Accepter une demande de rupture conventionnelle : ce qui va changer

Julie
Accepter une demande de rupture conventionnelle : ce qui va changer

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Accepter une demande de rupture conventionnelle, bientôt le parcours du combattant ?

Vous le savez, les ruptures conventionnelles ont le vent en poupe. Depuis 2020, leur nombre n’a cessé de croître. Aujourd’hui, l’engouement des employeurs et des salariés pour ce mode de rupture du contrat de travail ne semble toujours pas s’être tari. Cependant, la réforme des retraites, vivement débattue dans la sphère médiatique et dans la rue, affecte le régime de l’indemnité spécifique de la rupture conventionnelle. Les entreprises pourront-elles continuer de privilégier cette rupture concertée ? Accepter une demande de rupture conventionnelle sera-t-il toujours avantageux ? Place aux explications !

Qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle ? 

Vous envisagez d’accepter la demande de rupture conventionnelle d’un collaborateur ? Toutefois, vous souhaitez vous assurer d’avoir toutes les informations en votre possession avant de sauter le pas ? Sage décision. Ensemble, décryptons la rupture conventionnelle.

Commençons par le commencement. Qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle ? Comment la définir ? Faisons le point. 

La rupture conventionnelle, régie aux articles L1237-11 à L 1237-16 du code du travail, fait partie des modes de rupture du contrat de travail. En pratique, il s’agit d’une procédure qui résulte d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Ainsi, elle implique une véritable phase de négociation.

Les parties doivent s’entendre sur les conditions de départ du collaborateur, y compris l’indemnité de rupture conventionnelle. À ce propos, la loi exige que son montant ne puisse être inférieur à celui prévu en cas de licenciement. En d’autres termes, le législateur prévient d’éventuelles manœuvres fallacieuses de la part des entreprises.

Au terme de la procédure, le collaborateur sortant est éligible aux allocations chômage.

Quels sont les autres modes de rupture du contrat de travail ?

Comme dit plus haut, la rupture conventionnelle suppose un caractère consensuel. À ce titre, deux issues sont possibles : 

  • l’employeur ou le salarié refuse la demande de rupture conventionnelle ; 
  • l’employeur accepte la requête du salarié et les parties entrent en négociation.

Bien qu’elle résulte d’une prise de décision mutuelle, les professionnels de l’entreprise ont tendance à la confondre avec d’autres modes de rupture du contrat de travail pourtant unilatéraux.

L’abandon de poste

L’abandon de poste fait référence à la situation où le salarié cesse de se rendre sur son lieu de travail, sans motif valable et sans avoir informé son employeur. 

Désormais, ce mode de rupture unilatéral ne donne plus droit aux allocations chômage (ARE), ce qui a suscité de vives tensions dans la sphère médiatique. 

Aujourd’hui, le cadre légal de l’abandon de poste demeure plutôt flou. Espérons qu’il se précise dans les mois à venir !

La démission

Tout comme l’abandon de poste, la démission constitue un mode de rupture du contrat de travail unilatéral, à l’initiative du collaborateur. Il s’agit tout simplement du cas où le salarié décide de quitter l’entreprise. 

Démissionner implique une volonté claire et équivoque. En tout état de cause, la démission ne se présume pas (il est donc légitime de s’interroger sur la présomption démissionnaire relative à l’abandon de poste ! 😜).

En principe, le salarié ne touche pas d’allocations chômage, sauf s’il entre dans le dispositif démission-reconversion ou s’il fait état d’une démission légitime. Pour l’heure, le succès de ce dernier s’avère plus que mitigé…

Le licenciement

Mode de rupture à l’initiative de l’employeur, le licenciement connaît en réalité plusieurs déclinaisons : licenciement économique, licenciement pour motif disciplinaire ou encore, pour motif personnel non disciplinaire. 

Vous l’aurez compris, l’employeur peut entamer une procédure de licenciement pour diverses raisons. Cependant, cela ne signifie pas qu’il peut licencier ses effectifs comme il achète une baguette de pain à la boulangerie du coin. 

En effet, tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Par exemple, la faute lourde et l’inaptitude du salarié constituent, toutes deux, des causes réelles et sérieuses.

À la fin de la procédure, le salarié licencié peut prétendre au versement d’allocations chômage, en plus de son indemnité de licenciement. 

Pourquoi l’entreprise a-t-elle intérêt à accepter la demande de rupture conventionnelle d’un collaborateur ?

Vous le savez, les salariés auxquels on a refusé une rupture conventionnelle ont bien souvent la rage au ventre. Et pour cause ! 

En effet, il n’est pas aisé d’opérer une reconversion professionnelle ou d’ouvrir sa propre entreprise, sans indemnités. Tout le monde connaît le point de vue du collaborateur d’entreprise, mais quid de celui de l’employeur ? 

Découvrez les principaux avantages de la signature d’une convention de rupture : 

  • # 1 | Éviter de contraindre un collaborateur qui souhaite partir à rester dans votre entreprise : 👋 marque employeur. En effet, l’absence d’engagement d’un salarié constitue, à bien des égards, un frein.  Laisser partir un collaborateur est aussi un moyen de le fidéliser. N'oubliez pas que même s’il quitte l’entreprise, il demeure un potentiel ambassadeur. Qui plus est, il est tout à fait possible qu'il souhaite réintégrer la structure ultérieurement.
  • # 2 | Se séparer plus rapidement d’un collaborateur. La rupture conventionnelle n’implique aucun préavis. Suite à la phase de négociation, le collaborateur concerné peut rapidement quitter l’entreprise. Ce n’est pas le cas lorsqu’on licencie, par exemple.
  • # 3 | Négocier avec le salarié pour qu’il forme son remplaçant. Lorsqu’une entreprise fait face à un abandon de poste, un licenciement ou, encore, une démission, il n’est pas aisé d’assurer le relais. Voyez la rupture conventionnelle comme l’occasion idéale pour garantir la formation de votre future recrue. 
  • # 4 | Échapper aux risques de saisine de la justice prud’homale. Il n’est pas rare qu’une rupture de contrat aboutisse à un procès devant les prud’hommes. Choisir la rupture concertée, c’est diminuer considérablement ce risque.

Quelle procédure pour réaliser une rupture conventionnelle ?

À présent, penchons-nous sur les différentes étapes de la procédure de rupture conventionnelle ? Go ! 

La procédure de rupture conventionnelle en 3 étapes 

# 1 Le ou les entretiens avec l’employeur 

La rupture conventionnelle repose sur la concertation. C’est pourquoi, l’employeur et le salarié doivent se réunir lors d’au moins en entretien. S’il le souhaite, le collaborateur peut se faire assister.

En pratique, plusieurs entretiens s’avèrent nécessaires pour convenir des différentes modalités, dont : 

  • le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle ; 
  • la date de rupture du contrat de travail ;

De plus, la convocation ne répond à aucun formalisme particulier. Il appartient aux parties de s’accorder sur une date, une heure et un lieu de rendez-vous.

Soyez prudent. Mieux vaut ne pas crier victoire trop vite ! Le délai de rétractation de 15 jours calendaires commence à courir au lendemain du jour de la signature de la convention de rupture. 

Bon à savoir : il concerne les deux parties ! 

Vous souhaitez faire valoir votre droit de rétractation ? Dans cette situation, vous devez en informer votre salarié par LRAR ou par remise en main propre contre décharge.

# 2 La demande d’homologation à la DREETS

Une fois le délai de rétractation écoulé, vous devez demander l’homologation de la convention à la DREETS ((Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités). 

Cette demande peut être réalisée par le collaborateur sortant ou par l’employeur. Pour ce faire, rendez-vous sur le service TéléRc. Veillez à fournir un exemplaire de la convention de rupture signée.

À compter de la réception de la demande, la DREETS dispose d’un délai de 15 jours pour accepter ou refuser l’homologation. Au terme de ce délai, le silence de l’administration vaut homologation.

Que faire en cas de refus d’homologation ? Dans cette situation, vous disposez d’un délai de 12 mois pour contester la décision de la DREETS devant la justice prud’homale.

# 3 La rupture effective du contrat de travail

Lorsque l’homologation est approuvée, le CDI est rompu à la date indiquée dans la convention de rupture.

Le tableau comparatif des procédures des différents modes de rupture

Le tableau comparatif des procédures des différents modes de rupture

Quels changements annoncés concernant l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ? 

Une étude statistique de la DARES a fait la lumière sur un phénomène inquiétant : l’augmentation des ruptures conventionnelles individuelles chez les salariés de plus de 50 ans. 

Le Gouvernement a donc décidé de modifier le régime social de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle. 

Son but ? Éviter que les salariés seniors ne passent par la case « chômage », avant de pouvoir toucher leur pension de retraite.

Le salarié en droit de bénéficier d’une pension de retraite 

Pour dissuader les entreprises de recourir aux ruptures conventionnelles au lieu d’une mise à la retraite, le gouvernement a opté pour l’harmonisation des régimes d’indemnités.

Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, la contribution patronale s’élevait à 20 %, contre… 50 % pour une mise à la retraite. Pour les entreprises, le choix était vite fait ! 

À partir du mois de septembre 2023, les charges patronales relatives à l’indemnité de rupture conventionnelle atteindront 50 %. Dès lors, l’intérêt de l’employeur pour ce mode de rupture devrait s’épuiser.

Les salariés qui ne sont pas en droit de bénéficier d’une mise à la retraite

Si elle concernait un salarié classique, l’indemnité de rupture conventionnelle faisait état d’une exonération de cotisations sociales.

Ainsi, la fraction exonérée était soumise à un forfait social de 20 %. Grosso modo, il s’agissait des charges patronales dues.

Dès le mois de septembre 2023, le forfait social sera supprimé et remplacé par une contribution unique de… 30 % ! Dans les faits, les ruptures conventionnelles vont ainsi coûter plus cher aux chefs d’entreprise. Prenons un exemple simple : 

Vous devez verser 60 000 € à un salarié sortant, au titre de son indemnité de rupture conventionnelle. 

  • Option n° 1. Avec le forfait social, bientôt supprimé et remplacé, vous devrez régler 12 000 € de charges sociales. 
  • Option n° 2. L’harmonisation des régimes, à partir de septembre 2023, aboutit à une augmentation de votre contribution patronale. En effet, vous devrez débourser 18 000 €.

Quelles sont les conséquences de l’augmentation des contributions sociales ?

Qu’il s’agisse de l’employeur ou du salarié, l’augmentation du forfait social engendre un certain nombre de conséquences, dont on ne peut guère prédire l’impact pour l’instant. 

L’entreprise 

Pour l’entreprise, la conséquence principale se rapporte aux ruptures conventionnelles prononcées en faveur de salariés qui n’ont pas droit à une pension de retraite.

La nouvelle contribution sociale de 30 % induit une augmentation importante, qui risque d’affecter en premier lieu les TPE et les PME. A contrario, cette réforme constitue une belle avancée pour pérenniser l’emploi des seniors.

Les salariés 

Sommes-nous en train d’assister à un véritable durcissement des conditions de départ des collaborateurs de l’entreprise ? La question se pose : plusieurs mesures semblent aller dans ce sens :

  • l’augmentation de l’indemnité de rupture conventionnelle pour les salariés non éligibles à une pension de retraite ; 
  • la perte des droits au chômage en cas d’abandon de poste ; 
  • la réduction du délai et du montant de l’indemnisation de l’ARE ; 
  • la volonté d’appliquer un reste à charge de l’ordre de 30 % pour les utilisateurs du CPF.

À méditer…

L’ensemble de ces mesures, dont l’augmentation de l’indemnité spécifique de rupture, vont-elles freiner les projets de reconversion professionnelle et de création d’entreprise ? La nouvelle contribution sociale de 30 % va-t-elle favoriser les licenciements au détriment des ruptures à l’amiable ? Accepter la demande de rupture conventionnelle d’un collaborateur deviendra-t-il un danger économique pour les TPE et les PME ? Le marché français va-t-il souffrir d’un véritable manque de compétitivité, à l’heure où la compétence est mise en péril ? Quid de l’empowerment des salariés ? Est-ce de l’histoire ancienne ? 

Pour l’heure, nous n’avons pas de réponses à nos questions. Laissons l’avenir nous surprendre !

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À propos de l'auteur·e
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Juriste en Droit des Affaires et Content Manager Freelance. Lorsque je ne suis pas occupée à dévorer un roman ou à faire du canicross, j’écris des articles de blog sur l'univers RH (et le droit !)