer ces informations de manière transparente à la fois en interne et aux candidats. Cela permettra aux entreprises d'aborder ces nouvelles obligations de manière plus sereine et structurée.

“On va devoir être très clairs sur la façon dont les salaires sont définis et évoluent dans le temps. C'est ni plus ni moins la définition d'une politique de rémunération.” Sandrine

L’avantage de la transparence et l'évolution des politiques salariales

Sandrine souligne que, même si la transparence salariale deviendra bientôt la norme, les entreprises qui s'y préparent dès aujourd'hui pourront tirer parti d'un avantage concurrentiel. La publication des salaires dans les offres permet non seulement d'attirer plus de candidats, mais aussi de renforcer la marque employeur.

"Ça devient un vrai argument aujourd'hui pour la marque employeur." - Anaïs

Elle donne l'exemple de Shine, une entreprise qui a su utiliser la transparence salariale pour se différencier sur le marché du travail. Vanessa Gossent, recruteuse chez Very UP, qui est passée boire le café, soulignait en commentaire que l'établissement d'une politique de rémunération prend du temps, souvent plus de deux ans, ce qui renforce l'importance de commencer dès maintenant.

Objections courantes et solutions pratiques

Sandrine se souvient d'une expérience passée dans un cabinet de chasse de têtes, où une entreprise ne connaissait pas clairement son budget pour recruter un profil pénurique. Le client cherchait une "rockstar" mais refusait de donner un budget, prétextant la rareté du profil et son ouverture à trouver le bon candidat à tout prix. Sandrine et son équipe ont donc commencé leur recherche sans aucune limite salariale clairement définie. Après avoir identifié des candidats qui correspondaient parfaitement aux critères du client, un problème est apparu : les candidats demandaient une rémunération supérieure à celle du manager actuel de l'entreprise. Cela a mis l'entreprise dans une impasse, car elle n'avait pas anticipé ce décalage et n'était pas prête à ajuster le salaire du manager pour éviter des disparités internes.

Cette situation a montré l'importance d'être clair sur le budget disponible dès le départ. Cela aurait permis d'éviter de perdre du temps à rechercher des candidats hors du budget réaliste de l'entreprise. Pour Sandrine, cela démontre que refuser d'établir une fourchette salariale dès le début, par peur de se fermer des opportunités, est souvent contre-productif. Définir une fourchette claire permet non seulement de gérer les attentes des candidats, mais aussi de s'assurer que l'entreprise est prête à accueillir le candidat sans créer de tensions en interne.

Une des raisons majeures pour lesquelles les entreprises hésitent à afficher les salaires dans les annonces est l'inconfort lié à la perte de pouvoir. Sandrine explique que détenir des informations sur la rémunération donne souvent l'impression d'avoir un avantage sur le candidat, même si cette dynamique est rarement explicitement formulée. Elle ajoute que les entreprises doivent dépasser cette crainte pour instaurer une relation de confiance plus équilibrée avec les candidats.

"Ce qui est intéressant quand on publie son salaire, c'est qu'on donne une information importante pour les candidats, mais aussi on envoie un message positif sur l'entreprise elle-même.” Anaïs

De nombreuses entreprises restent frileuses, par peur de perdre la flexibilité de négociation. Sandrine suggère une approche proactive : publier deux offres distinctes (une pour les juniors, une pour les seniors) afin de maintenir la flexibilité tout en restant transparent sur la rémunération.

L'une des objections les plus courantes à la transparence salariale est la crainte d'attirer des candidats motivés uniquement par l'argent.

“J'entends souvent : 'Je ne veux pas que les gens viennent juste pour l'argent.' Mais en réalité, la rémunération fait partie de la raison pour laquelle on travaille, et c'est tout à fait normal.” Sandrine

Qui plus est, Sandrine considère cette objection comme souvent infondée. Elle rappelle que la plupart des gens travaillent pour gagner leur vie, mais cela ne signifie pas qu'ils ne recherchent pas aussi d'autres valeurs dans leur travail. Elle encourage les entreprises à se faire confiance et à faire confiance à leur processus de recrutement pour filtrer les candidats qui ne correspondraient pas aux valeurs de l'entreprise.

Un exemple de chemin vers la transparence salariale

Sandrine partage l'exemple d'une entreprise qui a progressivement adopté la transparence salariale totale. Cette entreprise, au début, n'était pas du tout à l'aise avec l'idée de rendre ses grilles salariales publiques. Ils ont d'abord travaillé à l'élaboration d'une politique de rémunération interne claire. Ensuite, ils ont commencé par de petites étapes : par exemple, le dirigeant a commencé à parler du sujet en comité de direction, puis avec les managers. Cela a permis de créer un climat de confiance et d'apporter de la clarté sur la manière dont les salaires étaient fixés et allaient évoluer dans le temps.

Le processus a duré plusieurs mois, et au fur et à mesure, l'entreprise a commencé à lâcher des informations sur la rémunération de façon plus ouverte, d'abord en interne puis progressivement vers l'extérieur. Deux ans plus tard, Sandrine a pu constater une évolution significative : l'entreprise était désormais presque totalement transparente sur les salaires. Ce cheminement a été possible grâce à une communication régulière, claire, et au fait de s'appuyer sur une politique salariale bien définie.La DRH d’une autre société avec laquelle Sandrine a travaillé, disait que la transparence est un chemin, un voyage qu'il faut parcourir par petits pas, et qu'en prenant le temps nécessaire, ils avaient pu dépasser leurs réticences initiales. C’est une transformation qui se fait en développant d’abord une politique de rémunération claire, puis en la communiquant efficacement, d'abord au comité de direction, puis aux managers.

"La transparence est un chemin, un voyage, il faut y aller petit à petit, petit pas par petit pas." - Sandrine

Sandrine souligne l'importance de reconnaître que derrière les objections à la transparence salariale, il y a souvent des blocages émotionnels qui doivent être adressés.

Conclusion

La transparence salariale est un sujet complexe qui suscite de nombreuses questions et craintes au sein des entreprises. Avec l'arrivée de la directive européenne de 2026, la question n'est plus de savoir si les entreprises doivent adopter la transparence, mais comment elles peuvent le faire de la manière la plus efficace possible.

Les conseils de Sandrine sont clairs : commencer dès maintenant, définir une politique de rémunération évolutive et transparente, et avancer pas à pas vers une communication claire et équilibrée. En relevant ce défi dès aujourd'hui, les entreprises peuvent non seulement se conformer aux obligations légales, mais aussi se positionner comme des employeurs de choix, offrant une transparence qui est de plus en plus recherchée par les candidats.

Si ce sujet vous intéresse, n'hésitez pas à suivre Sandrine sur LinkedIn pour plus de contenu inspirant, ou à consulter ses articles de la série “Messages à caractère informatif… sur la politique de rémunération.

À découvrir, le premier épisode de la série “Messages à caractère informatif… sur la politique de rémunération”
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À propos de l'auteur·e
Silvia Galo
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Content Manager chez Taleez, je vous livre les réflexions et les actions concrètes en RH au travers des retours d'expérience de professionnels inspirants. 🙌