Structurer son recrutement n’a jamais été autant d’actualité.
A la fois pour cadrer son processus, proposer une expérience égalitaire à tous les candidats, ou encore s’assurer une évaluation objective des compétences.
Pour y arriver, des outils et des méthodes sont à votre portée.
Seulement, utiliser des outils, comme la scorecard, pour structurer son recrutement c’est bien. Mais savoir la mettre en place et accompagner les parties prenantes dans son utilisation, c’est encore mieux.
Il est tout d’abord primordial de rappeler que les injonctions sont dangereuses : utiliser une scorecard ne constitue pas un remède miracle en soi.
Parce qu’au final, à chaque contexte = sa solution.
C’est pourquoi aujourd’hui, nous mettons la lumière sur Aurélien Rigard et ses pratiques pour structurer son recrutement.
Il a rejoint in Residence | WEFY Group comme Talent Acquisition Manager en mai 2022 et nous partage non pas LA vérité, mais SA vérité sur la scorecard. Vous découvrirez comment il réussit un peu plus chaque jour à intégrer cet outil dans le quotidien des managers avec lesquels il collabore.
Car c’est aussi ça, l’enjeu : conduire ce changement et amener toutes les parties concernées à adopter une nouvelle méthodologie.
Scorecard : De quoi parle-t-on ?
“Le terme de « scorecard » a été démocratisé grâce à Geoff Smart, l’auteur du livre « Who – The A method for hiring ». Il y explique comment recruter, convaincre et fidéliser les meilleurs talents dans son entreprise.
Petite parenthèse. Bien que cet ouvrage soit encore considéré comme une référence, il ne fait pas pour autant l’unanimité, même parmi les personnes qui l’ont recommandé activement par le passé. Par exemple, voici le post de Nicolas Galita, de l’Ecole du Recrutement à ce sujet :
“Voilà 5 raisons d'arrêter de le conseiller.
Je le dis d'autant plus que, comme beaucoup d'autres personnes, je l'ai recommandé avec enthousiasme il y a quelques années.”
La scorecard est définie comme un résumé, un document de référence qui permet de caler le besoin en recrutement. Ce document centralise l’ensemble des informations concernant : la mission du poste, les résultats escomptés ainsi que les compétences attendues par le collaborateur qui sera recruté. Il permet ensuite de recruter des collaborateurs en phase avec le besoin cadré, mais aussi de suivre l’évolution de ce dernier dans l’entreprise.”
Cet outil sert également de point de repère pour la conduite d’entretien, amenant à éliminer les questions inutiles pour favoriser ce qui importe vraiment.
Bien utilisé, il devient une base d'échange commune et documentée pour évaluer les candidats rencontrés et va jusqu’à améliorer l'expérience candidat en expliquant factuellement les raisons d'un refus.
Un peu de contexte
Aurélien est actuellement en mission pour BPCE Infogérance et Technologies, une des filiales du groupe BPCE. Il intervient en RPO, littéralement Recruitment Process Outsourcing, ce qui lui permet d’être pleinement intégré aux équipes.
“Dans ce format, la priorité est d’assurer le “delivery” et d’apporter de la satisfaction aux personnes accompagnées (dirigeants, candidats et managers). Je m’efforce de mon côté de laisser une trace durable de mes pratiques : faire évoluer le regard porté sur le recrutement, structurer ce sujet, le rendre plus stratégique et plus impactant.” Aurélien.
- Est-ce vraiment la priorité ?
Apprendre aux équipes à clarifier leurs besoins ou à fournir des feedbacks complets devraient être une priorité. Quel est le degré de maturité de votre entreprise sur les questions recrutement ?
- Comment s’y prendre ?
Une des règles fondamentales serait de considérer que le changement est constant. On ne peut pas décider de mettre en place la scorecard et ne mener aucune autre action. L’adoption d’un tel outil, comme toute autre révolution dans vos pratiques, doit idéalement s’inscrire dans un mouvement d’amélioration continue.
- Par quoi commencer ?
Consolider les bases. Sans bases solides en recrutement, que ce soit au niveau des RH ou des hiring managers, scorecard ou pas, le recrutement a de fortes chances de devenir un point de friction.
La scorecard en 6 clés
Clé 1 : Plus qu’un brief, un audit
Aurélien profite de sa prise de brief avec les managers pour auditer leur degré de maturité en termes de pratiques et connaissances du recrutement.
Cela passe par quelques questions, qu’il intègre systématiquement dans sa trame, comme :
- As-tu déjà recruté ?
- Dans quelles conditions ?
- Comment se sont passées tes précédentes prises de brief avec des recruteurs ?
- Quelles sont selon toi les attendues des entretiens ?
- Comment tu évaluerais / choisirais 2 candidats qui ont des profils similaires ?
Une majorité de questions ouvertes afin de déterminer comment se sent le manager pour recruter.
Cela lui permet de voir où en sont les uns et les autres et quels sont les aspects à faire évoluer ou pour lesquels un accompagnement renforcé est nécessaire.
“Je me considère vraiment comme responsable de la réussite des managers dans leur recrutement. Ma priorité est donc de les mettre en condition de réussite, et pour cela, il faut impérativement les accompagner.
En fonction du niveau de maturité, j’apporte quelques piqûres de rappel importantes (comme l’utilité de la prise de brief, le déroulé des entretiens, les critères de non-discrimination, ou les questions interdites).” Aurélien
Une étape incontournable pour s’assurer d’être aligné sur les termes utilisés et leur signification.
Et puis bien évidemment, le brief de manière classique, comprend la définition du besoin, les compétences à cibler, le profil à recruter.
L’enjeu étant en outre d’assimiler les différents environnements, de capter et appréhender les sujets du quotidien, Aurélien en profite pour s’imprégner au maximum des équipes et de l’expertise métier que peut offrir le manager.
Cette entente est indispensable pour éviter les allers-retours et erreurs par manque d’alignement ou de hiérarchisation des critères.
In Residence met par ailleurs à disposition une boîte à outil publique comprenant une trame de brief :
Clé 2 : La bonne posture
Selon Aurélien, il est question de toujours partir du principe que :
- L’équipe RH connaît bien plus les dynamiques d’équipe,
- Les managers connaissent parfaitement le job pour lequel ils recrutent,
- Les cofondateurs vont mieux parler de la culture et fédérer pour convaincre la personne de rejoindre la boite.
Il doit pouvoir compter sur ces parties prenantes, conscient que la qualité des recrutements dépend entièrement de la façon dont la collaboration se déroule. La qualité des recrutements dépend entièrement de la façon dont la collaboration se déroule.
“Avant mon arrivée dans l’entreprise, le job était fait par d’autres personnes. Les dirigeant·es, les RH ou des stagiaires parfois. Est-ce que ça veut dire que c’était bien fait ? Non, pas forcément. Mais est-ce que ça veut dire qu’ils ont quand même pu recruter sans moi ? Oui.” Aurélien
Clé 3 : Former sans forcer
La scorecard pourrait bien être un échec s’il n’y a pas de formation en parallèle. Il est important de veiller à ce que tout le monde ait le même socle.
Cependant, la philosophie d’Aurélien c’est de ne pas contraindre. Loin de là.
Lorsqu’il en a l’occasion, il partage des ressources internes ou externes aux managers pour les amener à une meilleure compréhension des enjeux, il reste aussi disponible si besoin.
Des mini-formations sont parfois organisées avec des focus sur des thèmes en particulier, mais chacun reste libre d’y participer, il n’est jamais question de prendre par la main ou d’infantiliser.
Clé 4 : La scorecard comme cadre de référence
Aurélien envisage cet outil comme un cadre de référence grâce auquel sont mis en évidence les points à évaluer.
Il apporte un premier niveau de structure. Et ensuite, seulement ensuite, les questions à poser pourront être définies.
Cet outil peut prendre différentes formes, sous Excel ou intégré dans un ATS.
In Residence partage via son lien ressource une trame de scorecard que vous pouvez vous réapproprier.
2 onglets et niveaux sont à distinguer dans le modèle utilisé par Aurélien :
Niveau 1 : l’onglet recruteur
A son échelle, il intègre les questions qu’il prévoit de poser aux candidats lors de la préqualification et rend accessible le document aux managers.
Ainsi, ils peuvent voir ce qui a été évalué lors du tout premier entretien et imaginer leurs propres questions pour la phase suivante qui les concerne.
Niveau 2 : l’onglet manager
Sur ce même fichier, le manager dispose de son onglet et des points complémentaires que lui va évaluer. Ses questions peuvent tout à fait rester décentralisées, rien ne leur est imposé.
Chaque onglet n’est pas hermétique. Aurélien peut parfois se pencher sur certains aspects techniques si cela le nécessite et inversement.
“Évidemment, tout dépend de la culture de votre entreprise, les managers BPCE-IT sont pour la plupart impliqués et ont un regard en amont sur ce que chacun fait. Ils n’hésitent pas à me solliciter directement pour avoir une meilleure compréhension de mon action dans le process. Je les encourage en retour à se challenger sur la pertinence des questions posées en entretien, on choisit alors de travailler en confiance.” Aurélien
Cette approche éveille une conscientisation du travail de chacun, et offre un moyen de prendre le relais au sein de l’équipe, en cas d’absence.
C’est un choix, celui de l’exemplarité et de la transparence.
Clé 5 : Insuffler le changement
En donnant un libre accès à ses outils et ses méthodes, Aurélien suscite l’intérêt, et pour les plus curieux qui en ont envie, il les accompagne volontiers pour passer un cran au-dessus.
“J’insiste sur le fait que ce n’est pas parce que j’utilise la scorecard que j’augmente la fiabilité de mes entretiens. J’apporte de la structure, mais je laisse la liberté. Structurer, ça veut dire définir la colonne vertébrale. On a déterminé les premières règles du jeu, je laisse les joueurs se les approprier et revenir vers moi s’il le souhaite pour aller plus loin” Aurélien
Effectivement, pour en arriver à les accompagner sur la méthode des incidents critiques, ou l’utilisation de questions comportementales ou situationnelles par exemple, il compte à nouveau sur l’exemplarité.
Il observe qu’au final, dans ce climat de confiance, les managers viennent spontanément à lui pour optimiser leurs pratiques et réalisent d’ailleurs très vite d’eux-mêmes que les questions ouvertes sont efficaces.
Une fois convaincus, ces mêmes deviendront ambassadeurs et moteurs auprès des plus indécis ou réfractaires, notamment grâce à des partages de retours d’expérience.
L’idée est de stimuler l’éveil et des prises de conscience plus larges.
Aurélien lui-même s’appuie de sources qui l’inspirent, comme cet article d’Amélie Collinet, sur l’entretien structuré.
“Quand je vois le nombre de ressources qui existent sur la scorecard, on pourrait se poser la question : pourquoi la scorecard n’est toujours pas la norme dans les process de recrutement ? C’est la même raison qui explique que l’on a du mal à se défaire de nos habitudes, qu’il y a encore trop de recrutements basés sur des croyances, des présomptions et des expériences” Aurélien
Voilà qui rejoint l’approche « evidence based » relayée par Aurélien et initialement partagée par Elise Moron dans une des éditions 2022 de sa newsletter Blendy, où elle y évoque une étude mettant en lumière le fait que l’on accorde plus de crédit à notre propre expérience qu’aux résultats de la science. Vous pouvez en retrouver les détails dans la 2ème partie via ce lien.
Clé 6 : Évaluer les progrès
Enfin, pas d’amélioration possible sans évaluation des progrès.
Les équipes BPCE-IT ont mis en place un NPS auprès des managers pour évaluer la qualité de la relation et de l’accompagnement du recruteur. Un questionnaire de satisfaction, transmis à chaque manager après chaque recrutement.
Celui-ci sert à estimer leur expérience recrutement et le chemin parcouru, avec des critères portant entre autres sur leur niveau de satisfaction vis-à-vis des conseils et avis apportés ou encore sur le process de recrutement dans son ensemble.
Sur l’année 2023, ils ont alors observé une augmentation de la satisfaction générale de 15 points.
Conclusion : Zéro injonction
Vous l’aurez compris, la scorecard ne reste qu’un outil. Il y a en réalité toute une démarche autour, à la fois pour son déploiement, son utilisation, et une approche collective indispensable pour que cela fonctionne.
Mais surtout, un mode d’inspiration où chacun est libre et avance en fonction de sa maturité.
Pas de place à l’injonction.
Tout n’est pas blanc ou noir, il y a beaucoup de nuances et de la place aussi pour l’intuition.
Parce qu’après tout, l’intuition n’est qu’une donnée légitime parmi tant d'autres, que vous pouvez questionner grâce à l’excellent article de Pierre-André Fortin ci-dessous👇 :
En complément de cet article qui s’écoute, je vous propose également d’écouter l’épisode du podcast Recruiters Inda House au sujet justement, de la scorecard, avec pour invité (devinez qui), Pierre-André Fortin.
“C’est une approche qui est raccord avec qui je suis et la manière dont je vois le métier. Comme toute méthode, il faut trouver la meilleure manière de se l'approprier pour pouvoir l'exploiter au mieux.” Aurélien
Alors, inspirés ?