Les règles de la période d’essai : décryptage

Julie
Les règles de la période d’essai : décryptage

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Recruter un salarié : Quelles sont les règles de la période d’essai ?

Le talon d’Achille d’une multitude d’entreprises ? Le départ précipité de ses talents. C’est un fait : certaines structures souffrent d’un turnover exacerbé. La question qui se pose est simple : pourquoi ? En règle générale, l’intégration des nouveaux arrivants fait défaut. Pourtant, il s’agit d’un moment clé, propice au développement de votre marque employeur. En effet, le collaborateur découvre, s’adapte à son nouvel environnement et apprécie les fonctions qui lui sont confiées. Quant à l’entreprise, elle profite de la période d’essai pour évaluer l’ensemble des compétences professionnelles. Pour ce faire, la législation en vigueur guide la pratique des dirigeants et des professionnels RH. Place au décryptage des règles de la période d’essai !

La période d’essai, c’est quoi ? 

Qu’est-ce qu’une période d’essai ? En quoi son instauration sert-elle les intérêts de l’entreprise ? À quoi servent les règles de la période d’essai ? Faisons le point.

La définition de la période d’essai 

Chacun d’entre nous a déjà été confronté à la tant redoutée « période d’essai ». Eh oui ! Il s’agit d’un élément commun à toutes les vies professionnelles. Alors, nous pouvons affirmer qu’elle nous concerne tous. Les spécialistes du recrutement n’échappent pas à la règle. En effet, ceux-ci peuvent la rencontrer au cours de leur parcours professionnel et ce, à plusieurs reprises. Mais la période d’essai, c’est quoi au juste ?

Il s’agit de l’exécution de la première phase du contrat de travail qui vise à évaluer les compétences du salarié. Elle ne doit pas être confondue avec l’essai professionnel qui se définit comme : 

  • une épreuve brève et non rémunérée destinée à apprécier la qualification professionnelle du postulant, qui intervient avant l’embauche. 

Pour autant, l’instauration d’une période d’essai en CDI, en CDD ou en intérim n’est pas obligatoire. Vous y êtes toutefois favorable ? Dans cette situation, gardez en tête que la période d’essai ne se présume pas. Autrement dit, elle doit être inscrite au sein du contrat de travail ou de la lettre d’engagement.

Par ailleurs, l’intervention du législateur a permis de réglementer le cadre légal des périodes d’essai.

L’instauration d’une période d’essai, un véritable filet de sécurité

Outre l’aspect juridique, l’instauration d’une période d’essai revêt une grande importance. En effet, celle-ci s’avère sécurisante pour les salariés, mais également pour les employeurs. Pour les candidats, il s’agit d’une excellente façon d’apprécier :

  • les fonctions qui lui sont transmises ;
  • la culture de l’entreprise ; 
  • son fonctionnement et son organisation ; 
  • etc.

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Vous le savez, même un recrutement rondement mené peut aboutir à une relation de travail difficile. Dans cette hypothèse, sans un contrat de travail assorti d’une période d’essai, l’entreprise dispose de peu de solutions : 

  • le licenciement du collaborateur pour insuffisance professionnelle ;
  • la formation pour pallier les lacunes ;
  • la gestion de conflits si nécessaire.

C’est pourquoi la période d’essai constitue une véritable aubaine pour les entreprises. En effet, elle permet d’éviter maints désagréments d’ordre juridique, opérationnel et financier.

Quelle est la durée maximale d’une période d’essai ? 

Les règles de la période d’essai s’appliquent à tous les salariés. Or, les dispositions légales prévues diffèrent selon le type de contrat de travail rencontré. De plus, les principes juridiques ne sont jamais sans exceptions. 

Le contrat à durée indéterminée (CDI)

La période d’essai en CDI, ça donne quoi ? En tout état de cause, le contrat de travail (ou la lettre d’engagement) doit stipuler sa durée, tout en respectant les limites légales fixées. Ainsi, l’article L. 1221-19 du code du travail indique un maximum de :

  • 2 mois pour les ouvriers et les employés ;
  • 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;
  • 4 mois pour les cadres.

En l’absence de disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, le décompte des jours s’effectue de manière calendaire pour les salariés à temps plein et à temps partiel, c’est-à-dire du lundi au dimanche, week-end et jours fériés compris.

Le contrat à durée déterminée (CDD)

Voilà une question récurrente : la durée de la période d’essai en CDD est-elle la même qu’en CDI ? Cher professionnel, soyez vigilant. Dans le cas d’un contrat à durée déterminée, des règles particulières trouvent application. En l’espèce, l’article L. 1242-10 du code du travail exprime le fonctionnement suivant, à défaut de stipulations conventionnelles ou d’usage : 

  • Le CDD inférieur ou égal à 6 mois. Dans ce cas précis, la durée de la période d’essai se rapporte à la durée du contrat. Elle se calcule à raison d’un jour par semaine, sans pouvoir dépasser 2 semaines. Par exemple, si la période d’essai de 2 semaines d’un collaborateur commence le 3 septembre, elle devra impérativement se terminer le 16 septembre à minuit.
  • Le CDD de plus de 6 mois. Ici, la durée maximale de la période d’essai est prolongée à un mois. Dans notre exemple, l’employeur peut prévoir une période d’essai dont le terme serait fixé au 2 octobre à minuit.
  • Le CDD sans terme. Pour calculer la durée de la période d’essai, la loi impose de s’appuyer sur le temps de travail. Or, en l’occurrence, cela n’est pas indiqué. C’est pourquoi l’entreprise prendra en compte la durée minimale de travail afin d’estimer la durée maximale.

Le décompte des jours s’effectue de la même manière qu’en CDI.

Le contrat de mission

Eh non ! Le législateur n’a pas oublié les travailleurs intérimaires. À cet effet, si aucun accord de branche ou d’entreprise ne fait mention de la durée de la période d’essai, l’article L. 1251-14 du code du travail prévoit :

  • 2 jours pour les contrats de mission inférieurs à 1 mois ;
  • 3 jours pour les contrats de missions entre 1 et 2 mois ;
  • 5 jours pour les contrats de missions supérieurs à 2 mois.

Votre convention collective indique une durée différente de celle prévue par le code du travail ? Alors, appliquez la plus courte des deux !

Les dérogations prescrites par le législateur

À chaque règle de droit, son lot d’exceptions. Ainsi, la loi française mentionne plusieurs cas dérogatoires, dont : 

  • les durées plus longues fixées par les accords de branches conclus avant la publication de la loi du 25 juin 2008 ;
  • les durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la publication de la loi susmentionnée ;
  • les durées plus courtes indiquées dans le contrat de travail ou, encore, dans la lettre d’engagement.

Les deux dernières exceptions vont dans le sens favorable au salarié. Rien d’alarmant jusqu’ici : il s’agit presque d’un usage en droit du travail. Néanmoins, la première exception s’avère plus énigmatique, d’autant qu’elle permet aux entreprises d’assortir leurs contrats de travail d’une période d’essai de (très) longue durée. 

Aujourd’hui (et heureusement !), les juges du fond rendent leurs décisions au regard des textes internationaux, notamment la Convention n° 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Plusieurs arrêts publiés, dont celui de la cour de cassation en date du 4 juin 2009, sanctionnent les entreprises ayant recours à de telles pratiques.

La période d’essai est-elle renouvelable ?

Bien souvent, le délai maximal de la période d’essai s’avère trop court. En règle générale, l’appréciation des compétences et des qualifications d’un nouvel arrivant requiert un temps supplémentaire. À ce titre, la réglementation de la période d’essai prévoit la possibilité de renouveler la période d’essai à certaines conditions.

Le CDI

La période d’essai de votre collaborateur touche à sa fin… Vous vous rendez compte que vous avez besoin de plus de temps pour évaluer ses compétences ? Attention, le renouvellement de la période d’essai ne se présume pas. Autrement dit, s’il n’est pas expressément prévu dans la lettre d’engagement ou dans le contrat de travail, vous ne pouvez guère en bénéficier. 

Le contrat de travail de votre collaborateur mentionne le possible renouvellement de sa période d’essai ? Dans ce cas, la durée maximale de la période d’essai peut aller jusqu’à :

  • 4 mois pour les ouvriers et les employés ;
  • 6 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;
  • 8 mois pour les cadres.

S’agissant de la forme, il est recommandé de faire usage d’un avenant au contrat pour attester :

  • du renouvellement de la période d’essai ;
  • du consentement du salarié visé.

N’oublions pas que l’écrit demeure le mode de preuve le plus fiable. En plus du recueil de la signature de votre collaborateur, optez pour l’ajout de la mention manuscrite ou électronique suivante : « lu et approuvé ».

Votre convention collective interdit le renouvellement de la période d’essai ? Dans une telle hypothèse, la clause prévue par le contrat de travail ne peut être appliquée.

Le CDD et le contrat de mission

Le renouvellement de la période d’essai constitue un filet de sécurité pour bon nombre d’entreprises. Néanmoins, le législateur français l’interdit pour les CDD. Conclusion : le salarié demeure dans l’entreprise pour la durée du contrat, si la période d’essai n’est pas rompue au préalable.

Quant au contrat de mission, le renouvellement peut avoir lieu une fois, aux conditions précisées ci-dessous :

  • le contrat doit le stipuler ;
  • le travailleur intérimaire doit donner son accord express.

Est-il possible de mettre un terme à la période d’essai ?

Que faire lorsqu’un collaborateur en période d’essai ne correspond pas aux exigences attendues par l’entreprise ? Doit-on attendre que le délai de la période d’essai soit entièrement écoulé ? Bien heureusement, les règles de la période d’essai impliquent également ses modalités de rupture. Ensemble, décortiquons-les !

La rupture à l’initiative des deux parties

Sauf disposition contraire, l’entreprise et le salarié peuvent rompre la période d’essai à tout moment, sans qu’il soit nécessaire d’apporter une quelconque justification. Néanmoins, la partie à l’initiative de la rupture se doit de respecter un délai de prévenance. À cet effet, l’article L. 1221-5 du code du travail prévoit que l’employeur doit respecter un délai de prévenance de :

  • 24 heures pour 8 jours de présence du salarié ;
  • 48 heures entre 8 jours et 1 mois de présence ;
  • 2 semaines après 1 mois de présence ;
  • 1 mois lorsque le salarié est présent durant plus d’un mois.

Si vous ne respectez pas cette disposition légale, votre entreprise peut être condamnée à verser une indemnité compensatrice au collaborateur visé.

De son côté, en considération des dispositions de l’article L. 1221-6 du code du travail, le salarié à l’initiative de la rupture doit respecter un délai de prévenance de :

  • 48 heures ;
  • 24 heures s’il a intégré l’entreprise durant moins de 8 jours.

Attention, le délai de prévenance concerne exclusivement les CDI, les CDD et les contrats d’intérim assortis d’une période d’essai d’au moins 1 semaine. 

La rupture abusive de la période d’essai

À l’issue d’une rupture anticipée ou non, il arrive que certains salariés s’estiment victimes d’une situation abusive. Comme vous l’avez sans doute compris, cela peut mener à une saisie du Conseil de prud’hommes. Ainsi, il devient fondamental que le service RH garantisse le respect de la réglementation de la période d’essai, mais également l’ensemble des dispositions du code du travail.

Eh oui ! La période d’essai ne peut être rompue pour des raisons dépourvues de lien avec les compétences professionnelles du salarié. Elle ne doit pas être détournée de sa finalité première. Pourtant, le contentieux des ruptures abusives apparaît plutôt vaste ! Dans la pratique, ce type de litige est chose courante. Ainsi, constitue un motif de rupture abusive : 

  • la suppression du poste visé ;
  • le test de la viabilité du poste ;
  • le remplacement d’un salarié absent ;
  • l’accroissement d’activité ;
  • le refus d’embaucher un salarié syndiqué ;
  • le refus de recruter un collaborateur qui vit à plus de 20 km de son lieu de travail ;
  • le renvoi réalisé quelques heures après être arrivé dans l’entreprise (CA Paris, 11 décembre 2008, n° 07-2548) ;
  • la malveillance de l’employeur ou du référent ;
    etc.

Comme dit plus haut, les entreprises doivent respecter les règles de la période d’essai. Cependant, le contentieux des ruptures abusives met en évidence l’irrespect d’autres dispositions de la législation du travail, telles que la discrimination à l’embauche et l’irrespect de la procédure disciplinaire. Selon l’infraction commise, l’entreprise peut être condamnée à l’octroi de dommages-intérêts ainsi qu’aux peines prévues par les 2° à 5°, 8° et 9° de l’article 131-39 du code pénal

L’encadrement juridique est-il efficace pour préserver le droit des salariés ?

En France, le droit du travail encadre strictement les relations contractuelles entre l’entreprise et le salarié. En effet, la loi s’érige en rempart contre les pratiques illégales et abusives. Ainsi, le cadre légal de la période d’essai permet de garantir autant que faire se peut les droits des candidats.

Malgré les dispositions prévues par le code du travail, les conventions collectives ou le contrat de travail, il n’est pas toujours aisé d’y parvenir. Aujourd’hui encore, des dirigeants peu scrupuleux font fi de la réglementation en vigueur. En la matière, la souplesse juridique, principalement due à la non-obligation pour l’employeur de motiver la rupture de la période d’essai, complique considérablement l’octroi d’une sanction. Cependant, à l’ère des réseaux sociaux, il n’est pas dans l’intérêt des entreprises de faire ce que l’on appelle un « bad buzz ». À méditer.

À présent, vous disposez de toutes les armes juridiques pour affronter sereinement l’onboarding. De même, faites confiance au législateur. L’instauration de dispositions légales ne constitue pas une vaine pratique. Oui, elles protègent les candidats, mais elles sécurisent également le fonctionnement de toute entreprise ! Mon conseil ? Soyez au fait de la réglementation et de ses différents aspects. Vous recourez à l’IA dans votre activité de recruteur ? Alors, renseignez-vous sur le cadre légal de l’automatisation des recrutements, lequel tend à évoluer.

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À propos de l'auteur·e
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Juriste en Droit des Affaires et Content Manager Freelance. Lorsque je ne suis pas occupée à dévorer un roman ou à faire du canicross, j’écris des articles de blog sur l'univers RH (et le droit !)