Et si on arrêtait de faire des RH le bouc émissaire parfait ?

Marie-Sophie Zambeaux
Et si on arrêtait de faire des RH le bouc émissaire parfait ?

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« Coupeurs de têtes », « bureaucrates sans cœur », « bras armé de la direction » : les surnoms ne manquent pas pour désigner les RH. Tour à tour soupçonnées de froideur, de duplicité ou de lâcheté, elles sont devenues les cibles privilégiées d’un mal-être diffus dans les organisations.

Il faut se rendre à l’évidence : quelque chose est pourri au royaume des RH. Ce n’est plus seulement une crise de réputation. C’est une spirale de défiance qui s’enracine et affaiblit une fonction pourtant conçue pour porter l’humain, le dialogue et le collectif.

Et les chiffres ne font que confirmer ce malaise : en 2022, seuls 58 % des salariés avaient une image positive des RH contre 76 % en 2015. [1] En sept ans, la confiance s’est fissurée. Le fossé entre les collaborateurs et la fonction RH s’est creusé jusqu’à menacer la crédibilité même de son rôle.

Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi cette image dégradée colle-t-elle autant à la peau, malgré les engagements réels de nombre de professionnels RH ? Et surtout : comment sortir de ce rôle de paratonnerre pour redevenir un acteur de confiance au cœur de l’entreprise ?

Dans Personne n’aime les RH – Et il est temps que ça change !, Gaspard Tertrais et Rébecca Renverseau [2] nous invitent à plonger dans les racines de ce désamour et à en finir avec une spirale dévalorisante qui semble sans fond. C’est cette dichotomie entre le potentiel immense des RH et leur image ternie que nous explorons dans cet article en décortiquant les ressorts du RH bashing et les leviers concrets pour enfin changer la donne. C’est parti !

🔥 Une fonction sous le feu des critiques

La fonction RH se trouve prise dans un paradoxe délétère. À la fois attendue comme garante du bien-être et accusée de tous les maux, elle est jugée selon une grille biaisée qui mine sa légitimité et son efficacité. Cette position « inconfortable » repose notamment sur deux dynamiques bien distinctes : une perception ambivalente de son rôle et son usage régulier comme bouc émissaire organisationnel.

  • Une perception ambivalente

Les RH occupent une position d’équilibriste constamment tiraillée entre des attentes parfois contradictoires. D’un côté, on attend d’elles qu’elles défendent les salariés, qu’elles soient le relais de la parole des équipes, les garantes de la qualité de vie au travail ; de l’autre, elles sont souvent perçues comme les exécutantes du top management, les relais d’une logique financière ou stratégique qu’elles n’ont pas choisie.

Dans cette tension permanente, la fonction se retrouve systématiquement suspectée : soit de duplicité, soit d’impuissance. Quelle que soit sa posture, elle semble toujours du mauvais côté ou, en tout cas, jamais du bon. Comme le rappellent les auteurs : « En entreprise, on attend des RH qu’elles soient à la fois loyales à la direction et proches des équipes. C’est un numéro d’équilibriste… sans filet. » [2]

  • Le bouc émissaire idéal

À cette ambivalence s’ajoute un mécanisme bien connu des dynamiques collectives : celui du bouc émissaire. Lorsque les tensions s’accumulent, que les réorganisations se succèdent ou que les décisions impopulaires tombent, les RH deviennent les cibles toutes désignées. 

Pourquoi elles ? Parce qu’elles incarnent, dans l’imaginaire collectif, le visage humain de l’entreprise. Et quand l’humain souffre, c’est vers ce visage que se tournent les reproches.  

« Peut-être parce que les RH incarnent, dans l’imaginaire collectif, les gardiens de l’humain dans l’entreprise. Leurs maladresses sont perçues comme des trahisons de cette mission première. Un manager peut être critiqué pour sa dureté, un directeur financier pour son obsession des chiffres, mais on attend des RH qu’ils protègent, comprennent, accompagnent. Quand ils faillissent à cette mission, la déception n’en est que plus vive. » [2]

Et parce qu’elles sont visibles pardi ! Ce sont elles qui animent les process, qui signent les courriers et accompagnent les annonces. 

Ce rôle d’intermédiaire les expose à une forme de procès permanent. On leur reproche des procédures trop complexes alors même qu’elles répondent à des obligations légales. On les accuse d’être à l’origine de plans sociaux alors que les décisions ont été actées bien en amont, en comité restreint. On pointe leur responsabilité dans des politiques salariales jugées injustes sans voir qu’elles ne font souvent qu’en décliner les lignes fixées ailleurs.

Ce phénomène est renforcé par un biais psychologique puissant à savoir le biais de négativité. Les expériences négatives liées aux RH (restructurations brutales, plans sociaux, licenciement, recadrage, conflit) laissent des traces bien plus durables que les accompagnements réussis ou les gestes silencieux du quotidien. Et il suffit d’un mot maladroit, d’un mail sec ou d’un non-dit pour raviver une perception dégradée.

Résultat : une fonction jugée plus qu’elle n’est comprise, perçue comme responsable de décisions qu’elle n’a pas prises et laissée seule en première ligne.

Comme le souligne Thomas Chardin, Dirigeant fondateur de Parlons RH : « Il y a une représentation sociétale qui n’est vraiment pas très positive, sur laquelle le DRH ne fait rien. Le DRH est quand même un sacré souffre-douleur. C’est toujours une représentation un peu caricaturale où le DRH est soit un zéro, soit un salaud. Ce n’est jamais un héros. » [2]

🧱 Pourquoi les RH sont-elles les boucs émissaires idéaux ? Quatre explications clés

1. Un rôle flou, aux contours mouvants

La fonction RH est assignée à une multitude de rôles, souvent contradictoires : stratège de la transformation, gestionnaire administratif, psychologue improvisé, avocat du salarié, bras droit de la direction, médiateur de crise etc. À force de porter tous les chapeaux, les RH finissent par n’avoir ni contours clairs ni périmètre reconnu. Ce flou alimente les malentendus et affaiblit leur légitimité.

Difficile alors d'imposer une ligne claire. Quand les RH sanctionnent, on les accuse de froideur. Quand elles accompagnent, on les soupçonne de manipulation. Quoi qu’elles fassent, elles perdent la bataille de la lisibilité.

Ce rôle indéfini suscite aussi des peurs : « Les professionnels RH sont perçus comme détenteurs d’un pouvoir démesuré sur les carrières », rappellent Gaspard Tertrais et Rébecca Renverseau. Et pourtant, leur pouvoir réel est souvent bien plus limité que ce que l’on croit.

Autre difficulté : leur valeur ajoutée reste peu visible. Contrairement à la finance ou au marketing, l’impact des actions RH est difficilement mesurable. Leur influence est systématiquement sous-estimée et leur utilité questionnée. En 2022, près d’un salarié sur deux réduisait encore les missions RH à la paie, à l’administration du personnel et au recrutement. Seule une minorité (15 à 20 %) identifiait des activités comme la formation, la qualité de vie au travail ou la communication interne comme relevant de leur champ d’action. [1]

Ce rôle d’intermédiaire entre direction et collaborateurs crée un malaise profond. Les RH se retrouvent à porter et défendre des décisions qu’elles n’ont pas toujours prises voire qu’elles peuvent désapprouver. Ce décalage nourrit une double frustration : celle des salariés, qui les voient comme de simples agents du système et celle des RH eux-mêmes, enfermés dans un rôle mal compris.

Un DRH résume bien cette tension permanente : « Nous sommes censés être les gardiens de l’humain dans l’entreprise, mais nous sommes aussi les garants de la performance. Et ces deux missions sont souvent en contradiction. » [2]

Cette dualité traverse toute la fonction. Optimiser les coûts et les ressources d’un côté ; prendre soin, protéger et faire grandir de l’autre. En théorie, ces deux dimensions sont compatibles. En pratique, elles se heurtent souvent. Et le vocabulaire lui-même en porte la trace : parler de « ressources » humaines c’est déjà adopter une vision utilitariste de l’humain.

2. Une invisibilisation des contraintes RH

Le quotidien des RH ne se résume pas à de grandes déclarations sur « la centralité de l’humain ». Il est fait de tensions, d’arbitrages permanents, d’injonctions contradictoires et de moyens souvent insuffisants. Pourtant, cette réalité reste largement méconnue voire ignorée. Les contraintes spécifiques de la fonction sont invisibles aux yeux de nombreux collaborateurs et parfois même des autres fonctions de l’entreprise.

Cette méconnaissance alimente un double malentendu qui fausse durablement la perception de la fonction.

Premier malentendu : on surestime leur pouvoir de décision. Les RH sont fréquemment perçues comme toutes-puissantes, maîtres des augmentations, des mobilités internes, des licenciements ou des politiques salariales. On leur attribue des décisions qu’elles n’ont souvent fait que relayer. En réalité, une grande partie de leurs actions découle de choix stratégiques fixés en amont par la direction générale ou les services financiers. Elles n’en sont ni les instigatrices, ni toujours les cautionnaires, mais, en revanche, elles en portent les conséquences.

Deuxième malentendu : on surestime leur capacité à être présentes partout. Parce qu’elles sont censées incarner « l’humain », on attend des RH qu’elles soient disponibles à tout moment : pour écouter, apaiser, arbitrer, prévenir, former, réparer… Or elles sont souvent en sous-effectif, dispersées sur plusieurs sites ou accaparées par des tâches administratives incompressibles. La moindre absence est alors vécue comme un abandon, le moindre silence comme un désintérêt.

Dans ce flou persistant, les RH deviennent les cibles idéales des frustrations. On les accuse d’être absentes, inefficaces, alignées sur la direction ou simplement inutiles. Et l’on oublie qu’elles naviguent bien souvent avec des marges de manœuvre étroites, des décisions déjà figées et peu de reconnaissance.

À cette pression logistique et symbolique s’ajoute une autre forme de contrainte, moins visible encore mais tout aussi lourde : l’exigence émotionnelle. Car les RH ne se contentent pas de gérer des process ou d’appliquer des décisions. Elles font face, au quotidien, à des situations humainement éprouvantes. Gérer un licenciement, accompagner un salarié en détresse, tempérer un manager en roue libre, désamorcer un conflit latent… autant de moments de tension où la posture compte autant, sinon plus, que la technicité.

Ce travail émotionnel, pourtant essentiel, reste largement invisible. Il ne figure dans aucun reporting. Il n’alimente aucun KPI. Il repose pourtant sur une compétence rare : la maturité émotionnelle. Une capacité à rester lucide, à contenir les projections, à absorber sans se laisser submerger. Et ce sont précisément ces gestes discrets - une écoute, une présence, une médiation - qui font parfois toute la différence pour un salarié, sans jamais être reconnus à leur juste valeur.

3. Une confiance érodée par des décisions douloureuses

Dans un contexte économique instable, les RH se retrouvent régulièrement en première ligne pour porter des décisions impopulaires : suppressions de postes, gels des salaires, restructurations, réorganisations en cascade. Même lorsqu’elles ne sont ni à l’origine ni à l’initiative de ces décisions, elles en deviennent les messagères et les cibles privilégiées.

À force d’être associées à ce qui fait mal, les RH voient leur capital confiance s’effriter. Chaque annonce difficile, chaque déception, chaque silence mal interprété contribue à détériorer leur image. Et comme le rappellent les auteurs, cette perception s’installe vite : « Ce sont les RH qui décident. » Cette phrase résonne régulièrement dans les couloirs des entreprises. Pas d’augmentation ? « Les RH. » Mutation refusée ? « Encore les RH. »

Dans l’esprit collectif, elles apparaissent comme le cœur du pouvoir décisionnel. Une vision faussée mais tenace. Comme si elles détenaient à elles seules les clés des arbitrages les plus sensibles. Or, la réalité est tout autre. Bien souvent, les RH n’ont qu’un rôle d’exécution : elles appliquent des décisions prises par la direction générale, les managers de business unit ou les conseils d’administration. Et elles doivent ensuite les expliquer, les assumer et parfois même les défendre.

Cette confusion sur leur rôle est entretenue et parfois aggravée par le comportement d’autres acteurs. Lorsqu’une décision est mal vécue, certains managers n’hésitent pas à se défausser : « Ce n’est pas moi, ce sont les RH. » Et trop souvent, la fonction accepte de jouer ce rôle de fusible. Par facilité, par loyauté ou par peur de remettre en cause des rapports de force internes.

Mais cette posture a un coût. En endossant des responsabilités qui ne sont pas les leurs, les RH renforcent l’idée qu’elles agissent seules, sans concertation ni humanité. Elles nourrissent malgré elles la défiance qu’elles subissent.

Jugées non pas pour ce qu’elles décident, mais pour ce qu’elles annoncent, elles deviennent les fusibles d’un système qu’elles ne pilotent pas. Le tout, bien souvent, depuis « un simple strapontin en comité de direction ». [2]

4. Une fonction déconnectée du terrain (ou perçue comme telle)

La critique revient souvent, presque mécaniquement : les RH seraient déconnectées. Trop éloignées des réalités opérationnelles pour comprendre ce qui se joue sur le terrain, trop proches du pouvoir pour incarner un véritable contrepoids. Elles semblent naviguer dans un entre-deux flou, ni pleinement ancrées dans la stratégie, ni véritablement présentes aux côtés des équipes.

Ce positionnement ambigu entretient une forme de malaise. Les collaborateurs leur reprochent d’imposer des décisions sans saisir les contraintes du quotidien. Les directions, à l’inverse, les considèrent parfois comme des freins à l’agilité, trop attentives aux ressentis, pas assez orientées performance. Et dans ce tir croisé, les RH se retrouvent coincées : visibles sans être légitimes, exposées sans être entendues.

Le moindre mot peut être surinterprété, le silence aussi. Lorsqu’elles prennent la parole, on leur reproche de ne pas comprendre « le vrai travail ». Lorsqu’elles tentent de faire preuve de pédagogie, elles sont accusées de langue de bois. Et lorsqu’elles se taisent, elles sont jugées absentes voire complices.

Cette zone grise, ni stratégique, ni opérationnelle, est l’un des pièges les plus pernicieux pour la fonction RH. Tant qu’elle n’en sort pas, elle restera assignée à un rôle périphérique ; là où elle devrait justement être au cœur de l’organisation.

🔁 Comment inverser la tendance ? 5 leviers concrets pour sortir du rôle de paratonnerre

Si les RH sont devenues les boucs émissaires idéaux, ce n’est pas une fatalité. Plusieurs leviers existent pour redéfinir leur place, restaurer la confiance et affirmer une posture plus lisible, plus alignée et plus respectée. Et cela commence par une clarification salutaire.

1. Clarifier ce qui relève (ou non) de la fonction RH

Une grande partie du malentendu repose sur une confusion des rôles. Les RH sont trop souvent tenues pour responsables d’arbitrages qu’elles n’ont ni décidés, ni validés. Politique salariale figée ? Réduction des effectifs ? Ralentissement des mobilités internes ? Les RH sont en première ligne alors qu’elles n’ont parfois été qu’en charge de l’exécution.

Clarifier les périmètres est donc essentiel : Qu’est-ce qui relève des RH : gestion des processus, développement des compétences, climat social, dialogue avec les IRP ? Qu’est-ce qui est de la responsabilité du COMEX, de la DAF ou des managers de proximité ? Et parmi ces sujets, lesquels sont contraints par des impératifs réglementaires ou budgétaires et lesquels relèvent d’un réel choix ?

Sans cette mise en visibilité, la fonction RH restera dans le flou et donc, nous l’avons vu, dans le soupçon. Un organigramme clair des responsabilités, une charte RH accessible à tous ou encore une ligne éditoriale RH bien construite peuvent permettre d’installer des repères durables.

C’est aussi une manière de rompre avec le réflexe du « c’est les RH » trop souvent entendu dans les couloirs alors que la réalité est plus complexe et les responsabilités plus partagées.

2. Expliquer les décisions sensibles

Dans les moments difficiles, ce n’est pas seulement la décision qui compte, c’est la manière dont elle est communiquée. Or, trop souvent, les RH se contentent d’annoncer ce qui a été décidé, sans prendre le temps d’en expliquer les raisons, les contraintes, ni même les marges de manœuvre. Résultat : la décision est perçue comme arbitraire, injuste ou déconnectée.

Ce silence ou cette opacité alimente les fantasmes et les interprétations. Et dans un contexte émotionnellement chargé, ce sont rarement les explications raisonnables qui l’emportent. Comme le rappellent les auteurs : « La transparence est interprétée comme de la manipulation, la bienveillance comme de la condescendance ».

C’est donc un véritable travail de pédagogie qu’il faut mener. Expliquer ne veut pas dire tout justifier. Cela signifie contextualiser, poser un cadre, assumer les décisions tout en reconnaissant leur impact humain. Et cela demande du temps, de la préparation, une posture adaptée mais aussi de la formation.

Former les RH, mais aussi les managers, à la communication des décisions sensibles, c’est leur redonner une marge de manœuvre là où ils se sentaient désarmés. Cela peut passer par des briefings en amont, des FAQ RH bien construites, des formats de questions-réponses post-annonce. Mais surtout, par un changement de posture : sortir de la logique descendante pour assumer une posture de dialogue et ce même quand la décision est difficile.

3. Travailler avec les managers, pas à leur place

Tant que les RH seront perçues comme les seules garantes du climat social, elles continueront de porter sur leurs épaules des attentes impossibles à satisfaire. Il est illusoire et contre-productif de faire reposer sur une seule fonction toute la charge émotionnelle, relationnelle et humaine de l’entreprise.

Car en réalité, ce sont les managers qui, au quotidien, font vivre ou mourir la culture d’entreprise. Ce sont eux qui recrutent, évaluent, reconnaissent, soutiennent ou pas. Pourtant, dans bien des structures, le réflexe persiste : quand un conflit surgit, quand un collaborateur exprime un mal-être, on se tourne vers les RH comme vers une cellule de crise. Et les managers ? Ils se déchargent, parfois par manque de temps, parfois par inconfort, souvent par habitude.

Pour en sortir, il faut clarifier les rôles de chacun : qui fait quoi en cas de tension ? Qui décide ? Qui accompagne ? Mais aussi renforcer les compétences managériales de base : écoute, feedback, posture relationnelle, gestion des émotions.

Les RH ne doivent pas se substituer aux managers. Elles doivent travailler avec eux, les outiller, les challenger parfois et les soutenir souvent. C’est en instaurant une coresponsabilité sincère sur les sujets humains que l’on redonnera à la fonction RH une place juste et aux managers un rôle qu’ils ne peuvent plus esquiver.

4. Recréer de la proximité humaine

À force d’être identifiée à des processus, des outils ou des annonces descendantes, la fonction RH s’est peu à peu éloignée du terrain. Beaucoup de collaborateurs ne mettent aucun visage sur « les RH ». Ils les perçoivent comme une entité abstraite, lointaine, voire froide alors même que leur mission première est de travailler pour et avec l’humain.

Recréer de la proximité, c’est d’abord remettre les RH sur le terrain. Pas seulement lors des crises ou des évaluations annuelles, mais dans le quotidien : présence visible dans les équipes, participation aux rituels de la vie collective, écoute active des signaux faibles. Ce travail de lien ne peut être sous-traité à un outil ou à un intranet. Il doit passer par des personnes bien identifiées, accessibles, incarnant une fonction RH à visage humain.

Cela implique aussi de revaloriser les fonctions RH de proximité, souvent considérées comme subalternes ou « non stratégiques ». Les généralistes RH, les responsables relations sociales, les partenaires RH sont pourtant les mieux placés pour construire la confiance au fil de l’eau. Leur connaissance fine du terrain, leur capacité d’écoute, leur agilité relationnelle sont des atouts clés à condition qu’on leur en donne les moyens, le temps et la reconnaissance.

La proximité ne se décrète pas, elle se construit. Et elle commence par une présence réelle, sincère, dans les moments où les équipes en ont le plus besoin mais aussi dans ceux où elles vont bien.

5. Revaloriser les compétences invisibles de la fonction RH

Si la fonction RH souffre d’un déficit de reconnaissance, c’est aussi parce qu’elle repose en grande partie sur des compétences invisibles. L’écoute, la médiation, la gestion des tensions, l’accompagnement émotionnel, la régulation des conflits : autant de gestes professionnels discrets, souvent informels, rarement valorisés mais essentiels à la cohésion des équipes.

Ces compétences dites « molles » sont tout sauf accessoires. Elles exigent finesse, discernement, sens du timing et maturité relationnelle. Pourtant, elles ne figurent dans aucun tableau de bord. Aucun KPI ne mesure une prévention de conflit réussie, une confiance consolidée, une parole libérée. Or, ce sont précisément ces micro-interventions qui permettent aux organisations de fonctionner sainement.

Et ces compétences humaines viennent aujourd’hui s’ajouter à une palette déjà très large. Comme le soulignent les auteurs : « Un RH ressemble de plus en plus à un caméléon : il a dû intégrer de nouvelles expertises : champion de la stratégie, expert en finance, spécialiste en marketing et communication, geek fan de digitalisation, négociateur hors pair, innovateur RH, garant des valeurs RSE…, tout en restant très solide sur les fondamentaux RH (droit, GRH, organisation). »

Dans ce contexte, ne valoriser que la maîtrise des outils ou la conformité juridique, c’est passer à côté de l’essentiel. Ce qui fait la richesse de la fonction RH aujourd’hui, c’est justement sa capacité à articuler cette complexité, à maintenir du lien entre des logiques parfois contradictoires et à faire exister l’humain dans un univers de contraintes.

Revaloriser cette part invisible du métier, c’est donc une priorité. Cela passe par des témoignages internes, par l’intégration d’objectifs qualitatifs dans les entretiens annuels, par la formation continue aux compétences relationnelles. Et surtout, par un changement de regard : cesser de considérer ces dimensions comme un supplément d’âme pour les reconnaître comme le cœur même de la mission RH.

Car on ne respectera jamais les RH pour leur maîtrise d’un SIRH ou leur capacité à piloter un process à la perfection. On les respectera pour leur capacité à incarner, avec justesse, ce qui fait de l’entreprise un collectif : l’écoute, la confiance, la parole, la reconnaissance.

💡 En conclusion : sortir du procès permanent

La défiance envers les RH n’a rien d’inéluctable. Elle n’est ni une fatalité, ni une malédiction mystérieuse propre au monde du travail. Elle est le fruit d’un malentendu persistant, d’une fonction mal identifiée, mal expliquée, parfois mal défendue. Et pourtant, les RH sont plus que jamais essentielles à la vie des organisations.

Mais pour regagner la confiance, il ne suffit pas de vernir la fonction d’un discours bien ficelé ou de l’équiper d’un nouveau SIRH dernier cri. Ce qu’il faut, c’est du courage pour poser des limites, de la constance pour tenir une ligne claire et de la pédagogie pour redonner du sens à chaque action.

Changer le regard porté sur les RH suppose, en premier lieu, que celles et ceux qui les incarnent prennent pleinement la parole pour affirmer ce qu’est leur mission et ce qu’elle n’est pas. Cela implique de lever le voile sur tout ce qui reste habituellement dans l’ombre, de rendre visible l’invisible, sans jamais chercher à aplanir les tensions ou à masquer les contradictions inhérentes à leur rôle. Assumer cette complexité, sans faux-semblants ni discours édulcoré est une condition indispensable pour regagner en légitimité.

Comme le rappellent Gaspard Tertrais et Rébecca Renverseau, il est temps d’en finir avec le RH bashing. Il est temps que la fonction RH cesse d’être le paratonnerre des tensions internes pour redevenir ce qu’elle devrait toujours être : une boussole humaine, un pilier du collectif, bref un levier de transformation durable.

Références

[1] Enquête de Fox RH sur « Les Français et leur DRH en 2022 », citée sur https://www.parlonsrh.com/media/les-drh-en-2022-un-role-encore-mal-compris-par-les-francais/

[2] Livre Personne n’aime les RH – Et il est temps que ça change ! de Gaspard Tertrais et Rébecca Renverseau| Editions EMS, 2025

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À propos de l'auteur·e
Marie-Sophie Zambeaux
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Fondatrice @ReThink RH, éditorialiste RH, host du podcast "Histoires de Recruteurs".