Ces dernières années, nous observons de plus en plus de recruteurs qui revendiquent avoir un rôle de Coach vis-à-vis de leurs candidats et aussi des managers qu'ils accompagnent dans le recrutement.
C'est une posture qui peut effectivement faire la différence.
Cependant, il est primordial de clarifier ce qu’est le Coaching, ce qu’il n’est pas et quelles pratiques peuvent concrètement s’inscrire dans votre quotidien recruteur.
Le coaching : conduire d’un point A à un point B
Le coaching consiste à accompagner un individu ou un groupe en vue de générer des prises de conscience, pour ensuite faire éclore des solutions et des stratégies, et finalement aider à la mise en place d’un plan d’actions.
En résumé, le Coach ne donne pas les réponses, il guide son Coaché pour qu’il trouve SES propres clés.
Le coaching :
❌ ce n’est alors ni du consulting,
❌ ni du conseil,
❌ ni du mentorat,
❌ ni de la formation.
C’est une posture à part entière, des méthodes, une pratique basée notamment sur le questionnement, l’écoute active et la reformulation, ou encore le feedback.
Comprenez que, ce métier est cadré par une déontologie claire et l’on ne peut donc pas - normalement - s’inventer Coach du jour au lendemain. Des formations et des fédérations existent.
En revanche, il y a certains principes qui peuvent vous inspirer pour une posture plus d'accompagnement vis-à-vis de vos candidats et de vos partenaires, et c’est ce que je vous propose de découvrir à travers cet article.
Les valeurs au service de la culture d’entreprise
L’adéquation entre les valeurs de l’entreprise et les valeurs personnelles arrive en première position des facteurs recherchés par les candidats français selon l’enquête « What Job Seekers Wish Employers Knew » menée par Boston Consulting Group et Cadremploi en 2023.
Chaque individu possède des valeurs qui lui sont propres, agissant comme un moteur dans ses choix de vie et ses comportements.
Selon les travaux de Frédéric Hudson, Coach et Professeur à l’université de Columbia, les valeurs donnent du sens à nos actions.
Elles sont d’autant plus importantes, puisqu'elles nous poussent à agir et nous avons tendance à les mobiliser en phase de changement, afin de nous mettre en énergie.
Toute valeur se manifeste par un nom et se concrétise par des actions.
Je vous propose alors une réflexion sur ces points :
- Qu’est-ce qui a motivé la création de votre entreprise ?
- Qu’est-ce qui ne ressemble pas à votre entreprise ? Quel est son opposé ?
- Quelles idées / principes défendez-vous ?
- Qu’aimeriez-vous transmettre autour de vous ?
- Qu’est-ce qui est aujourd’hui fondamental pour votre entreprise ?
- Par quelles actions chaque valeur est-elle honorée ?
La prise de conscience des croyances pour gagner en objectivité
Une croyance correspond à une affirmation que nous considérons comme étant vraie. Elle constitue un point de repère pour nous, rendant notre vision du monde plus stable. Ça nous rassure en quelque sorte !
C’est une ressource positive lorsque nous n’avons pas de réponse à quelque chose.
C’est pourquoi, lorsqu’elle est exprimée, il est indispensable de ne pas tomber dans le jugement et de garder une neutralité bienveillante, propre à la posture de Coach.
Elle peut agir comme un filtre de la réalité, amenant à percevoir "sa réalité" à travers le prisme de ses convictions et ainsi restreindre ses possibilités. On parle alors de croyance limitante.
Quelques exemples :
- Un Manager qui vous dit « Je ne veux pas recruter de jeunes, ils sont tous feignants. »
- Une Cliente qui vous dit « Tous les candidats qui ont obtenu leur diplôme dans l’école X sont les meilleurs, alors c’est un critère indispensable pour moi. »
- Ou bien quand vous vous dites à vous-même « Les trous dans un CV traduisent toujours un manque de stabilité, alors j’évite d’appeler ces candidats-là. »
Voici une série de questions qui peut vous aider à prendre conscience ou faire prendre conscience de croyances :
- Question : Quels éléments vous permettent d'affirmer ça ?
Réponse possible : « On m’a dit que… » / « C’est ce que tout le monde pense… » / etc…
- Question : Selon vous, est-ce que d'autres personnes ont une opinion différente ?
Réponse possible : « Oui, c’est probable… »
- Question : Et qu’est-ce que vous en pensez, vous ?
Ce simple questionnement pourra susciter des réflexions.
Les questions ouvertes et la reformulation en entretien
La plupart du temps, nous avons tendance à utiliser des questions fermées.
Pourtant, la question fermée appelle une simple réponse par oui ou par non, quand la question ouverte, elle, appelle des détails, du concret, des explications.
Ça tombe bien, c’est ce dont nous avons besoin pour évaluer des compétences en entretien.
Vous pouvez ainsi varier entre des questions dites comportementales, tournées vers l'expérience et une situation donnée, ou des questions situationnelles, orientées vers le futur. Puis coupler avec la reformulation.
2 exemples de question fermée VS ouverte :
- Comportementale
Fermée : Est-ce que vous êtes à l’aise pour gérer des clients insatisfaits ?
Ouverte : Racontez-moi une fois où vous avez dû gérer une insatisfaction client
- Situationnelle
Fermée : Vous savez travailler en équipe ?
Ouverte : Comment vous y prendriez-vous si nous vous confions la mission x en équipe ?
La reformulation et ses effets :
- Effet de précision : suscite le réajustement et l’approfondissement des informations et des connaissances.
- Effet d'apaisement : le sujet a le sentiment de conserver la maîtrise de son propos. Il éprouve de la confiance dans la mesure où il sait qu'il n'est pas jugé.
- Effet de réflexion et d'apprentissage : le sujet entend ce qu'il dit en miroir et l'entendant, il comprend son propos d'une autre manière.
Ces méthodes sont des composantes de l’entretien structuré, qui demeure aujourd’hui LA méthode la plus fiable en recrutement, en se positionnant à la première place des méthodes les plus prédictives, selon une étude parue en décembre 2021 dans le Journal of Applied Psychology, « Revisiting Meta Analytic Estimates of Validity in Personnel Selection Addressing Systematic Overcorrection for Restriction of Range ».
Les attitudes de Porter pour améliorer ses relations
Les travaux de Porter, psychologue américain, ont permis de caractériser les qualités d'une personne « empathique ».
En utilisant son approche, on peut déterminer la meilleure attitude à adopter selon le type d'interaction, de manière à se connecter avec son interlocuteur et à améliorer l'efficacité de la relation.
Porter a catégorisé les différentes attitudes de la plus « centrée sur soi » à la plus « centrée sur l’autre ».
Tour d’horizons des attitudes possibles :
- Le jugement :
Attitude liée à une perspective morale personnelle qui peut être critique envers les autres.
- L’interprétation :
Attitude caractérisée par la recherche d'un sens caché derrière les paroles de l'interlocuteur, au risque d’opérer une distorsion.
- Le soutien :
Attitude consistant à manifester de la sympathie, de l’adhésion émotionnelle ou intellectuelle, de la compassion.
- Le conseil :
Attitude visant la suggestion de solution à un problème, à partir de sa propre analyse ou de sa propre expérience.
- L’investigation :
Attitude incluant du questionnement pour en savoir plus, pour vérifier des intuitions.
- L’empathie :
Attitude portée par la compréhension de l’autre, en se mettant à sa place, dans une démarche bienveillante.
En coaching, la posture idéale doit être celle qui vise la compréhension.
Conscientiser ses attitudes et savoir les doser en fonction de ses interlocuteurs : c’est un premier pas vers une meilleure communication.
Bonus & Conclusion :
En fin de compte, le rôle du recruteur ne se limite pas simplement à la sélection de candidats, mais peut également inclure une dimension de coaching pour offrir un accompagnement personnalisé.
Ça commence avec l’art du feedback pour une meilleure expérience candidat, en suivant la fameuse méthode DESC, clairement expliquée par Luc Glinche dans son article début 2023.
Ça peut se creuser avec un des présupposés de la PNL : « La carte n’est pas le territoire ».
Alfred Korzybski, philosophe, scientifique et expert des services de renseignement, a proposé le modèle mental "la carte n’est pas le territoire" qui a marqué l'histoire de la psychologie. Ce modèle permet de distinguer notre perception personnelle du monde (représentée par une carte) de la réalité véritable (le territoire). Ce conseil est crucial pour éviter la confusion et les malentendus lors de nos interactions avec les autres.
René Magritte, célèbre artiste surréaliste, a également joué avec cette idée dans son œuvre incontournable "Ceci n’est pas une pipe". En effet, cette peinture représentant une pipe ne peut être considérée comme une pipe en soi, mais plutôt comme une représentation picturale de celle-ci.
En résumé, cette philosophie nous rappelle l'importance de ne pas être limité par notre propre perception de la réalité et de garder l'esprit ouvert pour comprendre les perspectives des autres. Cette leçon est plus pertinente que jamais dans notre monde moderne, où les différences culturelles et individuelles sont de plus en plus présentes dans notre quotidien.