Mesurer la satisfaction des candidats

Oriane Santhasouk
Mesurer la satisfaction des candidats

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Dans cet article, je partage mon expérience et mon cheminement personnel sur la mesure de la satisfaction des candidats dans le processus de recrutement.

Je voulais pouvoir dire au manager : “Tu vois, ça, il faut arrêter de le faire.”

Ce qui m’a poussée à mettre en place des questionnaires de satisfaction des candidats ?

Un des managers avec qui je travaillais.

Il était toujours en retard.

Les candidats avec qui il avait rendez-vous pour des entretiens l’attendaient. C’était systématique.

5 - 10 minutes, et parfois jusqu’à 30 minutes.

Moi, je trépignais dans le bureau d’à côté.

J’entendais qu’il était encore au téléphone alors qu’un candidat l’attendait à l’accueil. Son coup de fil n’en finissait pas.

(Oui, c’était avant le Covid. Les entretiens se faisaient à 90 % en présentiel, souviens-toi !)

À 5 minutes de retard, je lui envoyais un message sur Teams.

Ton candidat de 17 h t’attend à l’accueil.”

Oui oui, j’arrive, urgence client.”

À 10 minutes de retard, j’allais voir le candidat qui patientait. Je m’excusais pour un retard dont je n’étais pas responsable, je lui proposais un autre verre d’eau ou un café. Je lui faisais la conversation, pour passer le temps.

À 15 minutes de retard, j’allais frapper à la porte du bureau du manager.

Oui oui, j’arrive.”

À 20 minutes de retard, j’étais mi-dépit, mi-colère.

Le candidat perd son temps. Moi, je le perds probablement lui, en tant que candidat. Avec une expérience-candidat aussi pourrie, ça ne serait pas étonnant.

À 30 minutes de retard, je faisais mentalement une croix sur ce recrutement. Tout ça pour s’autosaboter aussi bêtement, quelle tristesse…

Du coup, je voulais faire des questionnaires de satisfaction candidats pour pouvoir lui dire, résultats à l’appui : “Regarde, LA, tu vois : ça nous pénalise quand tu prends les gens 30 min en retard en entretien !”

Premier questionnaire avec NPS …

En explorant différentes méthodes pour évaluer la satisfaction, un outil ressort souvent : le Net Promoter Score (NPS).

C’est un outil de mesure de la satisfaction qui se base sur une seule et unique question :

"Sur une échelle de 0 à 10, quelle est la probabilité que vous recommandiez notre entreprise à un ami ou un collègue ?"

Les réponses sont classées en trois catégories :

  • Entre 9 et 10, ce sont les Promoteurs,
  • Entre 7 et 8, ce sont les Passifs,
  • Entre 0 et 6, ce sont les Détracteurs.

Le NPS est calculé en soustrayant le pourcentage de Détracteurs du pourcentage de Promoteurs.

C’est un outil très plébiscité, parce qu’il donne une évaluation rapide et facile de l'expérience globale des candidats, et de leur perception de l'entreprise.

J'ai choisi d'intégrer le NPS dans mon questionnaire, car au-delà de sa popularité, il semblait offrir une méthode simple, rapide et efficace pour comprendre la perception globale des candidats.

Parmi les autres questions :

  • Globalement, est-ce que vous êtes satisfait(e) de l’échange que vous venez d’avoir ?
  • Est-ce que vous avez été bien accueilli ?
  • Est-ce qu’on a été ponctuels ?
  • Est-ce que vous avez bien compris l’entreprise et le poste ?
  • Est-ce que vous avez toutes les infos pour dire si oui ou non vous voulez continuer le process ?
  • Est-ce que vous voulez rajouter quelque chose (champ libre)

À ce moment-là, l’entreprise dans laquelle je travaillais avait un process assez simple.

  1. Préqual téléphonique avec moi
  2. Entretien non technique avec moi
  3. Entretien technique avec un manager
  4. Propale or Not Propale

J’envoyais 2 questionnaires très similaires, à chaud, après l’étape 2 et après l’étape 3.

Mais ils étaient loin d’être parfaits.

… et au moins 3 problèmes.

Problème n° 1 : Les notes étaient souvent extrêmes

On avait souvent des 9 et 10, parfois des 0 et des 1, mais … presque aucun 4, 5 ou 6 !

Étrange ? Pas tant que ça.

Par effet de biais de polarisation, les personnes qui ont eu des expériences extrêmement positives ou négatives sont souvent plus motivées à donner leur avis. Ca peut entraîner un biais dans les résultats, où les opinions modérées ou neutres sont sous-représentées.

Aussi, l'utilisation de l'échelle de notation soulève un autre problème : la subjectivité. Il y a autant d’échelles que d’individus. Par exemple, un 8 sur 10, c’est “pas mal” ou “presque parfait” ? Impossible à interpréter.

Problème n° 2 : Quand les notes étaient mauvaises, on manquait de pistes d’améliorations

L’échelle de notation offre certains avantages pratiques :

Pour les répondants, c’est facile et rapide de répondre à la question en un clic.

Pour les commanditaires, les résultats sont facilement exploitables. Un export vers Excel, une moyenne, une médiane et c’est parti, c’est analysé.

Le souci, c'est que les chiffres seuls ne nous disent pas grand-chose. Quand ils sont mauvais, on comprend qu'il y a un problème, mais on n’a aucune idée de ce qu'il faut faire pour s'améliorer. On ne sait pas ce qui marche bien ou ce qui doit changer.

Problème n° 3 : la complexité de noter l’expérience-candidat globale

En fait, la pertinence même de l’évaluation de l’expérience-candidat questionne !

Est-ce qu’on peut réellement attribuer une note globale à une expérience aussi complexe ?

Il se passe tellement de choses, pour une personne, entre moment où elle décide de postuler à une offre ou de répondre à un recruteur, et le moment où elle sort de l’entretien.

Et puis, il n’y a pas d’expérience-candidat universelle.

L’expérience, par définition, c’est un ressenti personnel.

Par exemple : certaines personnes ont besoin d’un process avec des délais courts. Parce qu’elles ont besoin que ça aille vite, que ça avance.

D’autres, ont besoin d’un process avec des délais long. Parce qu’elles ont besoin de prendre le temps entre chaque phase. De processer les informations et de se projeter.

Du coup, pour garantir une bonne expérience-candidat, il vaut mieux avoir des délais courts ou longs ? Il n’y a pas de bonne réponse.

Si c’était à refaire, voilà comment je ferais aujourd’hui.

Moins de quantitatif, plus de qualitatif.

Le premier questionnaire avec échelle de notation manquait de contexte et de détails.

Surtout, il manquait de commentaires constructifs pour améliorer l'expérience candidat.

Certes, c’est plus long et plus compliqué à traiter, mais je pense qu’on ne peut pas se passer de champs textes vides ou de temps de parole libre.

Les personnes doivent pouvoir s’exprimer. Et ce qui leur viendra naturellement, spontanément, c’est ce qui les aura le plus marqués. Aussi bien positivement, que négativement.

Enfin, le verbatim des candidats est une matière précieuse à récolter : ils donnent des détails précis et nuancés, et ils permettent de comprendre ce qu’ils valorisent et attendent réellement. Ils peuvent aussi inspirer des ajustements bien ciblés.

Moins de questionnaires, plus d’échange.

En tant que recruteurs, on a la chance d’avoir de multiples opportunités d’échanger avec nos candidats.

Avec le recul, je pense que la sortie d’un entretien d’embauche, en plein milieu d’un process, n’est pas le meilleur moment pour recueillir un avis.

On est trop dans l’émotion du moment.

Du coup, j’ai remplacé le questionnaire post-entretien à chaud, par des échanges de vive voix à d’autres moments :

  • Lors de la préqual téléphonique, je posais des questions sur le début de process :
    Où est-ce que vous avez vu notre annonce ?
    Qu’est-ce que vous vous êtes dit en la lisant ?
  • Lors de la journée d’intégration organisée tous les trimestres dans l’entreprise pour laquelle je recrutais. J’intervenais pour parler recrutement et cooptation.

C’était l’occasion de revenir sur la manière dont chacun avait vécu le process de recrutement.

  • Qu’est-ce qui t’a surpris ?
  • À quel moment tu as su que tu allais accepter notre offre ?

Une fois en poste, les personnes sont plus enclines à faire un retour constructif que lorsqu’elles sont encore candidates. Même si les questionnaires étaient anonymes.

Moins de satisfaction, plus de perception de justice.

Sur le fond, je pense maintenant que les questionnaires de “satisfaction” passent à côté de la vraie problématique de l’expérience-candidat.

J’étais recruteuse freelance quand j’ai participé à la Conférence du Recrutement. Sur la même  journée, 2 interventions sur le sujet ont bousculé ma perception :

L’atelier “Les 12 leviers de justice”, animé par Tania Ocana ;

et la conférence de Carole David “S’inspirer de la User Research pour évaluer l'Expérience Candidat”.

J’en suis ressortie avec une épiphanie : Quand on cherche à mesurer l’expérience-candidat, la question n’est pas de savoir si la personne est satisfaite du moment qu’elle a passé avec nous ; mais c’est de savoir si elle a l’impression qu’on prend une décision qui est juste, ou injuste.

Concrètement, ce que je chercherais à savoir maintenant tournerait plutôt autour de :

  • Est-ce que la personne a l’impression qu’on lui a donné l'opportunité de démontrer ses compétences ?
  • Est-ce que les méthodes d’évaluation lui semblent valides (scientifiquement) et reliées au poste ?
  • Est-ce qu’elle a eu l’impression que l’évaluation était fiable (sans qu’il soit possible tricher) ?
  • etc etc …

Voilà comment j’ai évolué sur le sujet de la mesure de la satisfaction des candidats !

Je suis curieuse de savoir comment d’autres personnes qui recrutent abordent cette thématique.

On en discute avec plaisir sur Linked in par exemple !

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