L'identité professionnelle : une définition clé pour la stratégie RH

Cet article fait référence au travail des sociologues Claude DUBAR & Robert MERTON, à retrouver ici :
- Claude DUBAR, Sociologie des professions. Armand Colin, 1988
- Claude DUBAR, La crise des identités, PUF, 2010
- Robert MERTON, The Sociology of Science, Université de Chicago, 1973

Et sinon vous faites quoi dans la vie ?

Cette question du quotidien est FON-DA-TRICE en sociologie du travail !

Elle peut vous paraitre anodine, pourtant elle permet d’en apprendre beaucoup sur la perception et l’image qu’on a de notre profession.

Des personnes ayant le même emploi, ne répondront peut-être pas la même chose.

Posons la question à 3 RH de la même entreprise : LyndCé, Djonny & Jeauhanat.

• Lyndcé: « J’accompagne mon entreprise dans ses projets RH, je fais ça depuis 3 ans, j’ai été embauchée directement après mon diplôme ».
• Djonny : « Je suis RH, je gagne bien ma vie, c’est cool ».
• Jeauhanat : « Je suis dans une équipe RH, ils sont vraiment sympas, on s’entend bien ».

Les réponses sont différentes parce que les personnes sont différentes et surtout elles dépendent de la vision qu’on porte sur notre travail et surtout de nos priorités.

Alors comment définir sa profession et l’identité qui y est associée ? C’est parti 👇

La profession : Robert MERTON VS Claude DUBAR

Vous connaissez le clash Booba VS Kaaris ! Et ben en sociologie on a aussi nos clash célèbres. Ici pas d’aéroport, pas de punchlines dans des textes de RAP mais des théories affutées et des visions opposées.

MERTON et C. DUBAR définissent la profession de manière totalement différentes et sont en désaccord sur bien des points.

Sortez les pop-corn, l’explication du clash c’est maintenant 🍿

Robert MERTON et l’amour du diplôme

MERTON définit la profession comme le processus par lequel une occupation, une activité devient une profession.

Pour que le processus soit complet et opérationnel, des compétences sanctionnées par un diplôme sont nécessaires.

Ici on rapproche la notion de profession à celles de spécialisation et d’expertise.

Par exemple : Vous adorez vous poser tranquilou sur un transat et bronzer tout l’après-midi. Si vous passez un diplôme de farniente qui vient attester que vous savez faire cette activité, alors selon R. MERTON elle devient votre profession. (Je sais c’est tentant 😅)

Pour résumer : La profession = la compétence + le diplôme.

Cette théorie a été créée en 1973, elle est encore appliquée par des entreprises aujourd’hui. Il faut cependant reconnaitre que beaucoup d’organisations s’affranchissent désormais du diplôme pour aller chercher uniquement la compétence.

Claude DUBAR et la structure professionnelle

DUBAR s’éloigne de l’idée de processus de professionnalisation. Selon lui, il n’est pas forcément question de compétences ou de diplôme pour définir la profession.

Il définit la profession comme l’association de quatre notions :

• Le métier : Comprend les personnes qui exercent un métier portant le même nom
• La vocation : Renvoie à la manière dont les personnes se définissent et à leurs croyances
• La branche professionnelle ou la place dans l’organigramme
• L’Emploi : Activité qui engendre une rémunération

On s’éloigne alors laaaaaaargement de l’idée de processus pour s’inscrire dans une structure autour de l’idée de : rémunération, identité, équipes, etc.

Par exemple, votre activité de farniente sur transat : si elle reconnue comme un métier, qu’elle est rémunérée et structurée dans une organisation alors c’est une profession pour C. DUBAR.

Pour résumer : La profession = Activité reconnue, structurée et rémunérée

Quel/le professionnel/le êtes-vous ?

Le travail de Claude DUBAR nous permet de comprendre une chose primordiale :

Ce n’est pas uniquement l’entreprise ou la Société qui déterminent ce qui est profession ou non. C’est également la manière dont se définissent les personnes.

L’identité professionnelle

Pour fidéliser vos collaborateurs/trices, il est indispensable de les aider à créer et définir leur identité professionnelle.

Selon C. DUBAR, elle s’articule autour de deux idées :

• L’identité pour soi: c’est celle à laquelle on se sent appartenir, celle qui nous permet de nous définir nous-même, grâce notamment à notre : profession, formation, projets personnels.
• L’identité pour autrui: elle représente l’identité que nous attribuent les autres, ça renvoi à l’intégration dans un groupe professionnel déjà constitué mais également à la recherche de reconnaissance.

Notre identité professionnelle est donc créée d’une part, par l’image à laquelle on se réfère et d’autre part par la manière dont les autres nous définissent.

L’entreprise et l’environnement de travail ont une incidence majeure sur la manière dont on se définit, on se conçoit et on se projette en tant que salarié/e.

La création de son identité professionnelle passe par le fait d’être reconnu/e (compétences, travail, accomplissement etc.) par sa hiérarchie et ses collègues.

Ne pas pouvoir se définir au sein d’un collectif, ne pas connaitre sa place, ne pas être reconnu/e, influe sur la motivation et la satisfaction au travail.

De la théorie à la pratique

Bon, on est d’accord ! Vous n’allez pas demander en entretien : « Euh sinon Djonny, c’est quoi ton identité professionnelle, j’te demande parce que c’est important pour te fidéliser » 😅

Alors comment faire ?

Interroger l’identité professionnelle, revient à interroger deux choses :

• La personne par rapport à son métier
• Sa place dans le collectif

Pour cela, voici une méthode pour (re)mettre votre collaborateur/trice au centre des préoccupations 💪

• Définir explicitement les attendus du poste : ses missions, ses objectifs.

Autrement dit son rôle dans le projet et l’entreprise

• Faire des feedbacks

Faire un retour sur le travail effectué, célébrer les réussites, réajuster si besoin.

• Interroger le projet professionnel

Qu’est-ce que votre collaborateur/trice veut faire ? Pourquoi ? Comment l’accompagner ?

Interroger l’identité professionnelle revient à accompagner la carrière, l’évolution et l’intégration dans une entreprise.

C’est un sujet qui mérite alors de faire partie intégrante de votre stratégie RH.

Bonne réflexion ;)

Pauline LECYGNE 🦢