Il est 11h23.
Michel est tranquillement installé dans son bureau, parcourant le menu de la cantine sur l’intranet, quand sa DRH déboule dans son bureau dans un diable sortant de sa boîte. Michel sursaute mais il n’est pas au bout de ses surprises..
“Michel, j’ai entendu parler d’une loi à venir sur la transparence des salaires. Comment ça se fait qu’on n’a pas encore commencé à travailler là-dessus ? Prépare-moi une note pour que tu m’expliques ce qu’on attend de nous et ce qu’on doit faire.”
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Elle ressort aussi vite qu’elle est entrée.
Michel est scotché. D’abord, c’est la première fois depuis des semaines qu’il n’y a pas d’œuf mayo à la cantine, ce qui le perturbe déjà un peu. Puis, Michel est frustré. Voilà deux ans qu’il alerte sa DRH sur ce sujet sans succès, mais maintenant c’est l’actualité qui s’en charge. Le projet devient plus concret et le temps presse. D’un côté, c’est rassurant que l’on enclenche enfin un début de réflexion, mais de l’autre, il faut maintenant se mettre au travail.
Au départ, il était question de la transposition d’une directive européenne sur la transparence des salaires dans la loi française d’ici juin 2026. Le temps semblait long, et la pression pas encore palpable. Mais voilà, les choses s’accélèrent et on parle d’une loi pour la fin d’année 2025. Les entreprises commencent à réaliser l’urgence du sujet.
Il est grand temps de passer à l’action.
Michel attaque la rédaction de la note sur la transparence des salaires
La directive européenne sur la transparence salariale introduit de nouvelles obligations pour renforcer l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Elle vise à rendre plus transparent le processus de rémunération et à éliminer les écarts injustifiés.
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Voici les principaux attendus de la directive :
- Transparence dès le recrutement : Fini le temps des offres d’emploi qui cachent la fourchette salariale comme un secret d’État. Désormais, il faudra afficher la fourchette de salaire dès l’annonce du poste. Pourquoi ? Parce que tout le monde mérite de savoir à quoi s’attendre, dès le départ.
- Interdiction de demander l’historique salarial : C’est terminé, la question fatidique lors de l’entretien du type « Quelle est votre rémunération actuelle ? » Cette information ne doit plus entrer en ligne de compte. Les inégalités salariales historiques ? On les laisse derrière nous.
- Communication des critères de rémunération : Désormais, les employeurs devront être clairs et communiquer les critères objectifs utilisés pour déterminer les salaires et les augmentations. Que ce soit la performance, l’ancienneté, ou les responsabilités, tout doit être transparent. Ce qui permet à chaque salarié·e de savoir exactement ce qu’il ou elle doit viser pour obtenir une augmentation.
- Droit individuel à l’information : Désormais, chaque salarié·e pourra demander à connaître la rémunération moyenne à poste équivalent, ventilées par sexe. Voilà de quoi mettre un terme aux frustrations et offrir une vue d’ensemble plus juste. Chaque année, l’entreprise devra rappeler ce droit, histoire de maintenir tout le monde dans la boucle.
- Correction des écarts injustifiés : Si un écart de rémunération supérieur à 5 % entre femmes et hommes est détecté pour un poste équivalent, et qu’aucune justification ne peut être apportée, l’entreprise devra agir. Cela implique une analyse conjointe avec les représentant·es du personnel, la mise en place de mesures correctives et la documentation de chaque étape pour assurer une traçabilité en cas de contrôle. Ce sera à l’entreprise de démontrer que tout est fait pour maintenir une rémunération équitable.
- Fin du secret salarial : C’est un nouveau monde qui s’ouvre : les entreprises ne pourront plus interdire à leurs salarié·es de discuter de leur rémunération. Cette mesure vise à casser le tabou autour des salaires et à instaurer une plus grande transparence pour que chacun puisse avoir une idée claire de sa position et des raisons qui expliquent son salaire.
- Inversion de la charge de la preuve : En cas de différend, c’est l’employeur qui devra prouver que les écarts de rémunération sont justifiés par des critères objectifs et non discriminatoires. Autrement dit, si un salarié·e se plaint d’une différence de salaire, ce sera à l’entreprise de justifier cette différence. C’est une inversion de la charge de la preuve qui vise à protéger les salarié·es contre toute discrimination salariale.
- Reporting périodique pour les grandes entreprises : Les entreprises de plus de 50 salarié·es vont devoir publier chaque année un rapport détaillant les écarts de rémunération entre femmes et hommes. Ce rapport, à partir de 2027, inclura des données sur les écarts moyens et médians de rémunération, les quartiles et les résultats d’éventuelles évaluations conjointes. Il sera transmis à l’autorité nationale compétente et publié, avec certaines données agrégées pour protéger la confidentialité des salarié·es. Cela va permettre de mieux comprendre les inégalités et de les corriger à grande échelle
- Sanctions en cas de non-conformité : Et si l’entreprise ne joue pas le jeu ? Sanctions ! Amendes, exclusions des marchés publics, ou encore indemnisation des salarié·es lésé·es. Autant dire que la transparence salariale ne sera pas une option mais bien une obligation, et les entreprises qui ne respecteront pas les exigences risquent de voir leur réputation et leurs finances en prendre un coup.
« Sacrée changement culturel » se dit Michel en se grattant la tête. Il sent que ça ne va pas plaire à sa DRH. Pour éviter qu’elle fasse une syncope il complète sa note avec une proposition de Plan d’Action pour la COGIP afin de se projeter dans l’action dès maintenant.
Le plan d’action de Michel pour se conformer à la directive sur la transparence salariale
Pour se conformer aux nouvelles obligations imposées par la directive européenne sur la transparence salariale, et garantir une répartition plus équitable des rémunérations, voici les actions essentielles à mener dès aujourd’hui :
1. Définir une politique de rémunération claire et formalisée
- Clarifier les règles d’attribution et d’évolution des salaires sur des bases objectives (compétences, ancienneté, performance, responsabilités, etc.).
- Documenter les critères de rémunération, y compris pour les primes et variables, pour assurer la transparence et éviter toute discrimination.
- Appliquer ces règles de manière uniforme pour garantir une égalité de traitement et une évolution salariale équitable.
2. Structurer les niveaux et les grades
- Formaliser les familles de métiers et les niveaux de responsabilité pour chaque fonction dans l’entreprise.
- Mettre en place des outils de classification non discriminatoires permettant de comparer les emplois de valeur équivalente et garantir une cohérence interne des rémunérations.
3. S’assurer de la qualité et de la fiabilité des données RH
- Vérifier et mettre à jour régulièrement les données : rémunération, classification, ancienneté, genre, type de contrat, etc., pour garantir leur fiabilité.
- Utiliser un SIRH robuste (Système d’Information Ressources Humaines) capable de produire les reportings demandés par la directive et d'assurer une gestion optimale des données salariales.
4. Impliquer les représentant·es du personnel
- Anticiper le dialogue social en préparant les discussions sur la politique de rémunération, afin d'intégrer les points de vue des salariés.
- Préparer les évaluations conjointes en cas d'écarts injustifiés de rémunération entre les sexes, et garantir des actions correctives lorsque nécessaire.
5. Former les équipes RH et managers
- Former les équipes RH et les managers aux nouvelles obligations légales concernant la transparence salariale, pour sécuriser les pratiques de recrutement, de révision salariale et la gestion des augmentations.
- Sensibiliser les managers à l’importance de la transparence salariale pour mieux expliquer les décisions et rassurer les équipes.
6. Adapter la gestion des variables et des primes
- Revoir les critères d’attribution des primes et des composantes variables pour garantir leur objectivité et leur cohérence avec les critères de performance.
- Formaliser les processus d’évaluation liés aux variables afin d’éviter la création d’écarts de rémunération injustifiés ou difficiles à justifier.
7. Assurer la traçabilité documentaire
- Archiver les analyses des écarts de rémunération entre les sexes et la documentation des actions correctives engagées.
- Conserver une trace des réponses aux demandes individuelles concernant les rémunérations et l’égalité salariale pour justifier la conformité aux obligations légales en cas de contrôle.
8. Préparer la communication interne et externe
- Adapter les offres d’emploi pour y inclure des fourchettes salariales transparentes, afin que les candidat·es connaissent les rémunérations dès le début du processus de recrutement.
- Construire un discours clair et cohérent sur l'engagement de l'entreprise en matière de transparence salariale et d’égalité entre les sexes, à partager tant en interne qu’en externe.
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Michel se dit qu’il a du pain sur la planche.
C’est vrai que ça fait beaucoup d’un coup. Dans un monde idéal, ces obligations seraient venues progressivement. Mais une fois la loi votée, il faudra faire avec. Et si, pour une fois, ce défi devenait une opportunité pour la COGIP ?
La transparence salariale : voilà un joli casse-tête qui s’annonce. Mais Michel a bien compris : loin d’être un frein, c’est une vraie opportunité pour renforcer l’équité salariale et donner un coup de neuf à la gestion des rémunérations. Certes, les obligations de la directive européenne peuvent sembler lourdes, mais elles représentent avant tout un levier stratégique. En adoptant une approche proactive dès maintenant, la COGIP ne se contentera pas de se conformer à la loi ; elle gagnera aussi la confiance de ses salarié·es.
Une gestion transparente des rémunérations devient un atout majeur pour fidéliser les équipes et attirer de nouveaux talents dans un environnement plus juste et équitable. Michel le sait bien : transparence et égalité sont des valeurs fortes qui séduisent les équipes. "La rémunération n’est pas qu’une question d’argent, comme dirait l’autre."
La question n’est pas simplement d’appliquer la loi, mais de saisir cette occasion pour faire évoluer l’entreprise et donner un vrai sens à cette transparence salariale. "Vendu comme cela, ça passera mieux auprès de la direction", se dit Michel avec un petit sourire en coin.
Finalement, Michel voit ce défi comme une occasion de redéfinir les règles du jeu.
La transparence salariale peut être un levier stratégique pour renforcer l’attractivité de l’entreprise, séduire de nouveaux talents et améliorer la rétention des équipes existantes.
Parce qu’au fond, la rémunération ce n’est pas qu’une question d’argent.