Que dit la loi sur le télétravail ? Où en est-on ?

Julie
Que dit la loi sur le télétravail ? Où en est-on ?

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Nouvelles formes d’organisation du travail, épisode n° 1 : le télétravail

Côté vie pro, la France reste un pays attaché à ses traditions : les entreprises préfèrent leurs équipes sur site, et le temps passé au travail semble toujours primer la charge réelle. Mais voilà, le boum de la Covid-19 est passé par là et a secoué le monde du travail. Selon Statista, 47 % des entreprises en France recourent au télétravail, et 36 % des salariés travaillent depuis leur domicile au moins une fois par semaine. Certes, certaines entreprises espèrent un retour en arrière. Néanmoins, les pratiques modernes continuent leur ascension. Une question se pose toutefois : que dit la loi sur ces nouvelles formes d’organisation du travail ? Le législateur a-t-il pris les devants pour encadrer la pratique n° 1 du smart working, le télétravail ? C’est l’heure de décrypter tout ça ! 

L’instauration du télétravail en entreprise, l’une des nouvelles formes d’organisation du travail les plus plébiscitées

Je pense que vous le savez, mais dans le doute… Le monde professionnel n’est plus le même qu’il y a 15, 25 ou 35 ans. Il suffit d’écouter vos parents ou vos grands-parents en parler ! À présent, les employeurs doivent composer avec les nouvelles formes d’organisation du travail. Avec en tête, le télétravail, champion incontesté de la flexibilité. Le législateur s’est d’ailleurs longuement penché sur le sujet. Voyons ça de plus près.

L’encadrement textuel du télétravail

Introduite dans le code du travail par la loi Warsmann de 2012, la définition du télétravail figure désormais à l’article L1222-9

La définition légale évoque « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail, qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon régulière et volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication, dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci. »

Mais le législateur ne s’arrête pas là. Eh non ! Deux textes légaux sont venus enrichir la législation afférente :

Au vu de ces différents éléments, on peut dire que ça commence plutôt bien ! 

La mise en place du télétravail

Vers un télétravail facilité

Depuis 2018, la mise en place du télétravail ne constitue plus un véritable casse-tête : il nécessite seulement un simple accord entre l’employeur et le salarié, sans obligation d’amendement du contrat de travail. (Moins de paperasse, youpi !)

Attention toutefois, vous devez quand même faire le point sur les dispositions prévues par l’accord de branche applicable afin de respecter et de faire respecter les droits et les obligations des parties.

Lorsque votre entreprise est soumise à un accord collectif annexé (ou non) à une convention collective, le cadre du télétravail y est souvent défini.

Bon à savoir 

Cet accord peut prévoir des modalités plus avantageuses pour le salarié, à intégrer dans son contrat de travail ou dans une charte d’entreprise. 

Voilà pourquoi il est important de vérifier l’ensemble des textes applicables.

Le principe d’accord mutuel 

En dehors de circonstances exceptionnelles ou de force majeure, vous ne pouvez pas imposer le télétravail à un salarié.

Eh oui ! Le télétravail repose sur un accord mutuel entre l’employeur et le collaborateur. En conséquence, si Josette refuse de télétravailler parce qu’elle préfère venir au bureau, vous ne pouvez pas la licencier pour ce motif.

De même, vous êtes en droit de refuser une demande de télétravail et de mettre fin à un accord en cours, à condition de fournir des justifications précises. 

Exemples de motifs : 

- l’incompatibilité des tâches avec le télétravail ;

- le manque d’autonomie du salarié dans l’exécution de ses missions ;

- l’absence de résultats ou d’objectifs atteints.

En cas de contestation de la décision par un collaborateur de l’entreprise, vous pouvez mettre en place un comité interne dont la mission est de statuer sur les situations conflictuelles.

L’obligation d’information du salarié

Outre le principe d’accord mutuel, vous devez également garantir une communication transparente sur les modalités de télétravail, notamment :

  • les conditions pour accéder au télétravail et revenir au travail sur site ;
  • les règles inhérentes à l’acceptation et à la mise en œuvre du télétravail ;
  • les plages horaires durant lesquelles les salariés peuvent être contactés ;
  • les aménagements pour les salariés en situation de handicap ;
  • l’utilisation de logiciels ou dispositifs pour encadrer le temps de travail ou réguler la charge de travail.

Plus qu’une obligation de l’employeur, il s’agit également d’une clarification nécessaire au bon fonctionnement de la structure qui a recours au télétravail. Vous vous en doutez, de telles précisions permettent d’éviter les couacs et les manquements, véritables nuisibles pour la productivité.

Le respect des droits du salarié télétravailleur

Le télétravail, désormais bien ancré dans le paysage professionnel, ne signifie pas que tout est permis. Eh oui ! Les droits des télétravailleurs sont strictement encadrés par la loi. Entreprises, RH, c’est le moment de tendre l’oreille.

L’égalité de traitement des salariés

Les salariés en télétravail ne sont pas les vilains petits canards de l’entreprise : le législateur y a veillé ! 

Bien qu’ils ne soient pas physiquement présents sur le site, ils bénéficient de droits et d’avantages similaires aux autres salariés. On pense par exemple aux congés payés, à la rémunération et à la protection sociale.

Mon conseil
La pratique du télétravail engendre des frais spécifiques. Pensez à clarifier cet aspect au sein de clauses dédiées ou, encore, de la charte d’entreprise pour éviter tout malentendu.

Le droit à la déconnexion

Pour l’heure, il ne possède pas de définition légale au sein du code du travail. Mais ça ne saurait tarder ! 

Le moins qu’on puisse dire, cependant, est que le droit à la déconnexion a fait l’objet d’une attention particulière du législateur français. 

En effet, l’Accord national interprofessionnel relatif au télétravail du 26 novembre 2020 le décrit comme « le droit pour tout salarié de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel en dehors de son temps de travail ».

En réalité, le droit à la déconnexion poursuit de multiples objectifs, dont : 

  • garantir l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle des collaborateurs ;
  • protéger la santé des salariés des excès liés à l’hyperconnectivité ;
  • lutter contre les mauvais usages persistants au sein du monde de l’entreprise.

Précisons-le de nouveau : le respect du droit à la déconnexion demeure indispensable. Les entreprises, qui s’acharnent à faire fi de ce droit, s’exposent à des arrêts-maladie en série et un turn-over constant.  

Les pouvoirs et obligations de l’employeur en matière de télétravail

Outre la garantie des droits des salariés, les pouvoirs et obligations de l’employeur demeurent tout aussi importants. En effet, le cadre est clair : flexibilité oui, mais pas sans vigilance. Allez, c’est parti : on fait le point à ce propos ! 

Le contrôle de l’activité

L’ouverture d’une entreprise à de nouvelles formes d’organisation du travail n’exonère pas l’employeur de ses responsabilités. Ça serait un peu facile, sinon.

En effet, vous conservez votre pouvoir de direction et demeurez maître de l’organisation de l’entreprise.

Celle-ci doit être mise en œuvre dans le respect des temps de travail et de repos et du droit à la déconnexion. Pour assurer un suivi efficace et équitable, vous devez préciser : 

  • les règles de communication à appliquer ;
  • les modalités de contrôle de l’activité ;
  • les mécanismes de suivi du temps de travail, applicables à l’ensemble des salariés.

L’obligation de sécurité et la protection de la santé du salarié

Vous le savez, le télétravail offre une flexibilité accrue et améliore la qualité de vie des collaborateurs de l’entreprise. Quid de la sécurité et de la santé ? En télétravail, il existe aussi des risques, parmi lesquels :

  • les risques psychosociaux (notamment l’isolement social) ;
  • la gestion du stress lié à l’organisation du travail à distance ou à une charge de travail mal répartie.

Ici, vous avez un rôle à jouer. L’employeur a la responsabilité d’adopter une approche adaptative, qui vise à préserver à la fois la santé mentale et la santé physique des télétravailleurs. Cela passe notamment par :

  • une information et formation adaptées pour les salariés concernés ;
  • un accompagnement spécifique des managers, afin de garantir une supervision bienveillante et efficace dans ce contexte.

De même, le télétravail soulève également des questions complexes concernant la reconnaissance des accidents de travail. La législation actuelle impose que l’accident soit directement lié à l’activité professionnelle exercée à domicile.

Pour qu’un accident survenu dans le cadre du télétravail soit reconnu comme un accident de travail, il est nécessaire de fournir des preuves tangibles, telles que :

  • la localisation exacte au moment de l’accident ;
  • le lien direct avec une tâche ou une activité professionnelle.

Ces dispositions visent à assurer un traitement équitable des salariés, tout en protégeant l’employeur contre des demandes injustifiées.

La France vs les autres pays occidentaux en matière de télétravail

Selon une étude menée par Europe Econpol en 2023, la France figure parmi les pays européens les moins adeptes du télétravail, avec une moyenne de 0,6 jour par semaine (les adeptes du full remote, on vous voit soupirer !), aux côtés de l’Italie, qui affiche la même moyenne. 

En revanche, les salariés en Allemagne et au Royaume-Uni adoptent davantage cette pratique, avec respectivement 1,0 jour et 1,5 jour de télétravail hebdomadaire.

Le Canada se distingue comme le leader des pays occidentaux en termes de télétravail, avec une moyenne de 1,7 jour par semaine, suivi des États-Unis, où les salariés travaillent depuis chez eux en moyenne 1,4 jour par semaine. 

Conclusion, la France peut-elle mieux faire

La France est-elle en retard concernant l’adoption de nouvelles formes d’organisation du travail ? Oui, c’est certain ! On ne peut pas le nier, la flexibilité en entreprise a connu une croissance fulgurante ces dernières années. Pour preuve, les offres d’emploi contenant la possibilité de télétravailler ont été multipliées par 5 par rapport à la période précédant la pandémie de Covid-19. Néanmoins, la France accuse un certain retard. De la même façon, le bruit court qu’une multitude d’entreprises souhaite un retour au bureau. Pouvons-nous encore faire machine arrière ? En toute honnêteté, cela me semble difficile, même si la Toile est (parfois) inondée de revirements médiatisés comme chez Ubisoft, Zoom ou, encore, Amazon. 

Aujourd’hui, le télétravail constitue un véritable avantage. Je parlerais même d’un pilier de la marque employeur. En outre, permettre à ses équipes de travailler depuis chez eux ou d’un lieu neutre, c’est offrir de nouvelles opportunités en termes de développement. En effet, le télétravail favorise l’internationalisation des collaborateurs. Autrement dit, l’entreprise réunit en son sein une multitude de talents et d’experts, tout en s’octroyant la possibilité d’atteindre de nouveaux objectifs. Flex desk, flex office, télétravail, semaine de 4 jours… Mine de rien, l’idée de la flexibilité au travail fait son chemin. Encore faut-il que les entreprises françaises songent sérieusement à appuyer sur la pédale d’accélérateur…

L’épisode n° 1 des nouvelles formes d’organisation du travail, dédié au télétravail, est à présent terminé. Je vous donne donc rendez-vous pour l’épisode n° 2 qui traitera de la semaine de 4 jours. 

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À propos de l'auteur·e
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Juriste en Droit des Affaires et Content Manager Freelance. Lorsque je ne suis pas occupée à dévorer un roman ou à faire du canicross, j’écris des articles de blog sur l'univers RH (et le droit !)