1 candidat sur 2 pense que c’est au recruteur de le convaincre.
82% attentent des entreprises qu’elles recrutent en 1 semaine maximum.
42% abandonnent leur candidature s’ils n’ont pas de nouvelle au bout d’une semaine.
Voilà qui donne le ton.
Ce constat partagé par Seiza dans son enquête candidat 2024 révèle une forte tendance : les candidats sont jugés volatiles, certes, mais ça s’explique : ils espèrent de la réactivité et plus que jamais de la considération de la part des entreprises.
Un des challenges n°1 pour les recruteurs est donc de réussir à engager les candidats dans le process de recrutement.
Pour s’en rapprocher le plus possible, il est nécessaire de se pencher sur ses propres pratiques, pour sélectionner celles qui répondront le mieux à ce besoin de réactivité et d’estime.
C’est pourquoi, nous vous proposons un gros focus sur un document parfois décrié : le dossier de candidature.
Et oui ! Il peut être jugé
- comme une perte de temps,
- inutile,
- trop “à l’ancienne”,
- en désalignement avec les pratiques actuelles,
Comme le souligne Elie Toupart, dans ce post.
La nuance étant capitale pour faire évoluer tout le monde, vous allez découvrir à travers cet article les pratiques de Sylvie Descamps, Fondatrice de Scarlet RH et Consultante en recrutement qui utilise justement le dossier de candidature comme un amplificateur d’engagement, à la fois pour ses candidats et pour ses entreprises clientes.
Et si finalement, ce n’était pas l’outil en lui-même qu’il fallait remettre en cause, mais la manière dont il est utilisé et toute l’expérience candidat qui l’entoure ?
Réponse à suivre…
Dossier de candidature : Rappel de sa définition
On décrit généralement le dossier de candidature comme un dossier dans lequel il est demandé au candidat de retracer tout son parcours, en plus d’ajouter ses coordonnées ou même sa photo. Il peut joindre son CV, sa lettre de motivation, ses diplômes, ses certificats, ses références, ou son portfolio éventuellement.
Il peut également comprendre une rubrique où le recruteur pourra insérer son commentaire retour, ou encore une synthèse des points clés de la candidature pour diffusion ensuite auprès d’une entreprise cliente ou d’un manager.
Cela amène à un composant crucial : l’obligation légale de signaler aux candidats qui sont les personnes ou les entreprises auxquelles les informations concernées seront transmises, et de la possibilité dont il dispose d'accéder aux informations fournies ou de les rectifier.
Les principes de base
Utiliser un dossier de candidature ou pas, il n'y a pas d’obligation, c’est votre choix.
En revanche, il y a des principes de base à observer !
Un peu de contexte :
Dans son cas, Sylvie est “solopreneure” et elle recrute principalement sur les fonctions supports et tertiaires, du commercial au directeur administratif et financier, pour des statuts cadres et agents de maîtrise, avec pour clientèle des PME et ETI dites de proximité et très agiles.
Bref, elle chasse des profils très ciblés et fait presque du sur mesure pour ses clients.
“C’est un marché très dynamique et tendu, et ma stratégie pour me différencier de mes concurrents, c’est d’instaurer dès le départ une relation de confiance et personnalisée. Aussi bien avec les candidats, qu’avec les clients, pour bien comprendre les besoins et les attentes des 2 côtés.” Sylvie.
C’est un préalable fondamental, peu importe le ou les outils qui seront utilisés, que de garantir une belle expérience client et candidat.
Les conditions de Sylvie avant d’utiliser le dossier de candidature :
- Il ne peut pas se substituer à un entretien d’évaluation,
- Il doit s’inscrire dans un parcours de recrutement simplifié : idéalement, pas de CV, ni de lettre de motivation, et un nombre d’entretiens limités,
- Il requiert impérativement du feedback, les candidats doivent obtenir un retour détaillé,
- Les questions qu’il comporte sont complémentaires, pas redondantes avec l’entretien,
- Il peut s’adapter en fonction des profils,
- Il n'y a pas de mauvaise réponse.
“Ce dernier point est d’autant plus vrai car mon dossier sert avant tout à projeter le candidat dans son futur poste, beaucoup plus que de l’évaluer, avec un volet RH pour bien comprendre ses attentes en formation, onboarding ou encore en management. C’est un dossier personnalisé.” Sylvie.
Un processus fluide sinon rien
Vous l’aurez compris, une des conditions sine qua non, c’est de proposer une expérience fluide.
Sylvie décompose son cycle de recrutement en 5 phases :
Phase 1 : Une “préqualification séduction”
Sylvie aime parler d’échange, pas d’entretien. Chassant sur LinkedIn ou dans son propre réseau, elle ne demande pas de CV.
L’interview se concentre prioritairement sur les attentes du candidat et sur le poste qu’elle a à lui proposer.
Pour elle, l’enjeu à cette étape est non pas d’évaluer, mais de captiver son candidat.
Elle se doit alors de connaître ses clients sur le bout des doigts, leur environnement et les postes précis.
“C’est un point que je trouve essentiel, c’est de très bien connaître l’entreprise pour laquelle on recrute. Souvent mes candidats sont surpris, parce qu’ils pensent que je suis interne et que je travaille au service RH. Et ça, c’est dû au fait que je connais leurs perspectives de développement, leur culture, leurs managers. Ça me donne une capacité à les projeter vraiment dans une entreprise.” Sylvie.
Un savant mélange de questions ouvertes pour découvrir ses candidats et d’un maximum d’informations sur ses entreprises clientes.
Sylvie conclut d’ailleurs ce premier entretien par des encouragements, à prendre le temps de se renseigner sur l’entreprise. Elle laisse les cartes entre leurs mains.
Phase 2 : La transmission du cadre
Toujours avec cette envie de les positionner en tant que décideurs, Sylvie transmet à ses candidats une fiche de poste complète et le fameux dossier de candidature avec pour instruction, de prendre le temps d’y réfléchir et de lui faire un retour sous 3 à 4 jours.
De plus, elle leur précise que le dossier sera remis avec leur accord à l’entreprise pour laquelle ils confirment vouloir candidater, leur permettant d’avoir une visibilité sur leur parcours et leurs attentes.
A noter, Sylvie s’attache systématiquement à organiser un échange téléphonique avec ses candidats pour débriefer leur dossier ou approfondir certains points.
“C’est pour moi un engagement de la part du candidat qui va prendre du temps pour compléter ce dossier, ça va l’impliquer pleinement dans le processus. On obtient ainsi un niveau égalitaire entre le candidat, mais aussi l’entreprise qui prendra le temps de lire le dossier et s’en servira pour les futurs entretiens.” Sylvie.
La démarche peut être pourquoi pas complétée d’un guide candidat, on vous partage des exemples très concrets sur le blog :
Aparté : Plus qu’un dossier de candidature, un dossier futur collaborateur ?
Au delà des questions classiques sur le parcours, le dossier comprend 2 formats de questions différenciants :
Des mises en situation,
Comme avec la question “Pourriez-vous décrire une situation où vous avez relevé un défi avec succès ou surmonté une difficulté ? Que vous a appris cette expérience ?” ou bien, “Avez-vous en mémoire une situation qui vous a particulièrement marqué en tant que manager ? Pourriez-vous expliquer pourquoi ?”
Des projections,
Pour sonder les besoins en matière d’intégration en entreprise, avec des questionnements du type “Quels sont les éléments qui pourraient faciliter votre intégration ?” ou “Y’a t’il des axes particuliers sur lesquels vous aimeriez être accompagné.e ?”
“Dans le dossier, j’invite les candidats à utiliser la méthode STAR pour mettre en lumière leurs réalisations. Quant au questionnement sur l’onboarding, c’est pour moi un moyen de de bien comprendre leurs motivations et les leviers à activer pour les inviter à rejoindre une nouvelle entreprise.” Sylvie.
Petite parenthèse sur la méthode STAR. Il s’agit d’une technique permettant aux candidats de s’exprimer de manière ouverte en indiquant des situations, tâches, actions et résultats qui illustreront et démontreront leurs compétences.
Dans le détail, ça donne :
- La situation de départ ou autrement dit le contexte,
- La ou les tâches concernées,
- Les actions menées pour y arriver,
- Les résultats : est-ce un succès ou non, et quelles leçons possibles en tirer.
Le dossier est l’occasion de proposer aux candidats de partager des références, mais Sylvie précise que c’est facultatif, il n’y a absolument aucune obligation.
Phase 3 : Du feedback, du feedback et encore du feedback
Comme dit précédemment, Sylvie organise toujours un entretien post-dossier pour commenter ce qu’a partagé le candidat à l’écrit.
L’opportunité de revenir sur certains points s’ils sont incompris.
S’il y a un prochain entretien possible chez son client, elle va de fait prendre le temps de l’y préparer avec un focus plus poussé sur la culture de l’entreprise et les personnalités des managers à rencontrer.
“Je m’appuie rigoureusement sur le dossier et des réponses des candidats pour les accompagner au mieux. C’est aussi ça, l’utilité du dossier de candidature. Mon objectif est clair, je veux que mes candidats se sentent prêts, et qu’ils aient le maximum d’informations pour arriver en entretien en étant déjà convaincus. On est toujours sur ce travail d’investissement dans le processus.” Sylvie.
Phase 4 : Une rencontre entreprise facilitée
On peut alors se poser la question, est-ce que ce dossier de candidature est au final un document qui ne concerne que le candidat et le recruteur ?
Pour Sylvie, il devient un relais puissant entre elle, le candidat ET l’entreprise.
Elle engage son client à lire le dossier avant entretien et elle le clame avec beaucoup de fierté aujourd’hui : ils le lisent tous à 100%.
“Alors, c’est certainement une question de posture, mais, mes clients sont avant tout des partenaires. C’est bien plus qu’une histoire de dossier. Je peux dire que, j’ai beau être externe, je pense avoir un réel impact auprès des entreprises. Mes clients m’écoutent et c’est le fruit d’un long travail dans la collaboration et la confiance.” Sylvie.
Pour preuve, un de ses clients qui apprécie la qualité de son travail est allé jusqu’à la faire intervenir dans son comité de direction pour parler de la génération Z et de ses attentes.
Le dossier devient un outil de facilitation, apportant au client des facteurs clés, lui permettant de se concentrer sur l’évaluation plus technique et la projection dans son entreprise. Ses clients apprécient d’être davantage dans des sujets d’évolution, de développement et d’intégration.
De façon alternative, il existe le compte-rendu d’entretien à transmettre à son client. Un sujet qui avait déjà été abordé sur le blog par Mariama Chameyrat.
Enfin, vous pouvez imaginer y ajouter des retours plus larges sur vos progressions en matière de sourcing ou vos observations en termes de tendances du marché, tel que ce rapport d’avancement que j’utilisais moi-même quand j’étais recruteuse :
Phase 5 : La restitution complète
Toujours avec cette ambition de renforcer l’adhésion du candidat dans le processus, Sylvie veille à recueillir ses impressions après entretien.
Tel un rapport d’étonnement, elle va solliciter ses observations, les décalages possibles entre ce qu’elle a présenté et l’expérience entretien chez le client, et ce qu’il retient de l’échange.
Par la suite, elle planifie des réunions hebdomadaires avec ses clients pour débriefer des entretiens passés.
Elle en profite pour leur faire part des retours de ses candidats et ce qu’ils ont pu remonter de positif comme de négatif.
Une démarche cohérente avec toute sa procédure qui consiste à proposer une expérience qualitative, aux candidats comme aux entreprises.
Les 6 bénéfices du dossier de candidature
Le ghosting est très problématique en recrutement, aussi bien quand il touche les candidats, affectés par le manque de communication des recruteurs, que les candidats qui subitement se désengagent d’un recrutement.
Le dossier de candidature peut devenir un outil :
- Engageant pour les 2 parties, y compris l’entreprise, car tout le monde s’implique,
- Rééquilibrant, chacun trouve ainsi sa place,
- Riche, permettant au candidat de donner des réponses complètes et réfléchies,
- Qui apporte de l’égard, avec tout l’accompagnement et le feedback autour, le candidat ne se sent pas/plus comme un numéro,
- De référence, utile pour retrouver toutes les informations utiles,
- Objectif, puisqu’il offre une certaine standardisation du recrutement.
De l’expérience à la relation candidat
Pour Sylvie, l’expérience se poursuit une fois le recrutement terminé.
En effet, elle prend du temps pour entretenir du lien avec ses candidats, y compris quand ils ne sont pas retenus et elle s’appuie à nouveau sur le dossier de candidature pour reprendre et entretenir les échanges.
Il contribue à cultiver son vivier.
“C’est un choix, mais, je propose mon aide aux candidats même s’ils ne sont pas sélectionnés par mes clients. Le dossier de candidature devient alors une vraie ressource pour bien les connaître et revenir vers eux régulièrement. Ça m’octroie en quelque sorte un temps d’avance sur mes concurrents pour pouvoir présenter mes candidats pour d’autres opportunités à venir.” Sylvie.
Pour finir, à chacun ses outils !
Si pour certains, le dossier de candidature est considéré comme un outil pour des recruteurs paresseux, Sylvie y voit au contraire une possibilité de dégager du temps pour en passer davantage sur sa relation candidat.
C’est ainsi qu’elle réussit à répondre à son envie de privilégier la qualité plus que la quantité, pour des relations pérennes avec ses candidats comme avec ses clients.
Quand on voit l’expérience candidat qu’elle propose, on peut légitimement se dire que, ce ne sont pas les outils qu’il faut remettre en question, mais bel et bien comment il est utilisé par les recruteurs et dans quel contexte.
Candidats et clients exigent communication, transparence et efficacité, et ce, en définitive, quel que soit l'outil utilisé pour répondre à ces attentes.