Le cadre légal de l’automatisation des recrutements… Ça vous donne mal à la tête ? Comme je vous comprends. N’ayez crainte, toutefois. Avec une belle dose de vulgarisation, on arrive à tout. Oui, même à bout de ce concept peu glamour, mais capital à l’ère du tout numérique ! Vous le savez : de nos jours, tout bon service RH aime à sortir l’artillerie lourde. Nouvelles méthodes de recrutement, outils dernier cri, marque employeur boostée, et j’en passe… Toutefois, à l’heure où les entreprises ont l’intention d’inclure l’IA dans leurs recrutements, il devient fondamental de faire le point sur la législation en vigueur. Prêt à sauter dans le grand bain de l’automatisation du recrutement ? Dans ce cas, c’est parti !
En quoi consiste l’automatisation du processus de recrutement ?
Avant de nous faufiler dans les profondeurs juridiques de l’automatisation des recrutements, faisons une halte dans le passé. Pour quelle raison le secteur RH est-il la cible d’une importante mutation ? Quels facteurs ont conduit à l’automatisation des décisions RH ? Explications.
Le recrutement à l’épreuve de l’ère moderne
Le secteur du recrutement n’est plus le même qu’il y a trente ans. Eh oui ! De nouvelles évolutions ont fait leur apparition, en particulier les nouvelles technologies. Ainsi, les services RH ont dû faire preuve d’une certaine résilience. Cela concerne le recruteur, mais également l’intégralité de l’entreprise. En quelques mots, s’adapter signifie repenser le fonctionnement interne de la structure.
De nos jours, recruter est devenu une tout autre profession. En pratique, à quelles évolutions font face les recruteurs ?
- La disparition progressive du courrier. On ne peut pas le nier, les échanges par e-mail ont pris le pas sur le papier. Résultat : les différents services passent bien plus de temps devant leur écran d’ordinateur. Attention, dans certaines structures, le tri du courrier s’avère encore nécessaire !
- Les réseaux sociaux. À une époque, les candidatures spontanées et les clubs professionnels de réseautage représentaient deux moyens efficaces pour dénicher un emploi. À l’ère du digital, LinkedIn constitue « the place to be ». Ainsi, les recruteurs doivent prendre en compte les comportements des postulants.
- Les cabinets et les indépendants spécialisés dans le recrutement. On ne recrute plus simplement pour accroître ses effectifs, mais bien pour faire l’acquisition d’un ou plusieurs talents. C’est pourquoi le recrutement constitue désormais un business à part entière.
Tandis que nos aïeuls faisaient du porte-à-porte armé de leur CV manuscrit, les candidats d’aujourd’hui postulent en quelques clics. Sacrée innovation, me direz-vous. Néanmoins, derrière ce gain de temps se cache l’envers du décor. Ainsi, les nouveaux enjeux du recrutement requièrent un savant mélange entre :
- l’utilisation d’outils RH à la pointe ;
- la conformité au RGPD ;
- le respect des dispositions du code du travail.
Disons-le franchement, l’articulation entre l’évolution du secteur RH et le respect de la loi
constitue une entreprise périlleuse !
Les outils informatiques au service des recruteurs
Pour faire l’économie d’un temps précieux, les services RH font l’acquisition d’un certain nombre d’outils. Il peut s’agir d’un logiciel de recrutement ou, encore, d’un jobboard. Bien sûr, il en existe de toutes sortes. Différentes fonctionnalités et divers degrés d’automatisation s’affrontent. À présent, ces outils sont indissociables du quotidien de nos amis RH. Mais à quoi servent-ils exactement ?
- Le classement, le tri et l’évaluation des candidatures. Aujourd’hui, le tri des candidatures s’effectue au moyen d’actions automatiques. Pour mener à bien cette procédure, le recruteur se doit de documenter et de classer les informations et les documents remis par le postulant, tels que le CV, les diplômes, les comptes-rendus d’entretiens, etc. Pour l’heure, les ressources humaines doivent respecter le cadre légal de l’automatisation des recrutements fixé par la CNIL.
- La prise de décision. Nombreux sont les logiciels qui proposent une nouvelle fonctionnalité : l’aide à la prise de décision. Source d’inquiétude, la nécessité d’une réglementation transparente et précise se fait ressentir. C’est pourquoi, en matière de prise de décision ou d’aide à la prise de décision, des dispositions spécifiques sont prévues.
Aussi, les concepteurs d’outils dédiés à l’automatisation du recrutement doivent s’assurer de ne pas contribuer à la création ou au renforcement de biais discriminants. Pour les y aider, le Défenseur des droits a publié un guide intitulé « recruter avec des outils numériques sans discriminer ».
De toute évidence, les algorithmes s’immiscent dans le processus de recrutement jusqu’à en imprégner chaque étape.
Les risques liés à l’automatisation de la phase de recrutement
Il faut l’admettre : l’automatisation de la phase de recrutement procure à l’IA, ou l’intelligence artificielle, un grand pouvoir. Est-ce toutefois sans risque ? Les recrutements fondés sur les algorithmes peuvent-ils engendrer quelques complications ?
- Le caractère discriminatoire du recrutement. Oui, le machine learning constitue une belle avancée ! Cependant, si les algorithmes se basent exclusivement sur des recrutements ou des évaluations réussies, cela signifie qu’ils peuvent également réitérer des erreurs de recrutement. Par exemple, la prise en compte d’un facteur X pourrait nuire au processus. De même, l’hétérogénéité de la population sélectionnée peut faire défaut. Sachez-le, il s’agit d’une discrimination indirecte. En tant que professionnel RH, assurez-vous de la non-existence de biais cachés.
- La protection des données personnelles des candidats. Attention, cet aspect vous concerne directement. Le responsable du traitement doit recueillir le consentement éclairé des postulants. Si vous optez pour un entretien vidéo, vous devez avertir le candidat quant à l’usage réservé à son image.
- Le préclassement des candidatures effectué par l’outil. Bien souvent, le recruteur croule sous des montagnes de candidatures. Ainsi, lorsque leur nombre est trop conséquent, il ne consulte que les mieux classés par son logiciel. Soyez toutefois vigilant : cela peut constituer une véritable perte de chance pour l’entreprise et pour le candidat.
Quel est le cadre légal de l’automatisation des recrutements ?
L’article 22 du RGPD encadre juridiquement les décisions entièrement automatisées. C’est vrai, le cadre légal de l’automatisation des recrutements prévient de bon nombre de dérives. L’intelligence artificielle a ses bons côtés. Cependant, une question se pose : doit-on laisser le champ libre aux algorithmes ?
La discrimination en matière de décisions entièrement automatisées
Avant toute chose, vous devez être incollable sur les notions basiques ! Qu’est-ce qu’une décision entièrement automatisée ? Quelle conséquence entraîne-t-elle ?
Lorsqu’on parle de décisions entièrement automatisées, on fait référence à celles qui sont prises au moyen de traitements algorithmiques. Autrement dit, le recruteur qui fait usage de la fonctionnalité « classement des candidatures » se repose sur son logiciel, sans qu’aucun être humain n’intervienne dans le processus.
Que se passe-t-il si le responsable du traitement est incapable d’expliciter les motifs d’une décision entièrement automatisée qu’il a lui-même validée ? Eh bien, la décision peut être déclarée comme ayant été prise en l’absence d’intervention humaine. Prenons quelques exemples :
- La présélection automatique des candidatures de candidats peut être considérée comme ayant été prise sans intervention humaine. En effet, le recruteur n’intervient pas. De manière générale, il se contente d’accepter la décision.
- Dans la plupart des cas, l’outil qui permet au recruteur de façonner un profil pour chaque candidat ne saurait être regardé comme une décision entièrement automatisée. Le recruteur reste aux commandes, bien qu’il s’appuie sur les fonctionnalités du traitement automatisé.
- Toutefois, l’outil destiné à rejeter de manière automatique les candidatures pour les types de postes qui ne sont pas à pourvoir ne saurait être incompatible avec les dispositions du règlement européen. En l’espèce, le traitement automatisé ne prive pas le candidat d’une opportunité réelle d’emploi. Ainsi, son bien-fondé s’analyse au regard des droits des postulants.
Quid de la décision entièrement automatisée qui produit des effets à l’égard du candidat ? Pour tout vous dire, c’est là que les ennuis commencent… Si la décision produit des effets juridiques ou affecte le candidat de manière importante, elle sera réputée contraire aux prescriptions du RGPD.
Ainsi, la décision fondée exclusivement sur un traitement algorithmique doit respecter l’article L1132-1 du code du travail. Les discriminations, qu’elles soient directes ou indirectes, ne peuvent être admises au cours de l’étape du recrutement. Clarifions les choses une bonne fois pour toutes ! La décision automatisée ne doit en aucun cas :
- Accorder ou priver le demandeur d’emploi d’un droit. L’algorithme ne peut pas écarter un individu du processus de recrutement selon certains biais, tels que l’appartenance à une ethnie, l’apparence physique ou, encore, la participation à des activités syndicales. De plus, certains logiciels font l’analyse des traits et des expressions faciales des candidats lors d’entretiens vidéos. Attention, ceux-ci peuvent revêtir une portée discriminatoire, notamment à l’endroit des personnes handicapées.
- Influencer son comportement et ses choix. La présélection réalisée par l’outil RH ne doit pas reposer sur des biais non-fondés et, ainsi, mener à l’exclusion du candidat.
La protection de la vie privée
Comme le précise l’article L1121-1 du code du travail, chacun a le droit au respect de sa vie privée dans le cadre professionnel. Bien évidemment, cela touche la phase du recrutement.
Il faut savoir que l’usage de certains logiciels engendre l’aspiration de données en provenance des moteurs de recherche. Soyez vigilant : le postulant ne donne pas son consentement.
De même, les recruteurs consultent régulièrement les sources ouvertes, comme les réseaux sociaux. La loi autorise-t-elle la consultation de contenus en ligne ? La réponse est oui ! Néanmoins, deux conditions doivent être respectées :
- cette action doit servir à apprécier les aptitudes professionnelles du candidat au poste visé ;
- vous devez procéder à l’information des demandeurs d’emploi concernés.
Les droits des candidats
Les droits communs des candidats sur leurs données à caractère personnel
Effectuons un bref rappel ! Tout traitement doit garantir les droits des demandeurs d’emploi. En la matière, vous devez vous référer au chapitre III du RGPD. Ainsi, quels sont les droits des postulants sur leurs données à caractère personnel ?
- le droit d’accès ;
- le droit de rectification ;
- le droit à l’effacement ;
- le droit d’opposition ;
- le droit de limitation du traitement ;
- le droit de portabilité.
Attention, toutefois. Les droits des candidats dépendent de la base légale invoquée, c’est-à-dire le motif qui donne le droit au recruteur de traiter les données à caractère personnel visées. À titre d’exemple, en matière de consentement, le candidat ne peut faire valoir son droit d’opposition. De même, sur le fondement du respect d’une obligation légale, le responsable du traitement peut, dans certains cas, écarter le droit d’effacement du candidat.
Envie d’en savoir plus ? Dans ce cas, sautez sur l’occasion ! J’ai récemment fait l’analyse du RGPD dans le recrutement.
Les droits spécifiques des candidats face à une décision entièrement automatisée
Votre mémoire a été rafraîchie ? Alors, passons à la suite ! Existe-t-il des droits particuliers en matière de décision entièrement automatisée ? Effectivement, les candidats disposent d’un arsenal spécifique. Cela leur permet de lutter contre les décisions qui les affectent de manière significative :
- Une obligation de transparence. Lorsqu’une décision entièrement automatisée a été prise, le candidat doit en être informé lors de la collecte des données. De même, s’il en fait la demande, le responsable du traitement doit lui apporter une réponse dans les plus brefs délais.
- Le droit à une intervention humaine. Une décision algorithmique affecte particulièrement un candidat ? Dans cette situation, ce dernier peut demander à ce qu’une personne humaine réexamine la décision. Aussi, cela implique la prise en compte de sa situation et de son point de vue. Ici, l’humain est placé au cœur de toute réflexion. Il prend le pas sur la machine.
Ainsi, le cadre légal de l’automatisation des recrutements possède bel et bien sa raison d’être : la protection de l’égalité de traitement entre les candidats.
Désormais, dormez sur vos deux oreilles : vous pouvez tout à fait allier automatisation du recrutement et respect des prescriptions légales. L’Homme doit-il toutefois garder la main ? Voilà une question fort intéressante ! Le monde de l’entreprise, en particulier le secteur RH, évolue à vitesse grand V. Dans l’idéal, le recruteur doit toujours avoir le dernier mot. À ce jour, la Data se trouve dans l’incapacité de régler tous les problèmes des êtres humains. En tant que professionnel du recrutement, il vous appartient de pallier le risque d’inégalité entre les candidats. C’est votre mission !