Partage du capital : actions, stock-options et actionnariat salarié

Sandrine Dorbes
Partage du capital : actions, stock-options et actionnariat salarié

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Michel face à un nouveau défi : le casse-tête du partage du capital

Michel est penché sur son clavier, en train de finaliser une énième simulation de salaires, quand son ordinateur émet un bip familier. Une nouvelle notification d’e-mail.Premier soupir. Il ouvre le message : sa DRH veut une note détaillée sur le partage du capital, prête à être présentée à la direction. Michel lève les yeux au ciel.Deuxième soupir. « Encore une note que personne ne va lire… » murmure-t-il en secouant la tête.

Il accuse silencieusement le neveu de la DRH, fraîchement débarqué d’une start-up où les BSPCE faisaient des étincelles, d’avoir un peu monté la tête de sa tante.Résultat : la patate chaude atterrit directement sur les genoux de Michel, alors que sa to-do list est déjà pleine à craquer.

Et pour couronner le tout, ce sujet n’est pas son terrain habituel. Les salaires, les primes, le partage de la valeur ? Il maîtrise. Mais les mécanismes liés au capital ? Une plongée dans le flou.Michel sait qu’il va devoir creuser en profondeur, comprendre les différentes options, mécanismes et subtilités, pour produire une note claire et intelligente. Autant dire que sa zone de confort vient de prendre l’eau.

Avec un troisième soupir teinté de nostalgie, il repense à ses vacances sur le bassin d’Arcachon : sa seule liste de tâches consistait à cocher les courses, et ses défis intellectuels se résumaient à des grilles de mots croisés niveau 1/2. La vie était décidément plus simple.

Plongée dans l’histoire du partage du capital

Avant de se lancer dans les chiffres et les simulations, Michel prend une grande inspiration et décide de se faire un état des lieux historique. Après tout, pour expliquer un mécanisme complexe, mieux vaut savoir d’où il vient.

En creusant le sujet, il découvre que le partage du capital a une histoire qui ne date pas d’hier. À la fin du XIXᵉ siècle, ce mécanisme répondait à un premier besoin : aligner les intérêts des personnes dirigeantes sur ceux des actionnaires et reconnaître leur impact à long terme dans le pilotage de l’entreprise. Pour y répondre, sont apparues les actions gratuites et les stock-options, destinées à celles et ceux dont les décisions influencent directement la stratégie et la performance.

Mais il existe un second enjeu : associer l’ensemble des équipes à la création de valeur. A l’époque on parlait de réconcilier « le capital et le travail ». C’est de cette logique qu’est né l’actionnariat salarié, qui permet à l’ensemble des salarié·es de devenir parties prenantes du capital, au‑delà de leur simple rémunération, de partager les fruits de la croissance et de renforcer leur sentiment d’appartenance à l’entreprise.

Michel note que dans les années 1980, les stock-options et les actions gratuites se sont d’abord popularisées dans les entreprises cotées pour attirer et retenir des profils stratégiques, tout en les incitant à privilégier la performance durable de l’entreprise plutôt que des gains rapides à court terme. Progressivement, ce mécanisme s’est étendu à d’autres secteurs.

L’importance d’une bonne segmentation

À ce stade, Michel comprend qu’il tient des messages essentiels à faire passer : le partage du capital ne se résume pas à distribuer des parts au hasard, pour la simple beauté du geste ou parce que cela a l’air « joli sur le papier ». Chaque dispositif doit avoir un objectif clair, viser les bonnes personnes, et être conçu pour motiver, retenir et impliquer celles et ceux qui comptent pour la stratégie de l’entreprise. Voilà le message que Michel veut faire passer à sa DRH.

Michel se gratte la tête. Après avoir compris d’où venait le partage du capital, il réalise que la question clé est : qui veut-on vraiment retenir et motiver ? Il faut être clair sur la population ciblée. Faut-il embarquer l’ensemble des salarié·es, ou seulement les personnes occupant des postes stratégiques ? Et si c’est la seconde option, comment définir concrètement ce qu’est un poste stratégique ?

Dire simplement qu’un poste stratégique est « celui dont l’activité a un impact majeur sur la performance ou la croissance de l’entreprise » ne suffit pas.Michel se met à détailler mentalement ce que cela signifie dans la pratique pour son entreprise : un impact majeur, c’est la perte d’une compétence ou d’un savoir-faire rare qui ralentirait un projet clé, ferait échouer un objectif de chiffre d’affaires critique ou bloquerait le lancement d’un produit stratégique. C’est aussi le départ d’une personne qui détient des connaissances essentielles pour atteindre des objectifs RSE ou structurer un marché nouveau. En bref, un poste stratégique a des conséquences immédiates et mesurables sur la réussite de l’entreprise.

Différentes populations, différents dispositifs

En continuant son exploration du sujet Michel réalise vite qu’il n’existe pas de solution unique puisque plusieurs types de populations coexistent au sein de la même entreprise, et que chacune justifie une approche spécifique. Sur le marché, on observe quelques tendances claires.

  • Pour les dirigeant(es), les actions gratuites sont généralement privilégiées. Concrètement, une action gratuite donne droit à recevoir des actions de l’entreprise sans avoir à les acheter, sous réserve de respecter certaines conditions, comme rester dans l’entreprise pendant une période définie ou atteindre des objectifs précis. Ces objectifs peuvent être financiers, liés à la croissance, ou qualitatifs, comme la réussite d’un projet stratégique ou d’un engagement RSE. Ce mécanisme permet de récompenser les contributions à long terme et de sécuriser les talents clés.
  • Pour les profils dits stratégiques, le marché combine souvent actions gratuites et stock-options. Les actions gratuites apportent une attribution immédiate à terme, tandis que les stock-options offrent le droit d’acheter des actions à un prix préférentiel après quelques années. Cette combinaison est pensée pour retenir les talents critiques et aligner leur motivation sur la performance durable de l’entreprise.
  • Enfin, pour l’ensemble de l’entreprise, la pratique courante est l’actionnariat salarié, souvent adossé à la participation ou à l’intéressement. Cela permet à chacun et chacune de convertir sa prime en parts de capital, renforçant à la fois le sentiment d’appartenance et le lien avec la réussite collective, sans mobiliser d’épargne individuelle.

Michel comprend que la segmentation est essentielle : chaque population joue un rôle différent et génère des impacts variés, ce qui implique de concevoir un dispositif sur mesure pour chacune. C’est exactement cette logique qu’il doit présenter à sa DRH. Sans cette clarté, un plan de partage du capital risquerait d’être perçu comme opaque, voire injuste, et de générer des frustrations.

Plus Michel avance dans ses recherches, plus il revient à son idée de départ : la première étape est avant tout stratégique et politique. Avant de se plonger dans les méandres techniques qu’il ne maîtrise pas encore — calculs, vesting, valorisation — il sait qu’il doit commencer par interroger les objectifs de sa DRH et de la direction. Pourquoi souhaite-t-on mettre en place ce partage du capital ? Quels comportements ou résultats souhaite-t-on réellement encourager ? « Toujours commencer par le pourquoi », se répète-t-il, citant Simon Sinek.

Rendre le capital compréhensible : pédagogie et transparence

Avançant dans son exploration, Michel comprend que la clé du dispositif, c’est la compréhension. Actions gratuites, stock-options, actionnariat salarié : ces mécanismes peuvent sembler abstraits pour celles et ceux qui ne travaillent pas tous les jours avec les bilans et le vesting. Pour que le partage du capital devienne un vrai levier de motivation et de fidélisation, il faut avant tout le rendre intelligible.

La pédagogie ne se limite pas à l’explication : elle passe aussi par la transparence et la cohérence. Chaque règle doit être claire : qui est concerné, pourquoi, quelles conditions s’appliquent, et comment la participation au capital reflète la stratégie de l’entreprise. Sans cette clarté, le dispositif risque d’être mal compris et de générer des frustrations.

Michel imagine un guide simple et illustré, qui traduit chaque action, option ou part de capital en euros concrets. Voir un chiffre théorique ne vaut pas comprendre ce que cela rapporte réellement à terme. Il visualise aussi des infographies représentant le « gâteau » à partager et les parts attribuées, pour que chacun et chacune puisse saisir sa contribution et le lien avec la réussite collective. Des sessions interactives et des webinaires compléteront le dispositif, pour répondre aux questions sur le vesting, les conditions de départ et les objectifs associés à chaque attribution.

Michel sentait son cœur battre un peu plus vite à l’idée de démêler ce sujet fascinant. La perspective de rendre le capital intelligible l’excitait, mais la montagne de tâches qui s’ajoutait à sa todo list lui serrait l’estomac : chaque nouvelle idée à formaliser semblait multiplier les lignes de travail, et la peur de ne jamais en venir à bout se mêlait à son enthousiasme.

Mettre le capital en perspective avec la rémunération

Michel commence à écrire les grandes lignes de sa note : poser les bases de la philosophie, définir chaque population, et y associer un dispositif avec ses règles, conditions et objectifs. Ne pas oublier que sans vulgarisation et pédagogie le dispositif perd en impact.

Enfin, Michel rappelle qu’il faudra mettre ces dispositifs en perspective avec l’ensemble de la rémunération : salaire, primes, avantages et capital.Chaque personne concernée doit comprendre que ce n’est pas une faveur, mais un mécanisme pensé pour motiver, fidéliser et aligner les efforts sur la stratégie à long terme. Si tout est expliqué clairement, ce partage du capital sera un outil que tout le monde comprendra et appréciera.

Michel se recule, prend une gorgée de café et se demande quel impact cette note aura sur son CoDir.

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Parler de rémunération autrement - Conférencière - Experte en stratégie de rémunération - Créatrice de « How Much » - Administratrice certifiée