Parlons peu, parlons préjugés dans le recrutement. En toutes circonstances, la loi demeure la norme suprême. Le recrutement n’échappe donc pas à la règle. Néanmoins, certains facteurs extérieurs peuvent mettre à mal le recrutement. À dire vrai, nous, les êtres humains, sommes les premières victimes du fonctionnement de notre cerveau. En effet, celui-ci est en mesure d’instiller une multitude de préjugés dans les procédures d’embauche. Bien entendu, cela va à l’encontre de la législation en vigueur qui se veut protectrice des candidats. Prêts à traquer les préjugés dans le recrutement ? Obligation de non-discrimination, RGPD, droit à une vie privée et familiale… Cet article risque de vous intéresser !
Pourquoi le recrutement doit être encadré juridiquement ?
Avant de décrypter le cadre légal du recrutement, il convient d’expliquer pourquoi l’encadrement de la loi s’avère nécessaire.
Le contexte
Ces dernières années, le monde du travail et, plus particulièrement celui de l’entreprise, a connu de profondes mutations. Avouons-le, certaines pratiques du recrutement d’antan pouvaient parfois être plus que douteuses.
Aujourd’hui, la profession du recrutement se structure et n’admet plus ce florilège de discriminations et d’irrespect des droits des postulants. Les mentalités évoluent, certes. Néanmoins, certaines organisations demeurent tout à fait réfractaires vis-à-vis du changement. Dans cet esprit, la législation garantit les droits des demandeurs d’emploi face aux entreprises peu scrupuleuses, mais également face à l’inconscient.
Eh oui ! Les biais cognitifs, ça vous parle ? Plus que n’importe qui d’autre, les acteurs du recrutement y sont confrontés en permanence. Pourquoi est-ce un problème ? De toute évidence, un jugement biaisé engendre une procédure de recrutement bancale, voire discriminatoire. Exemple : le biais de stéréotype.
Pour garantir la diversité et l’inclusion en entreprise, vous devez nécessairement prendre de la distance. Cependant, tous les acteurs du recrutement n’en sont pas capables ou, encore, ne sont pas armés en conséquence. Voilà l’une des raisons qui incitent le législateur à renforcer le cadre législatif du recrutement. Ainsi, il devient nécessaire d’assurer la protection du candidat contre les pratiques volontaires mais aussi involontaires dans le recrutement.
Les nouvelles technologies constituent-elles un frein au respect de la législation ?
Oui, l’apparition des nouvelles technologies a fluidifié la fonction recrutement ! Pour autant, leur usage est-il sans risque ?
L’automatisation du recrutement garantit-elle le respect du principe de non-discrimination ?
Que sait-on du cadre légal de l’automatisation des recrutements ? Pour le moment, peu de dispositions légales ont été adoptées. Néanmoins, l’encadrement juridique se renforce au fur et à mesure.
Il convient toutefois d’opter pour la prudence. Il arrive que certaines décisions entièrement automatisées, c’est-à-dire celles prises au moyen d’un traitement algorithmique, soient constitutives d’une discrimination au sens de l’article L 1132-1 du code du travail puisque fondées sur un ou plusieurs biais. Prenons quelques exemples concrets pour illustrer ce propos :
- un programme capable de détecter les expressions faciales pourrait discriminer une personne en situation de handicap ;
- l’exclusion d’un ou plusieurs postulants sur le fondement de critères discriminatoires, tels que l’apparence physique, l’âge ou le lieu de résidence, ne saurait être tolérée. N’oublions pas que les algorithmes sont conçus par des humains !
- L’intelligence artificielle, ou IA, peut commettre des choix discriminants, en raison de la prise en compte de données biaisées. Il pourrait notamment s’agir d’informations erronées de l’entreprise. Ainsi, il vous revient de prendre des dispositions efficaces afin de garantir l’égalité des chances entre les candidats.
Les contenus en ligne, une source supplémentaire de préjugés dans le recrutement ?
Les recruteurs sont libres de consulter les réseaux professionnels des candidats. Cela ne pose aucun problème. Cependant, la consultation des réseaux sociaux privés des candidats à une offre mène à une double conséquence juridique :
- L’irrespect de l’article 9 du Code civil. Pour rappel, ce dernier impose le droit au respect de sa vie privée et familiale. À l’ère du digital, il devient aisé d’accéder à l’intimité des uns et des autres. Pour autant, cela ne rend pas la pratique légale ou acceptable. Votre curiosité l’emporte sur le reste ? Alors, gardez seulement à l’esprit qu’une telle intrusion pourrait affecter votre jugement et, par extension, nuire à l’objectivité de votre processus de recrutement.
- La méconnaissance des dispositions du RGPD. À présent, le traitement des données personnelles s’érige en une véritable priorité pour les entreprises. Ne vous détrompez pas, le RGPD dans le recrutement doit être pris au sérieux ! Ici, le candidat n’a pas donné son accord quant à l’utilisation de ses données dans la procédure de recrutement, ce qui prive le traitement de base légale. En somme, le recruteur a pris cette décision en lieu et place du candidat. De telles pratiques peuvent amener à la prononciation d’une sanction pécuniaire à l’égard de l’entreprise ayant commis un manquement.
Quels sont les préjugés les plus courants dans le recrutement ?
Comme vous vous en doutez, les préjugés dans le recrutement sont monnaie courante. Découvrez le top 3 des discriminations récurrentes !
Le genre
L’étude sur les discriminations et les biais dans les offres d’emploi de Proxem et À Compétences Égales de 2020 révèle la présence d’une discrimination ou d’un biais fondé sur le genre dans les annonces d’embauche, à plus de 78 %. Il s’agit du premier facteur de discrimination en France !
Bien souvent, les offres d’emploi précisent « profil homme » ou « profil femme », ce qui est strictement prohibé par la loi. Pour rappel, certaines différences de traitement sont toutefois prévues l’article R 1142-1 du code du travail.
Stéréotype par excellence, le genre dans la profession résiste aux récentes évolutions. Par ailleurs, la sphère du recrutement ne semble guère faire grand cas de l’inclusion. En effet, nombreuses sont les offres dépourvues de mentions inclusives. Par exemple, l’intitulé d’une annonce d’embauche « recherche serveuse » exclut bien évidemment les personnes de genre masculin.
Ne le nions pas, il demeure également des structures que l’on pourrait qualifier de « vieille école ». À cet égard, bien des discriminations sont portées à l’égard des femmes, notamment en raison du redouté congé maternité !
L’âge
Sur la deuxième marche du podium, l’âge. Ce facteur, présent dans 20 % des annonces d’emploi, devient une discrimination récurrente. D’ailleurs, qui n’en a jamais fait les frais ? « Votre adjoint aurait le double de votre âge… », « À 23 ans, on ne peut pas manager une équipe ! », « Vous avez 55 ans. Pensez-vous avoir l’énergie suffisante pour ce poste ? » En plus de constituer une discrimination au sens de l’article L1132-1 du code du travail, les clichés sur les profils juniors/seniors rendent leur embauche difficile.
Divers professionnels du recrutement incluent directement la tranche d’âge requise dans l’offre d’emploi, ce qui est parfaitement illégal. De même, le tutoiement peut être utilisé dans l’unique but d’exclure le public senior. Bref, vous l’avez compris, l’embauche et l’âge du candidat ne font pas toujours bon ménage.
L’état de santé et le handicap
Enfin, la santé se hisse sur la dernière marche du podium, avec un taux de récurrence de 7 %. Bien souvent, il s’agit de décourager :
- celles et ceux dont la condition physique fait défaut ;
- les personnes atteintes de phobies ;
- les personnes handicapées.
En dépit de la législation en vigueur, les personnes en situation de handicap sont celles qui éprouvent le plus de difficultés à trouver un emploi. Dans son enquête de perception des entreprises, des salariés et du grand public de 2020, l’observatoire de l’emploi et du handicap indique que le niveau de difficulté associé à l’embauche d’une personne handicapée a progressé. En effet, ce dernier passe de 54 % en 2018 à 60 % en 2019.
En règle générale, les employeurs visent leurs compétences et leur capacité d’adaptation. À ce titre, vous avez peut-être déjà entendu : « Il va nous freiner, il aura toujours besoin de quelqu’un pour l’aider », ce qui, disons-le, est totalement faux.
Dans la sphère du recrutement, les préjugés ont la vie dure. Malheureusement, cette flopée de mauvaise pratiques s’étend et envahit la gestion et la politique RH des entreprises. Prenons l’exemple d’une situation de discrimination, en raison du nom du salarié. Une décision récente, en date du 14 décembre 2022, met en lumière une telle situation. La chambre sociale de la Cour de cassation relève notamment que 80,93 % des salariés à patronyme européen obtenaient en CDI, contre seulement 21,43 % des salariés à patronyme extra-européen. En toute honnêteté, cette observation donne matière à réfléchir tant d’un point de vue éthique que d’un point de vue de gestion des risques. Ainsi, prendre du recul et repenser les process de l’entreprise, c’est aussi œuvrer selon son système de valeurs et protéger l’entreprise contre les litiges sociaux.
Comment vaincre les préjugés dans le recrutement ?
Fort heureusement, il existe des procédés qui ont vocation à lutter contre les préjugés dans le recrutement. Aujourd’hui, il apparaît indispensable que les services concernés adoptent les bons réflexes, dans un objectif de transparence et de performance des process RH.
1. Enrichir la formation en entreprise
Il appartient aux entreprises d’anticiper et de renouveler le panel de compétences de ses collaborateurs. À ce titre, les personnes amenées à recruter ont tout intérêt à suivre des formations et des ateliers de sensibilisation. En bref, les acteurs du recrutement doivent être capables de porter un regard critique sur ses pratiques. Pour ce faire, rien de tel que l’acquisition de connaissances !
En théorie, l'article L1131-2 du Code du Travail prévoit l'obligation de formation à la non-discrimination dans toutes les entreprises spécialisées dans le recrutement ainsi que dans les structures de plus de 300 salariés. Toutefois, la loi demeure silencieuse quant aux modalités d'application et à la sanction en cas d'irrespect de ladite disposition.
2. S’imprégner de la législation en vigueur
Former les personnes amenées à recruter, c’est aussi attirer leur attention sur la primauté de la loi. Non, il ne suffit pas de griffonner dans un coin les textes légaux auxquels est soumis le secteur du recrutement. Non, non et non !
L’entreprise doit notamment :
- promouvoir des techniques d’entretien objectives et légales ;
- donner les moyens nécessaires à ses collaborateurs pour qu’ils puissent s’imprégner de la législation en vigueur.
Cela passe notamment par la veille juridique. En effet, elles doivent impérativement se tenir informées des dernières actualités. Il peut notamment s’agir :
- de l’adoption d’une loi ;
- de la suppression d’une disposition légale ;
- d’un revirement de jurisprudence (vous pouvez consulter la jurisprudence publiée sur le site web de Légifrance.) ;
- de recommandations éditées par l’actuel gouvernement ;
- etc.
En plus de réaliser une veille juridique rigoureuse, le cadre légal du recrutement ne doit plus avoir aucun secret pour ceux qui le pratiquent. À l’occasion, consacrez du temps à la relecture des différents textes de loi. En la matière, une piqûre de rappel ne fait jamais de mal. De même, suivez de près l’actualité du Défenseur des Droits. De nombreux guides, tels que « Pour un recrutement sans discrimination », sont publiés afin d’accompagner les entreprises dans leur activité de recrutement.
Aujourd’hui, la lutte contre les préjugés dans le recrutement amène les entreprises à adopter des méthodes objectives et transparentes. À ce titre, il est tout à fait possible de réaliser des tests anonymes, de structurer les entretiens d’embauche ou, encore, de mener des entretiens croisés. Plus qu’une norme à respecter, la législation doit vous servir de boussole : les règles de droit ont vocation à orienter vos pratiques de recrutement. On ne le répète pas assez, mais le recrutement fait partie intégrante de la stratégie d’entreprise. Grâce à l’adoption de bons réflexes juridiques, vous améliorez la qualité de vos process et garantissez à l’entreprise les meilleures opportunités d’embauche, notamment une diversité cognitive. Assurer une gestion des talents objectivée, c’est laisser une place au progrès, à l’innovation et au succès.