Pas de recrutement sans contexte de recrutement

Mohamed Achahbar
Pas de recrutement sans contexte de recrutement

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Il est temps pour moi de te révéler le secret du recrutement.

Je dis « secret » mais en réalité tout le monde le voit.

Seulement, peu y prêtent attention.

Ce secret : c’est le contexte.

Oui oui.

Le contexte, l’environnement.

Je sais ! Y a rien de sexy à ce concept.

Tu pourrais t’attendre à davantage de moi : une astuce technologique, un concept philosophique perturbant ou une blague sur des chaussettes arc-en-ciel parce que, pourquoi pas ?!

Mais rien de tout ça aujourd’hui.

Aujourd’hui, je te parle “contexte”.

Surtout, je veux te montrer l’impact démentiel de celui-ci dans le recrutement et ce, à 3 niveaux : la compétence, la performance et le comportement.

Et je compte t’expliquer tout ça dans les X mots dans cet article.

Installe-toi confortablement.

Prends quelque chose à grignoter.

Et c’est parti !

# 1. Le contexte conditionne la compétence

Car oui, une compétence n’existe que dans son contexte.

Mieux ! Le contexte conditionne et donc dicte la compétence.

Par exemple, la compétence « rédaction » dépendra exclusivement de son contexte et par conséquent, on n’écrit pas de la même manière quand on est gendarme ou quand on est au recrutement.

Tu te rends vite compte qu’une annonce ne devrait rien avoir à voir avec un PV d’audition ^^.

Et, c’est la même chose pour d’autres métiers comme journaliste, avocat, publicitaire, rédacteur de mode d’emploi pour téléviseur Toshiba …

À une compétence donnée, la « rédaction », on retrouve des contextes déterminants voire indispensables à l’exercice de celle-ci. Le contexte dicte bien la compétence attendue.

Néanmoins, on aurait pu croire le contraire.

La rédaction, ou l’écriture de manière générale aurait pu être une compétence universelle.

Après tout ! Une fois que tu l’apprends à l’école, c’est fini ! Tu sais écrire partout et dans n’importe quelle situation et métier.

Bah non.

Même la rédaction n’est pas une compétence transversale.

Et, il en va de même pour toutes les compétences.

Aucune n’est transversale.

Histoire d’être direct et concret :

IL N’EXISTE PAS DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE

Une sorte de compétence magique applicable à tous les contextes, tous les métiers, toutes les situations.

Chaque compétence est spécifique à un contexte aussi bien qu’à un métier.

Prenons, commercial et recruteur.

Le sourcing ET la prospection, par exemple, partagent tant de procédés et techniques similaires qu’on serait tenté d’en faire une compétence transversale.

Pourtant, non ! Ce n’est pas le cas.

Ce n’est pas parce que tu es compétent en sourcing que tu le seras également en prospection.

Et l’inverse également.

La réalité ?

Les recruteurs font de piètres commerciaux 

et l'inverse également.

Souvent quand tu rencontres un recruteur ou une recruteuse qui soit performante en commerce, c’est parce qu’elle est davantage commerciale que recruteuse ou recruteur.

Après, là, tu peux me dire :

“ Non, ce n’est pas vrai ! Je connais des gens en cabinet qui sont aussi bons dans l’un que dans l’autre.”

Déjà, il y a des exceptions.

C’est vrai.

Mais toutes les voitures rouges ne sont pas des Ferrari.

C’est un peu l’épiphanie de Marion Cosar, aujourd’hui DG à L'École du Recrutement.

11 ans d’expérience dans un cabinet de recrutement pour arriver à 2 constats 👍

  1. Elle préfère le commerce au recrutement en réalité
  2. Elle s’est aperçue après 11 ans en cabinet, elle ne savait pas recruter.

Autre exemple.

Prenons la compétence de négociation.

On imagine facilement que savoir négocier est une compétence applicable à tous les métiers, non ?

Bah ça dépend.

Car, oui ! Ça dépend du contexte.

Savoir négocier dans une prise d’otage n’est pas la même chose que savoir négocier dans une centrale d’achat.

Chaque contexte change la compétence et donc, l’expérience qu'on en a.

Par conséquent, avoir 10 ans de négociateur GIGN n'est pas équivalent à 10 ans d'expérience de négociateur en centrale d'achat.

Tout simplement car les compétences sont contingentes.

En termes moins Scrabble, ça veut dire qu’elles sont contextuelles. Donc, elles ne peuvent pas être transversales.

D’ailleurs, aucune étude ne vient corroborer le concept de transversalité des compétences. Les seules, à la rigueur, qui semblent répondre à ce contexte, sont des compétences générales, notamment enseignées à l'école : arithmétique, écrire etc. … et du coup, hors contexte professionnel.

Ainsi, les compétences transversales n’existent pas (malheureusement).

J’écris malheureusement car, je sais comme l’idée est séduisante.

Normal.

Tu imagines des compétences valables partout et en toute condition ?

Ça ferait de nous des Jarod.

Oui oui. Comme dans la trilogie du samedi avec Le Caméléon ^^

Cadeau : le générique ICI

Puis, ce serait des compétences écologiques : car, une fois maîtrisées, plus besoin d’effort, d’énergie ou de formation pour les ré-apprendre car, par définition, elles s’appliquent partout.

La compétence ultime.

Mais, ce n’est pas le cas.

Il n’existe pas de compétences magiques, transversales, de soft skills ou autre truc du genre.

Ce sont surtout des compétences idéales, dont tout le monde rêve, surtout les entreprises, mais qui n’ont aucune emprise dans le réel.

Chaque contexte dicte la compétence.

# 2. Le contexte conditionne la performance

Logique.

Si tu es dans le pire endroit pour que tes compétences s’expriment, alors ce sera galère d’obtenir de la performance.

Ce peut être à plusieurs niveaux.

On ne te fournit pas les ressources et/ou outils pour faire ton job.

Ton manager ou l’organisation interne entrave ton travail.

La culture d’entreprise ne repose pas sur la collaboration.

Par exemple, prends ce dessin là-dessous :

Les 3 ont été dessinés par la même personne.

Seul le temps consacré varie.

Pour l’un, elle avait 10 min. L’autre, 1 min. Et pour le dernier, 10 sec.

Maintenant, si on regarde seulement le dessin fait en 10 sec, on pourrait a priori douter de l’expertise de la personne.

Mais quand on la met dans de meilleures conditions, forcément, le résultat s’en ressent.

Bref.

Tu es conditionné/e par ton environnement et donc, par le contexte.

Celui-ci peut être, selon les situations, à la fois hostile et fertile à ta performance.

Ceci dit, précision : il ne faut pas croire que si un contexte est hostile pour toi, il le sera pour tout le monde.

Chaque entreprise est unique. Même au sein d’un secteur identique. Cela explique d’ailleurs pourquoi une personne performante dans une entreprise A ne l’est plus dans une entreprise B. Ou l’inverse. À contexte différent, parfois, performance différente.

En effet, on ne transfère pas nécessairement nos compétences d’un contexte à un autre. Surtout, on ne transfère pas le contexte où nos compétences étaient fertiles (un secteur, une culture d’entreprise, un management …).

Dès lors, changer d’équipe, d’entreprise, de secteur et souvent, de manager, est suffisant pour devenir performant ou ne plus l’être.

#  3. Le contexte conditionne nos comportements.

Mais …Il y a dans le recrutement, des tests de personnalité.

Ces derniers sont utilisés notamment pour tenter de prédire la performance.

L’argument derrière ça ?

Davantage on connaît une personne et davantage on peut prédire ses comportements et par conséquent, sa performance.

Normal.

... car il y a un mais ^^ 

... l’étude de la personnalité est tellement complexe que cela demande des conditions délicates pour que les données ne se contaminent pas (le fameux « toutes choses égales par ailleurs »).

De plus, on oublie souvent que les gens ne vivent pas dans des éprouvettes.

En effet, nos comportements dépendent davantage du contexte que de notre personnalité. 

Un exemple ?

Prends un curé en retard à un rendez-vous.

Imagine, sur sa route, une personne trébuche et tombe.

Que se passe-t-il ?

Bah … le curé ne s’arrêtera pas pour aider la dite personne à se relever.

Y compris toi;

Pourquoi ?

C’est le paradoxe du Bon Samaritain révélé par l’étude de Batson & Darley.

En effet, à la base, un curé, aider les autres c’est son sacerdoce.

Mais là, non.

Tu peux tomber comme une patate, il tracera sa route tout de même.

Ainsi, dans leur expérience, les séminaristes ayant la pression temporelle la plus faible étaient 63% à t’aider si tu tombais à terre, contre 45% si elle était modérée et ils étaient seulement 10% pour la pression la plus forte.

Pour autant, est-ce que ce comportement nous renseigne sur la personnalité des gens ?

Pas du tout, cela ne dit rien de la personnalité.

C’est le contexte « être en retard » qui conditionne notre comportement.

Ainsi, le contexte influe davantage sur ce que nous faisons que sur ce que nous sommes.

En effet, le contexte exerce un stress au sens biologique du terme. Il représente l’ensemble des réactions d’un organisme soumis à des pressions ou contraintes de l’environnement.

Ainsi, le contexte agit sur nous davantage que nous agissons sur lui.

Dès lors, par exemple, quand dans des processus de recrutement, on veut évaluer une personnalité, pour prédire ses comportements, il y a erreur.

Les comportements; la plupart sont influencés de manière importante par le contexte.

Les conditions du poste, le management, la dynamique de groupe etc …

C’est d’ailleurs dans la définition même du comportement.

En psychologie, le comportement est l’ensemble des ré/actions observables chez un individu placé dans son milieu et dans des circonstances données.

Et pour l’anecdote, la définition de « compétence » s’inspire largement de celle de « comportement ». 

Ainsi, la norme AFNOR X50-750, définit la compétence comme la capacité d'une personne à mobiliser les savoirs nécessaires à une tâche donnée dans un contexte donné. Et ça, ça fait toute la différence.

Si tu mets une personne coopérative dans une organisation non-coopérative, ça donne une personne non-coopérative.

Pas de surprise.

Et pour enfoncer le clou concernant la personnalité : même celle-ci a besoin d’un contexte propice pour s’exprimer. Ou au contraire, avoir un contexte pour en dominer certains traits.

Je m’explique.

Par exemple, la persévérance est un trait de personnalité nécessaire pour recruter.

On a donc 2 situations.

Soit, je suis de nature persévérante et, c’est cool.

Soit, je ne le suis pas.

Et là, la solution est d’avoir un process ou un système suffisamment puissant pour nous obliger à adopter les bons comportements.

Par exemple, si ton ou ta manager évalue le nombre de relances que tu fais aux candidats, même si la persévérance n’est pas dans ta nature, le contexte fait que tu adoptes tout de même le comportement.

C’est ce qui est ressorti de l’étude de Timothy A. Judge et Cindy P. Zapata en 2015.

Voilà.

Avec tout ça, tu comprends le poids du contexte dans le recrutement. Je pourrais même dire que le recrutement est une science du contexte.

Il ne peut et ne doit pas être pris à la légère.

Ainsi, tu comprends mieux pourquoi dans la méthode des incidents critiques, on commence par demander le contexte.

On n’évalue donc pas les compétences nécessaires à un poste sans évaluer a priori le contexte de celui-ci.

Plus on est proche du poste, plus précise sera l’analyse et donc, plus pertinente l’évaluation.

Maintenant qu’on sait ça, on fait quoi ?

De l’analyse de poste.

En effet, tout recrutement devrait commencer par l’analyse de poste.

Celle-ci se fait avec la prise du besoin auprès du manager.

Elle n’est pas une démarche concurrente ou similaire. Elle doit être intégrante à toute démarche de recrutement.

Plus l’analyse d’un poste sera fine, plus les compétences essentielles et nécessaires à celui-ci seront éloquentes. Et par conséquent, il sera plus simple de les évaluer par la suite auprès des candidats et candidates.

Bref.

Si tu devais retenir quelque chose ici, cela tient à une idée :

Il n’y a pas de recrutement sans contexte de recrutement.

Le recrutement n’existe et donc ne s’exprime que dans un contexte.

Alors, il est inutile d’évaluer une compétence sans aucune idée du contexte dans lequel elle s’exprime. La base.

Dès lors, si tu veux vraiment faire du recrutement, de manière complète et minutieuse, tu ne peux pas en faire sans analyse de poste.

Comment on fait ça ?

Ce sera peut-être l'histoire d’un autre article. Ici, j’ai terminé ce que j’avais à te dire et, tu as certainement terminé ce que tu grignotais.

Il est donc temps de se dire à la prochaine fois :)

Merci à Tania, Loubna et Silvia pour leur relecture et apport intellectuel à ce sujet. 🫶

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À propos de l'auteur·e
Mohamed Achahbar
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