Distinguer l'innovation de l'effet de mode en recrutement

Joanna Bouy
Distinguer l'innovation de l'effet de mode en recrutement

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Chaque jour, une nouvelle méthode, un produit miracle, une techno hyper géniale voit le jour et vient challenger notre façon de recruter. 

A priori, c’est plutôt une bonne nouvelle : c’est le signe d’un secteur dynamique, évolutif. Sauf qu’il y a aussi des limites à ce qui devient parfois une course à la nouveauté. 

Dans cet article, je te propose de faire le point sur le sujet de l’innovation dans le recrutement, et de faire la part entre effet de mode et réelle amélioration. C’est parti ! 

Une brève histoire de l’innovation dans le recrutement 

Au Moyen Âge, les corporations utilisaient des systèmes d'apprentissage pour intégrer de nouveaux artisans. Au 19e siècle, le besoin de main-d'œuvre dans les usines a conduit à la mise en place de processus plus formels de sélection. Les premières agences de recrutement ont vu le jour à cette époque, jouant un rôle d'intermédiaires entre les employeurs et les candidats.

Au cours du 20e siècle, les méthodes de recrutement ont continué à évoluer, avec l'émergence des annonces dans les journaux, puis l'arrivée de l'informatique qui a induit la digitalisation des processus.

annonce d'emploi sur la presse

Depuis lors, l'avancement rapide des technologies a permis l'apparition des jobboards en ligne, des réseaux sociaux professionnels, des tests en ligne et d'autres innovations qui aujourd’hui font partie “du paysage”. 

Personne ne voudrait retourner à l’âge de pierre du recrutement et faxer les CV à ses clients (ça existe encore, les faxs ?) 

le fax, ça eiste encore ?

De la même façon, les avancées en matière de recrutement éthique sont en soi, des innovations dans les processus : on a (normalement) intégré que le candidat n’est pas un produit, et que le recrutement a un rôle sociétal qui le place en ligne de mire dans les sujets d’intégration et de non-discrimination. 

Mais c’est quoi, en fait, une innovation ? 

De quoi parle-t-on ?

Commençons par définir les concepts. L’OCDE définit l’innovation ainsi : “Une innovation est la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures.” 

Donc, globalement, l’innovation, c’est plutôt pas mal. Et puis surtout, on n'a pas trop le choix. 

Nécessité fait loi 

Pour survivre dans l’univers impitoyable de la concurrence, l’entreprise doit adapter ses produits, ses procédures, ses outils. 

Le recrutement ne fait pas exception, d’autant plus qu’il vit deux tensions en parallèle :

  1. Il y a de moins en moins de candidats qualifiés sur les secteurs en demande (pour rappel Il manquera chaque année 120 000 personnes entrantes sur le marché du travail à partir de 2030 (DARES) 
  2. Il y a de plus en plus de pression concurrentielle sur le marché en général entre les entreprises.
pénurie et recherche de talents

C’est ce qu’on appelle “la guerre des talents”. 

Désormais, ce ne sont pas uniquement les talents spécialisés et formés sur un besoin spécifique qui se font rares. Les candidats sont globalement plus courtisés. La tension est réelle.

L’innovation est une manière de répondre à cet enjeu : la nécessité de se réinventer est proportionnelle à la difficulté à trouver des candidats. 

Et ça, les entreprises l’ont bien compris. 

Ce qui m’amène au point suivant.

Saturation d'innovations

Si tu ouvres LinkedIn, ou plus généralement les sites RH, tu auras rapidement l’impression d’être un peu “out”. 

Saturé de nouvelles approches, bombardé d’outils fraîchement créés, ou d’acronymes dont tu n’avais jamais entendu parler, tu te sens subitement très en décalage. 

Toi, tu veux bien faire ; tu te rues sur ce nouveau programme, tu télécharges tous les ebooks possibles (que tu n’ouvres jamais) et tu essaies d’appliquer comme un.e bonne élève un concept que tu n’as pas véritablement compris. 

Et te voilà pris.e dans la roue du hamster.

Il y a des innovations inoovantes en recrutement partout

Car il peut y avoir des effets pervers à toutes ces nouveautés : 

Effets pervers

  •  L’effet “pansement sur une jambe de bois” : 
    Tu te focalises sur ce nouveau hack à la mode au lieu d’adresser les problématiques de fond (par exemple, ton organisation ou ton processus d'évaluation).
  • La perte d’énergie : 
    Tu mets toute ton énergie à prendre en main ce nouveau gadget mais après quelque temps, l’effet retombe. Tu es déçu, et en plus tu es fatigué. 
  • La perte d’argent : 
    Tu as investi du temps et des euros dans une solution mais finalement, tu te rends compte qu’elle ne t’est pas si utile que ça.
  • La perte de confiance : 
    En te concentrant sur ce qui te manque, tu oublies ce que tu fais déjà super bien et que tu peux valoriser.

Pourquoi sommes-nous si faibles

Mais pourquoi sommes-nous si sensibles aux chants des sirènes et si prompts à nous ruer sur les derniers gadgets à la mode, plus qu’à revoir nos processus? 

Pour plusieurs raisons :

  • Injonctions culpabilisantes Quoi tu ne fais pas de CV vidéo ? Mais attend, tu n’utilises pas Chat GPT ? Et tu n’as pas de compte Tiktok pour recruter ? Honte à toi !
    Ces ordres que l’on semble recevoir de toutes parts se transforment en une espèce d’impératif autoritaire, qui nous fait nous sentir “à la traîne”, ou “pas au niveau”. Et personne n’a envie de se sentir jugé comme ça - alors, on s’élance dans une course à la nouveauté.
non mais allo quoi
  • Le FOMO (fear of missiong out) A.K.A la peur de rater quelque chose. Une anxiété moderne, qui tient à la peur “de ne pas en être”- c’est-à-dire, d’être rejeté.
    Tu as tellement peur de “rater le train” et de te laisser distancer par tes concurrents si tu n’adoptes pas rapidement les nouvelles méthodes ou technologies, que te voilà à t’agiter dans tous les sens.
fear of missing out
  • Le syndrome de l’objet brillant: La nouveauté est toute auréolée de présupposés positifs.
    On adore ça, les trucs nouveaux, surtout s’ils nous font paraître plus intelligents que le voisin. 
    Parfois, il ne s’agit même pas d’une nouveauté, mais plutôt d’un vieux concept relooké pour l’occasion d’un nouveau vernis brillant. 
    Et ce syndrome nous pousse alors à nous intéresser à ce qui brille, plutôt qu’aux idées pas forcément nouvelles, mais tout aussi importantes.
le syndrome de l'objet brillant

Ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain

Bien entendu, toutes les nouveautés ne sont pas non plus mauvaises. 

L’apport du marketing dans le recrutement, que ce soit dans la rédaction d’annonce, ou dans la posture “candidat centric” (entre autres) nous a par exemple permis de réinventer les pratiques et redécouvrir des sujets sous un autre angle. 

Et changer sa posture, c’est déjà innover.

De la même façon, les outils (ATS en tête) nous font gagner un temps considérable et il ne serait plus envisageable de revenir en arrière. 

L’idée n’est donc pas de résister au changement, car cela ne l’empêche de toute façon pas de se produire, mais de savoir prendre du recul sur toutes les nouveautés, Bon, et comment on fait alors ?

Méthode

L’idée n’est bien entendu pas de se fermer à la nouveauté, mais plutôt de surfer intelligemment sur les vagues de l’innovation. 

Voici mes conseils pour y voir plus clair : 

may the process be with you
  • Reste ouvert aux tendances et aux signaux faibles, mais prends du recul Organise une veille afin de rester toujours au courant des évolutions dans le secteur du recrutement. 
    Mon conseil ? Crée une adresse mail spécifique pour recevoir tous ces contenus et consacre 10 minutes par jour à la lecture. Cela t’évitera de te disperser.
  • Analyse s’il s’agit d’une véritable innovation ou d’un effet de mode 
    Parfois, ce qui est présenté comme innovant n’est en fait qu’un soufflé qui va retomber aussi vite qu’il est monté. Parfois, c’est une invention qui change en profondeur la manière d’aborder le métier. 
    Pour que l'innovation soit réussie, elle doit servir la vision, et pas la dicter. Ce doit être un asset stratégique, mais pas un écran de fumée. La durabilité d’une solution est un bon axe de sélection.
  • Détecte si ce nouvel outil est vraiment utile à TA situation
    Toutes les entreprises, et tous les recruteurs, n’ont pas les mêmes besoins au même moment.
    C’est important que tu analyses la maturité de ton entreprise sur le sujet, mais aussi celle de ta propre pratique. 
    L’innovation doit avant tout être écologique, c’est-à-dire respecter l‘intégrité (ici, identité de l’entreprise et du recruteur) et les ressources (temps, argent, énergies, compétences).
  • Comprends si cela va t’aider à progresser dans ta pratique de recruteur 
    Mesurer l’efficacité d’une nouvelle méthode est un bon moyen pour en comprendre l’application concrète. Pour chaque nouveauté que tu aimerais essayer, détermine d’abord quels problèmes elle est censée résoudre, comment tu sauras concrètement que cela a été efficace (les indicateurs) et en combien de temps tu espères un résultat.
    Pilote ensuite régulièrement.
  • N’oublie pas les vrais sujets 
    La course à la nouveauté ne doit pas être une fuite en avant pour éviter d’adresser des sujets, certes moins sexy, mais stratégiques pour ton développement…

Fort sur ses appuis

Être puissant sur nos compétences de cœur, c’est fondamental. 

Cela veut dire :

  • Être solide sur son processus : Il est essentiel de disposer d'un processus de recrutement bien défini, clair et cohérent. 
  • Rédiger des annonces efficaces 
  • Être affûté sur ses techniques d’entretien: afin de garantir une évaluation rigoureuse des candidats, en évitant les biais cognitifs.
  • Améliorer sa communication: pour développer sa posture face au client et au candidat 
  • Maîtriser ses KPIs : Utiliser des indicateurs clés de performance pour mesurer l'efficacité des activités de recrutement et identifier les domaines d'amélioration. 
  • Avoir une organisation au cordeau : et apprendre à jongler entre plusieurs postes, plusieurs clients et des centaines de candidats sans s’épuiser 
  • Savoir collaborer : Assurer un travail efficace entre les différentes équipes impliquées dans le recrutement, en favorisant la communication et la coordination.

Ça fait déjà beaucoup. Si on est assurés sur ces points-là, on aura déjà une pratique de qualité. 

Et cela peut prendre toute une carrière pour aiguiser ces compétences.

Conclusion

On ne recrute plus comme dans les années 20 et c’est très bien comme ça. 

L’innovation est très présente dans le recrutement et nous permet de réinventer nos pratiques 

Mais cela ne doit pas nous faire oublier que le meilleur outil du recruteur, c’est lui-même. 

C’est certes parfois moins sexy, mais gageons que dans 20 ans encore, bien poser des questions, ce sera toujours une compétence unique du recruteur !

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À propos de l'auteur·e
Joanna Bouy
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Experte en Talent Acquisition, formatrice et coach en recrutement