Projet de loi de partage de la valeur : de quoi s’agit-il ?

Julie
Projet de loi de partage de la valeur : de quoi s’agit-il ?

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Projet de loi de partage de la valeur : décryptage

Le partage de la valeur constitue un pilier essentiel de compétitivité et de justice sociale. Aujourd’hui, différents dispositifs renforcent le lien entre rémunération globale et performance économique, sociale ou, encore, environnementale. En la matière, la France fait partie des pays européens les plus avancés. Entre 2017 et 2020, le nombre de salariés couverts par les dispositifs de partage de la valeur a augmenté de 7,8 %. De plus, sous l’impulsion de la loi du 6 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, les initiatives se sont multipliées afin d’encourager l’intéressement au sein des TPE. Face à une telle évolution, le gouvernement a décidé de prendre le taureau par les cornes, avec le projet de loi sur le partage de la valeur. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Que vaut vraiment ce texte ? Place au décryptage !

Quelles sont les différentes ambitions de ce projet de loi de partage de la valeur ?

Vous le savez, le projet de loi sur le partage de la valeur fait grand bruit depuis quelques mois. Seulement, savez-vous réellement ce que recèle ce projet de loi ? Quelles sont ses dispositions phares ? Ses ambitions ? N’attendons pas plus longtemps et faisons le point.

Comprendre les notions fondamentales

Avant de nous lancer dans l’étude du projet de loi sur le partage de la valeur, revoyons les bases. Prêt ? Définissons 3 catégories d’avantages salariaux triées sur le volet !

  • La participation. Celle-ci offre aux salariés la possibilité de recevoir une partie des profits générés par leur entreprise. Elle est imposée aux entreprises de moins de 50 salariés qui réalisent un bénéfice important.
  • L’intéressement. Il s’agit d’un dispositif qui lie les salariés aux performances de l’entreprise. Cela se traduit par l’octroi d’une prime proportionnelle aux résultats réalisés.
  • Les plans d’épargne. Il en existe différents types, tels que le plan épargne entreprise (PEE), le plan épargne retraite (PER) anciennement Plan Épargne pour la retraite collective (PERCO).

👉 Le Plan d’Épargne Entreprise (PEE) permet aux dirigeants de PME et aux salariés d’investir dans diverses valeurs mobilières.

👉 Le Plan Épargne pour la retraite collectif (PERCO), dispositif d’épargne retraite, n’existe plus que pour celles et ceux qui en ont ouvert un avant le 1er octobre 2019. À présent, le plan épargne retraite (PER) a pris le relais ! 

👉 Depuis l’adoption de la loi PACTE, le plan épargne retraite (PER) est la nouvelle innovation en matière d’épargne retraite.

Renforcer le dialogue social 

L’article Ier du projet de loi prévoit l’obligation d’engager une négociation au niveau des branches au sujet de la révision des classifications avant le 31 décembre 2023, tout en tenant compte des impératifs d’égalité des genres et de mixité des emplois

Cette disposition concerne exclusivement les classifications qui n’ont pas été réévaluées depuis plus de 5 années.

En réalité, il s’agit d’un véritable sujet. Les classifications sont révisées rarement et s’avèrent, bien souvent, périmées. Pour autant, il s’agit d’un véritable outil à destination des salariés, lesquels réclament davantage de clarté concernant l’évolution de leur rémunération.

Ainsi, une classification à jour permettrait d’accroître la transparence et de mettre en lumière les différentes perspectives d’avenir aux collaborateurs de l’entreprise.

Pour rappel, la transparence constitue également le cheval de bataille à l’échelle européenne. En effet, la Commission européenne a adopté une directive en ce sens. Sa mesure phare, l’obligation de mention du salaire dans les offres d’emploi, a été accueillie favorablement.

Faciliter le partage de la valeur au sein des entreprises

Au cœur du projet de loi du gouvernement Borne se trouve la volonté de généraliser le partage de la valeur au sein des entreprises. Prêt ? Décortiquons le noyau dur de cette initiative gouvernementale. C’est parti !

#1 Le dispositif de participation volontaire

Si ce projet fait l’objet d’une promulgation, les entreprises de moins de 50 salariés pourront instaurer volontairement un mécanisme de participation d’entreprise ou de branche.

Avant le 30 juin 2024, une négociation au niveau des branches professionnelles devra être engagée. Pour l’heure, tout accord dérogatoire requiert des avantages équivalents à ce qui est prévu par le législateur.

# 2 L’obligation de mise en place d’un dispositif de partage de la valeur

Outre la participation volontaire, le projet de loi prévoit également l’obligation d’instaurer un système de partage de la valeur. En la matière, l’employeur a l’embarras du choix : participation, intéressement, plan d’épargne salariale ou même une prime dédiée à la distribution de la valeur, etc.

Cette disposition concerne les entreprises :

  • d’au moins 11 salariés ; 
  • de moins de 50 salariés ; 
  • constituées sous forme de société ;
  • non soumises à l’obligation de participation ; 
  • qui réalisent à bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant 3 années consécutives.

# 3 Les bénéfices exceptionnels

Autre mesure, il appartiendra aux entreprises de plus de 50 travailleurs, dotés de délégués syndicaux, d’entamer une négociation en cas de bénéfices exceptionnels.

Cette obligation prendra forme lors de la mise en place ou révision d’un accord sur la participation ou l’intéressement. 

Bon à savoir : les bénéfices exceptionnels de l’entreprise peuvent engendrer un complément de participation, d’intéressement ou, encore, l’ouverture d’une négociation relative à la mise en place d’un nouveau dispositif de partage. 

Si elles disposaient déjà d’un tel accord lors de l’entrée en vigueur de la loi, les structures devront engager des discussions avant le 30 juin 2024 pour définir la notion de « bénéfices exceptionnels » et fixer les modalités de sa répartition.

# 4 La reconduction de la prime Macron 

La distribution de la prime de partage de la valeur (PPV), également connue sous le nom de « prime Macron », est désormais simplifiée !  

À ce titre, les entreprises pourront effectuer un versement, deux fois par an, sans dépasser les plafonds d’exonération.

Il sera également possible d’intégrer cette prime à un produit d’épargne salariale.

Pour les structures de moins de 50 salariés, si un employé perçoit une rémunération inférieure à 3 SMIC, cette prime sera exemptée de charges fiscales et sociales et d’impôt sur le revenu (IR) jusqu’au 31 décembre 2026.

# 5 Le plan de partage de la valorisation de l’entreprise

L’une des innovations relatives au projet de loi sur le partage de la valeur est l’introduction d’un mécanisme appelé « plan de partage de la valorisation de l’entreprise ». 

L’article 7 dudit projet prévoit un système collectif qui s’adresse à l’ensemble des employés dotés d’une certaine expérience au sein de l’entreprise (qui a souhaité mettre en place un tel plan, bien sûr !).

En pratique, le plan de valorisation permettra aux salariés d’obtenir un somme d’argent correspondant à un montant de référence. Il s’agit à la fois d’une façon de récompenser financièrement les collaborateurs d’une structure, mais également d’accroître leur engagement.

Rappelons que ces primes font l’objet d’une exonération des contributions et cotisations sociales, à l’exception de la patronale de 20 %. 

De plus, elles sont également exonérées d’impôt sur le revenu (IR), dans la limite de 5 % des 34 du plafond annuel de la Sécurité sociale, à condition d’être placées sur un plan d’épargne salariale.

De toute évidence, la mise en place de tels plans ne pourra guère être généralisée dans l’ensemble des entreprises. On imagine mal une TPE ou, encore, une PME payer une telle prime à ses collaborateurs… même si ce n’est pas l’envie qui manque. 

Dans le meilleur des cas, cette disposition sera prise d’assaut par les grands groupes. Cependant, sa généralisation à d’autres types de structures semble difficile. 

Simplifier la mise en place de dispositifs de partage de la valeur

Le projet de loi présenté a vocation à faciliter la mise en place des dispositifs de partage de la valeur. En effet, le projet de loi suggère notamment de réaliser des avances sur l’intéressement ou la participation

Si cette idée peut paraître séduisante, mieux vaut l’aborder avec prudence. Eh oui ! Si les résultats et la performance de l’entreprise ne sont pas au rendez-vous, comment cela va-t-il se passer en pratique ?

L’employeur devra-t-il faire une demande de remboursement auprès de ses salariés ? Si tel est le cas, je n’aimerais pas voir la tête des salariés concernés.

Visiblement, cette disposition présente des failles. Ou peut-être manque-t-elle simplement de clarté. 

Seule la pratique nous en apprendra davantage.

Développer l’actionnariat salarié

Quatrième ambition (et pas des moindres !) du projet de loi du gouvernement, le développement de l’actionnariat salarié

Le projet de loi vise à stimuler l’actionnariat salarié, grâce à l’augmentation du pourcentage de capital accessible aux collaborateurs de l’entreprise : 

  • Le cas des PME. En l’occurrence, cette part serait portée à 15 % contre 10 %.
  • Le cas des ETI et les grandes entreprises. La fraction de capital accessible serait de 20 % contre 15 %.

En sus, les entreprises auront l’obligation d’inclure une offre de fonds responsables en matière de placements sur les PEE et les PER.

Pour les entreprises, l’actionnariat salarié peut s’ériger en véritable opportunité. Puisqu’ils s’impliquent davantage dans le fonctionnement de l’entreprise, les salariés seront ainsi plus engagés et, par extension, plus productifs.

Le projet de loi sur le partage de la valeur, une fausse bonne idée ?

À première vue, l’initiative gouvernementale semble intervenir dans l’intérêt des travailleurs français. Pour autant, les avis divergent à ce sujet. 

Quand certains voient un « complément de rémunération et un challenge pour les salariés », d’autres craignent que les mesures prescrites tendent au « contournement des salaires ». Autrement dit, ils craignent que l’ensemble des dispositifs prescrits soient mis en place au détriment de l’augmentation des salaires. 

En effet, la défiscalisation peut notamment soulever une telle question. Si les entreprises sont exemptées de charges sociales et fiscales, on ne peut le nier : le versement d’une prime semble d’autant plus intéressant que l’augmentation de la rémunération d’un collaborateur. Car, oui, qui dit augmentation, dit hausse des charges patronales.

Aujourd’hui, où en est-on avec le projet de partage sur la valeur ? Bonne (mauvaise ?) nouvelle ! L’Assemblée nationale a amendé puis adopté le projet de loi sur le partage de la valeur en première lecture, le 29 juin 2023. Désormais, c’est au tour du Sénat de s’y atteler. Pour l’heure, aucune information n’a été communiquée à ce sujet. En attendant, il ne nous reste plus qu’à suivre le processus législatif avec attention. 

À l’heure où les réformes se sont succédé au détriment du salariat (réforme des retraites, abandon de poste, rupture conventionnelle), ce texte a toutes les chances d’être bien accueilli par les travailleurs et les entreprises. Espérons seulement qu’il ne soit pas détourné de son but, à des fins d’optimisation fiscale.

Affaire à suivre…

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À propos de l'auteur·e
Julie
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Juriste en Droit des Affaires et Content Manager Freelance. Lorsque je ne suis pas occupée à dévorer un roman ou à faire du canicross, j’écris des articles de blog sur l'univers RH (et le droit !)