Super, des CVs ! Maintenant, comment je les trie ?

Oriane Santhasouk
Super, des CVs ! Maintenant, comment je les trie ?

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Quelle est l’espérance de vie moyenne d’un CV entre les mains d’un recruteur ?

Réponse A : 6 secondes.

Réponse B : 40 secondes.

Réponse C : 80 secondes.

Les 3 réponses sont justes : ça dépend des études.

Mais on peut s’accorder à dire “vraiment très peu” !

Quand on est la personne qui a la responsabilité de poser un CV sur la pile “À appeler” ou “À refuser”, comment faire pour décider ? C’est le sujet de l’article d’aujourd’hui.

6, 40 ou 80 secondes qui changent tout. Pourquoi ce n’est pas si simple ?

Le traitement des CV, c’est la toute première étape.

La première d’une longue série de “stop ou encore ?”.

Mettre un CV sur la mauvaise pile, ça serait vraiment dommage.

Pourtant, ce n’est pas toujours facile pour les recruteurs de repérer les “bons CVs”.

Les CV ne sont pas standardisés, ni sur la forme, ni sur le fond.

Quand elles candidatent pour un poste, certaines personnes font un CV clair et facile à lire. Tant mieux pour les recruteurs.

D’autres, moins. Tant pis pour les recruteurs.

Si tu recrutes, tu as surement déjà vu :

  • des CV par compétences ;
  • des CV par expériences de la plus ancienne à la plus récente ;
  • des CV par expériences de plus récente à la plus ancienne ;
  • des CV sur 1 page ;
  • des CV sur 5 pages ;
  • des CV très sobres en noir et blanc ;
  • des CV très originaux en format paysage et multicolores :
  • des CV avec une expérience de 10 ans décrite en 1 ligne ;
  • des CV avec une expérience d’un mois décrite en 10 lignes ;
  • etc etc …

Quelle galère de s’y retrouver, là-dedans !

Oui, mais …

Comme on aime le rappeler à chaque fois qu’on en a l’occasion, à L’École du Recrutement :

Candidat n’est pas un métier.

Les gens font du mieux qu’ils peuvent, et du mieux qu’ils pensent.

Quand j’étais étudiante en école de commerce, on nous disait :

“Les recruteurs vont recevoir des centaines de CV de jeunes diplômés comme toi. Alors, comment tu comptes faire pour sortir du lot ?”

Et voilà comment on arrive à des CV excentriques, en format paysage.

Je n’ai rien contre les CV en format paysage, c’est juste que c’est à l’opposé du document attendu.

Justement, le document attendu. Parlons-en.

La checklist du CV parfait ?

Sobre, format A4, vertical, photo portrait mi-buste, sur une page, maximum 3 couleurs et 2 polices de caractères différentes, phrases courtes, listes à puces, mise en page aérée.

Finalement, le CV, ça ne serait pas juste un exercice de style, pour permettre au recruteur de savoir si la personne “a les codes” de la vie professionnelle ou non ?

Mais je m’égare dans cette réflexion personnelle, c’est un autre sujet.

Revenons-en à notre quotidien : on poste une annonce, on reçoit des CV (portait ou paysage).

On fait quoi maintenant ?

Savoir ce qu’on cherche.

C’est la première question à se poser : À quoi ressemble “un bon(ne) candidat(e)” ?

C’est basique, mais primordial de garder cette sagesse de recruteur en tête.

💭 Pour trouver, il faut savoir quoi chercher.

Et pour savoir quoi chercher, il faut … demander au hiring manager !

En réalité, cette étape doit se faire bien avant de recevoir les CVs.

C’est au moment où on ouvre un nouveau poste que ça se joue.

Lors de la prise de brief.

Pour traiter les CV, on a besoin de savoir :

  • Quels sont les critères de sélection ?
  • Parmi les critères, lesquels sont obligatoires, et lesquels sont facultatifs ?

Pour être bien au clair sur les critères et leur hiérarchisation, rien de tel qu’une confrontation avec la réalité.

Avant même de poster une annonce ou d’aller sourcer, on peut proposer des profils ou des CV au hiring manager.

On peut les passer en revue ensemble :

“Ce CV, il coche tous les critères obligatoires, donc ça serait bon pour toi ?”

“Ce CV, il lui manque 1 critère obligatoire mais il a les 3 critères facultatifs, donc ça serait non, c’est sûr ?”

Investir du temps sur cet échange initial permet souvent de revoir la hiérarchie des critères.

Et c’est primordial pour nous d’avoir des critères hiérarchisés fiables, pour mettre le CV sur la bonne pile.

💡 Dernière astuce
On demande souvent au manager son “profil idéal”.On peut aussi lui demander l’inverse, son “mouton noir”.Quelles sont les personnes qui, c’est sûr, ne correspondent pas au poste ?

Éviter les pièges : les distractions et la discrimination

Je le répète : Candidat n’est pas un métier.

Ça implique que la plupart des CVs sont truffés d’informations non pertinentes pour nous.

Par exemple :

  • l’âge ou la date de naissance,
  • la situation personnelle,
  • la section “loisirs”,
  • l’adresse postale,
  • la nationalité,
  • une photo !

Les conséquences ?

Au mieux, ça biaise notre lecture.

Au pire, ça nous rend discriminant.

De manière inconsciente, notre cerveau prend des raccourcis.

Il pense nous aider. Mais pas du tout !

Quelques exemples de réflexions qu’on peut se faire :

“Ouhlà, 53 ans, quand même. La personne qui était en poste avant en avait 15 de moins.”

“Ouhlà, Péterochnok, quand même, c’est à plus d’une heure de trajet.”

“Ouhlà, 3 enfants, quand même, les horaires de fermeture risquent de coincer.”

Comment faire pour ne pas se laisser influencer par ces informations qui nous détournent du droit chemin ?

Je te propose 5 pistes :

  1. Faire comme si tu ne les avais pas vues. Plus facile à dire qu’à faire, mais l’idée est simplement d’ignorer ce qui n’est pas pertinent pour le poste. (Attention, spoiler : ça ne suffit pas. Toutes les études de testing le montrent.)
  2. Te former aux biais cognitifs pour les reconnaître. Ça ne te permettra pas de t’en affranchir, car notre cerveau est une machine très bien faite. Mais en avoir conscience, c’est une première étape.
  3. Faire un pré-tri pour enlever ou masquer les informations non pertinentes. Certains ATS proposent cette fonctionnalité. Sinon, tu peux demander à une autre personne de ton équipe de le faire.
  4. Demander à la personne qui candidate de remplir un CV standardisé qui n’aborde que les points pertinents. Attention, cette étape dégrade fortement l’expérience candidat ! À chacun de se pencher sur le bénéfice et le risque de cette pratique.
  5. Établir une liste de critères clairs, objectifs et directement liés à l’emploi, et les avoir sous les yeux lorsque tu parcours les CVs. Ce sont eux qui vont baliser ton droit chemin. Tu peux t’en utiliser comme une grille d’évaluation.
💡 Dernière astuce
Quand on balaie du regard une page, en réalité, on regarde surtout la partie en haut et la partie de gauche. On parle de lecture en F.
Garde-le en tête, pour contrer cette lecture “naturelle” et prêter attention aux éléments qui se situent en dehors de cette zone, car on pourrait passer à côté d’une information importante.

Aller au-delà des mots-clés

Si on imaginait plusieurs niveaux dans le traitement des CV, le niveau 1 ressemblerait à ça :

  1. Identifier les mots-clés de l’annonce et de la fiche de poste.
  2. Voir si on retrouve tout ou partie de ces mots-clés sur le CV.
  3. Si oui, pile “à appeler”. Si non, pile “à refuser.”

Pour débloquer les niveaux suivants, il faut apprendre à lire entre les lignes et à travailler sur les synonymes.

Quelques exemples :

Tu cherches une personne qui maitrise le logiciel de paie Silae.

Si tu cherches seulement les mots-clés “Silae” et “logiciel de paie”, tu risques de rater la personne qui a simplement indiqué : “Outil : Sage.”

Tu cherches une personne qui pour être responsable de rayon dans la grande distribution, pour un grand magasin.

Si tu cherches seulement le mot-clé “responsable de rayon”, tu risques de rater la personne qui a été “chef de secteur” dans un magasin plus petit.

Ta valeur ajoutée, au recrutement, c’est de t’intéresser à l’environnement et à l’écosystème dans lequel tu recrutes.

Comme ça, tu ne seras pas contraint(e) à te limiter à des correspondances littérales de compétences.

💡 Pour finir, 3 petits conseils méthodologiques

- Prendre des notes
: Marque tes commentaires ou tes questions sur les CV s’il y a des points spécifiques à creuser ou à lever lors de la préqualification téléphonique.

- Faire des pauses
: Lire et analyser des CV demande de la concentration. Tu n’as pas la même attention quand tu lis le 10ème CV, que le premier. Relève la tête de temps en temps !

- Laisser reposer
: Revenir sur ta sélection de CV après avoir laissé reposer quelques heures permet de confirmer tes choix.

En résumé, je dirais que le traitement des CV devrait s’appuyer uniquement sur des critères directement liés à l’emploi. Et cette étape tout particulièrement, étant donné que “Candidat n’est pas un métier”, nous donne l’occasion, à nous, les recruteuses et les recruteurs, de prouver notre valeur ajoutée pour garantir un recrutement juste et équitable.

Je suis curieuse de savoir comment d’autres personnes qui recrutent abordent cette thématique.

On en discute avec plaisir sur Linked in par exemple !

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