Les TPE/PME, c’est 99% des entreprises en France, d’après l’INSEE.
Mais, sans compter les micro-entreprises*, (96,3%), la part des PME dans l’ensemble des entreprises est de 3,5%.
Toutefois, elles emploient 4,3 millions de salariés (en équivalent temps plein - ETP) et réalisent 23 % de la valeur ajoutée de l’ensemble des entreprises (1).
Et même si elles sont plus discrètes dans les médias que les grands groupes, elles sont au cœur de l’économie française.
Pourtant, elles ont de grosses problématiques de recrutement : 87 % d’entre elles rencontrent des difficultés pour trouver le bon candidat (2).
Pour mieux comprendre quels sont les défis qui composent ce problème, et les solutions que l’on peut activer, nous avons enquêté et demandé à deux expertes leurs avis sur la question :
Laurine BLANDIN est consultante en gestion de restaurant. Laurine accompagne les restaurateurs dans leur développement grâce à la mise en place de meilleures pratiques de gestion, de stratégie et de management au sein de leurs établissements.
Valbona ALIBEJ, est HRBP chez OneStock, une solution logicielle de gestion des stocks qui a récemment levé 72 millions pour son développement à l’international. Son métier la rend particulièrement experte des enjeux de recrutement et développement RH dans un contexte de croissance.
À travers ces deux portraits, nous vous proposons de regarder de plus près ce qui fait la richesse de notre tissu économique, leurs enjeux, leurs défis et d’essayer de trouver des leviers à ce qui est désormais une véritable bataille : le recrutement des meilleurs talents quand on est une PME.
*au sens de la catégorie d’entreprises ne doivent pas être confondues avec les micro-entrepreneurs (anciennement auto-entrepreneurs). (1)
Mais c’est quoi, au fait, une PME ?
Le décret d’application (n°2008-1354) de l’article 51 de la loi de modernisation de l’économie, nous précise que (3) :
La TPE (très petite entreprise) compte moins de 10 salariés. Elle réalise un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 2 millions d’euros.
La PME (petite et moyenne entreprise) compte moins de 250 salariés. Elle réalise un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 50 millions d’euros ou un bilan inférieur ou égal à 43 millions d’euros.
La start-up, quant à elle, expérimente son business model de par la nature innovante de son produit, tandis que l’entreprise vit sur l'optimisation d'un business model et une organisation avérées dont elle tire un maximum de profit.
Un mot, mais plusieurs réalités
Maintenant que nous avons vu les définitions, intéressons-nous en détail à ces fameuses PME.
On pourrait croire que ces entreprises sont plus ou moins identiques, mais pas du tout :
- Leurs activités sont hétérogènes : Pour un tiers d’entre elles, leur activité principale est tournée vers les services, tandis que 27 % exercent dans le commerce, 17 % dans l’industrie et 17 % dans la construction.
- Leurs croissances sont diverses : L'indice de chiffre d'affaires cumulé (ICAC) indique une hausse de CA de 2,7% sur 2023, mais cache des disparités fortes par exemple :
- 15,9 % de baisse cumulée de CA sur l'année 2023 par rapport à l'année 2022 pour le secteur des agences immobilières
- +8,8 % pour l'hôtellerie et +4% pour la restauration
Bref, les statistiques montrent la diversité des PME, qui bien que regroupées sous une même dénomination, peuvent avoir des enjeux, des chiffres d'affaires et des activités radicalement différents. Pas de généralisation donc !
Cependant, c’est intéressant de noter qu’il y a un sujet qui rallie absolument toutes les PME de France.
Un sujet épineux, qui laisse parfois les acteurs démunis : les difficultés de recrutement.
Des problèmes en commun
50% des PME ont besoin de recruter et 87% ont du mal à trouver le bon candidat en 2023. (2)
Le sujet fait donc l’unanimité.
Les raisons invoquées à ces difficultés ?
- L’absence de candidat (37% n’ont reçu aucune candidature) (2)
- L’inadaptabilité des profils (plus de 50% des interrogés)
Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous.
Alors, on fait le point en détail car en fait ces chiffres cachent une réalité polymorphe, complexe.
Des entreprises hyper locales de 3 personnes, mais aussi des entreprises de pointe de l’IT.
On comprend que chacun fait face à des difficultés de recrutement, mais qu’ils n’ont pas tous les mêmes leviers pour y répondre.
Vision d’ensemble des principaux défis du recrutement par typologie de contexte/structure
Voici les principaux enjeux que rencontrent les PME pour recruter.
Des défis structurels
Des implantations géographiques parfois compliquées
Zone rurale, désertification de certaines régions, pôles d’activité excentrés… Dans plus d’un tiers des cas, les difficultés d’implantation géographique sont évoquées par la direction de PME pour expliquer les enjeux de recrutement.
Un manque de compétences métiers
La difficulté à trouver des profils compétents est forte - et c’est aussi valable pour les métiers manuels (ouvriers, techniciens). D’ailleurs, ces derniers arrivent en tête des emplois les plus durs à pourvoir depuis 5 ans. (4)
Les métiers que nous recrutons, notamment les développeurs, sont des fonctions pénuriques. On se bat pour avoir les meilleurs, et on doit redoubler de créativité dans nos stratégies pour y arriver”. Valbona
Des métiers parfois difficiles
Dans certains secteurs, les conditions de travail restent opérationnelles et cela peut faire peur. Par exemple, en restauration :
“Même si on peut avoir l’impression d’une glamourisation du métier, notamment grâce à des émissions populaires comme Top Chef, l’environnement du restaurant reste challengeant et physique”. Laurine
Des moyens parfois limités
Un patron de PME dans le secteur bancaire témoigne, sur le site de la BPI en 2018 :
“Je risque de me faire dépouiller par les grandes banques. Elles débauchent mes gars pour 30 000 euros de plus, je ne peux pas m’aligner.” (6)
En 2023, la CPME explique :
"Ce phénomène impacte sévèrement le chiffre d’affaires des PME et 64% des entreprises interrogées sont contraintes de renoncer à des marchés ou de réduire leur activité." (2)
Des défis d’image et de marque
La notoriété
Très souvent, les PME font face à un double enjeu : le manque de visibilité ET la forte concurrence en termes d’image de la part des ETI et Grandes Entreprises. La majorité des PME sont méconnues et le premier enjeu consiste donc à attirer l’attention des candidats potentiels, surtout en tension du marché.
Un patron de PME dans le secteur bancaire témoigne, sur le site de la BPI :
“Les meilleurs (candidats, NDLR) ne veulent pas venir chez nous. Ils visent les grandes banques. Je ne suis pas assez incontournable. La marque, ça joue beaucoup.”
Le manque de marketing RH
Très souvent, les PME savent vendre leurs produits mais pas leur propre entreprise pour attirer des talents par ailleurs très disputés. Pourtant, elles ne manquent pas d’attraits mais ont du mal à construire une marque employeur forte pour convaincre les talents de les rejoindre.
Des clichés coriaces
On peut parfois voir les PME comme des entreprises peu dynamiques, un peu poussiéreuses pour certains. Là encore, il s’agit d’un enjeu de marketing et d’image : il faut déconstruire les préjugés et montrer la réalité du tissu économique des PME, où l’innovation est en fait forte.
Pourtant, les PME ne manquent pas d’atouts et de dynamisme :
- One Stock fait ainsi face à un fort dynamisme, nous raconte Valbona : levées de fonds, innovation, ouverture de son marché et croissance forte, l’entreprise fait face à un dynamisme qui est aussi, en soi, un défi.
- Laurine explique de son côté que depuis quelques années, il y a de plus en plus de patron(ne)s de restaurant avec un profil plutôt “entrepreneur” en reconversion vers la restauration, là où auparavant, il y avait uniquement des profils issus d’écoles spécialisées.
Alors, que fait-on ?
Pistes d’actions en recrutement spécifiques à votre environnement
Dans un contexte comme celui que l’on vient d’évoquer, il est crucial de travailler sur plusieurs points : l’attractivité, la fidélisation des collaborateurs en place, et la professionnalisation du recrutement.
1 - Développer son attractivité : Construire une stratégie de marque employeur
Pour faire face à leur déficit de notoriété ET à une guerre des talents toujours plus forte, les PME ont à leur disposition une arme redoutable : la marque employeur.
Une marque employeur forte et positive attire les talents, améliore la rétention des employés, et permet de se démarquer. C’est donc un levier stratégique.
Et ça, certains restaurateurs l’ont bien compris :
“Utilisation des réseaux sociaux, coulisses du restaurant en story, présentation des employés, certains restaurants sont très innovants sur leur communication pour attirer les talents.” Laurine
Valbona explique quant à elle que One Stock a bien compris l’importance de construire une politique de marque employeur forte :
“Nous nous sommes formés à l’utilisation de LinkedIn et à la marque employeur. Car si nous avons des concurrents, rendre visible notre culture d’entreprise, notre mindset à travers nos contenus est important pour projeter les futurs talents de l’entreprise.” Valbona
2 - Professionnaliser le recrutement
Pour les PME, le recrutement est parfois une inconnue. On fait, en croyant bien faire, mais on commet des erreurs qui peuvent coûter cher.
“Il est fondamental de travailler son process de recrutement pour qu’il soit le plus efficace possible. Par exemple, j’accompagne régulièrement des restaurateurs pour optimiser leurs annonces d’emploi afin qu’elles soient plus attractives pour les candidats, mais aussi sur le parcours de formation des collaborateurs ou sur les avantages et primes qui peuvent être proposés. Il faut considérer tous les aspects de la promesse pour attirer et retenir les meilleurs talents.” Laurine
“Le process de recrutement doit être court, organisé et optimisé. Chez nous, nous avons un processus bien structuré. Le recruteur chasse les candidats, réalise les premiers entretiens, et travaille main dans la main avec le manager opérationnel qui va réaliser un 2ème entretien puis un test technique. Enfin, le candidat est amené à rencontrer les équipes. Ce process, que nous avons amélioré au fil du temps, nous permet d’avoir de bons résultats.” Valbona
3 - Ouvrir ses chakras
Dans un contexte de pénurie de talents, ouvrir ses chakras en matière de profil est un levier pour les PME.
En d’autres termes : on ne peut plus se permettre d’exiger le mouton à 5 pattes, et de passer des mois à chercher une ressource qui n’existe pas.
Cela ne veut pas dire qu’il faut baisser le niveau d’exigence, car "les compétences techniques restent importantes" rappelle Valbona, mais qu’il faut ouvrir sa recherche à des profils différents, à potentiel, et parfois atypiques, pour remporter la fameuse guerre des talents.
Et pour cela, considérer les soft skills dans son processus d’évaluation.
Laurine nous confirme :
“Ce que je remarque, c’est plus de recherche de collaboration avec les employés, loin du cliché qui dit que l’on cherche surtout des exécutants obéissant en restauration. En réalité, les soft skills sont très importantes : organisation, esprit “business”, coopération… Et puis, les générations changent,il n’y a plus les mêmes personnes sur le marché, et pas les mêmes personnes qui recrutent : on doit être capable de recruter des profils de tout type et adapter son process à cette réalité.” Laurine
Une tendance qui est confirmée par les patrons de PME interrogés par la BPI :
“Je n’ai pas besoin d’un centralien ou d’un énarque”, nous dit l’un d’entre eux, travaillant dans l’agroalimentaire “j’ai besoin de gens qui veulent adhérer au projet, avec une réelle envie.”
Toutes ces pistes sont fondamentales pour rester compétitif sur les enjeux de recrutement. Et elles viennent compléter une autre stratégie.
4 - Soigner la rétention des collaborateurs
Recruter, c’est bien. Mais si tous les collaborateurs partent les uns après les autres, on remplit un panier percé. Ainsi, l’enjeu de la rétention des talents apparaît comme évident dans la stratégie des PME.
Pourtant, la BPI souligne que les leviers utilisés pour garder les salariés sont parfois faibles : seuls 39% des PME mettent en place des moments de partages en équipe (réunions, séminaires) et 14% ont revu leurs pratiques managériales pour qu’elles soient plus innovantes.
L’observatoire du bien-être au travail mené par United Heroes en 2023 souligne d’ailleurs que, dans le top 3 des attentes des collaborateur porte sur la flexibilité en interne (43 %) et les conditions de travail.
C’est ce qu’ont compris certains restaurateurs.
“Mes clients ont une recherche active de faciliter la vie de l’employé, ils veulent trouver des solutions, et mettent en place des choses, notamment sur planning, qui est un gros enjeu pour les équipes en restaurant.” Laurine
“Nous avons un plan de people review qui permet d’accompagner les collaborateurs, que ce soit pour identifier les potentiels ou les personnes qui ont besoin de formation par exemple. Nous valorisons également les mobilités internes et la culture du feedback. Tout cela permet de créer un environnement pour que les gens restent et évoluent chez nous.” Valbona
5 - Parier sur les jeunes générations et les seniors
Pour les PME, accueillir des alternants et établir des partenariats avec des écoles offre sont des leviers importants : cela permet de détourner les tensions sur le marché en co-construisant le parcours de l’alternant au sein de sa structure, tout en espérant qu'ils restent après leurs études, réduisant ainsi le turnover. Et puis, collaborer avec des écoles améliore l'image de l'entreprise et son attractivité.
Valbona nous explique que One Stock est très actif sur le sujet des partenariats école.
Elle indique aussi :
"Pour que cela se passe le mieux possible, on a formé tuteurs de stages et les managers au management des alternants. Le tuteur fait office de référent technique mais ne manage pas l’alternant directement. Cela permet à l’alternant d’avoir un parrain, et c’est aussi intéressant du côté du tuteur car cela développe ses compétences.” Valbona
De même, pour répondre à ces difficultés de recrutement, la CPME réclame des mesures incitatives à l’embauche de salariés seniors. (2)
Le conseil en plus : se structurer… et se faire aider
Nous le voyons, il existe plusieurs leviers puissants pour réduire l’impact des difficultés auxquelles sont confrontées les PME. Pour que cela fonctionne, il est important que les différentes solutions soient organisées et structurées. One Stock a ainsi, sous l’égide de Valbona, mené des politiques en interne sur le long terme.
Et comme toutes les entreprises n’ont pas les mêmes niveaux de maturité et de compétences sur les sujets de recrutement ou de stratégie RH, nous pensons que les PME ont tout à gagner à s’entourer de partenaires dont c’est l’expertise. Des personnes comme Laurine, qui intervient pour accompagner les restaurateurs, des cabinets de recrutement qui ont des viviers qualifiés et une technique de recrutement aguerrie, ou encore des consultants RH qui vont intervenir sur des sujets précis de la politique RH permettant d’apporter des solutions.
Conclusion
En résumé, les PME, qui sont en fait un paysage plus hétéroclite que ce que l’on croit souvent, font face à des enjeux de recrutement très forts.
Mais elles ont aussi de nombreux leviers à exploiter, notamment en termes d’image et d’organisation.
En d’autres termes, il faut à la fois renouveler la représentation des PME car elles sont victimes de certains préjugés, et faire de sa petite taille un avantage en profitant de l’agilité que cela permet.
Enfin, il est fondamental, dans un contexte de guerre des talents, de mettre les moyens pour professionnaliser ses process de recrutement.
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Sources :
- Petites et moyennes entreprises (PME, hors microentreprises) - INSEE
- Emploi : les difficultés de recrutement des petites et moyennes entreprises, effet pervers de la baisse du chômage - France Info
- Comment sont classées les entreprises ? - economie.gouv.fr
- Difficultés de recrutement : la solution 100 % PME pour faire face à la pénurie de Talents - Manpower
- L’observatoire du bien-être - United Heroes
- Etude : Attirer les talents dans les PME et ETI - BPI