Tu pars au marché sans liste de courses ? Bien sûr que non : tu risques d’acheter des produits au hasard, parce qu’ils ont l’air bons, oublier l’ingrédient principal et te retrouver avec un plat raté.
C’est exactement la même chose en recrutement.
Si tes critères sont flous ou mal définis, tu risques :
- De passer à côté des meilleurs candidats.
- D’embaucher quelqu’un qui ne fera pas l’affaire.
- De te demander, six mois plus tard, où ça a dérapé.
Et pourtant, combien de recrutements démarrent avec des critères qui ne tiennent pas la route ?
- "Minimum 5 ans d’expérience" (Pourquoi 5 ? Pourquoi pas 4 ou 6 ?)
- "Diplômé d’une grande école" (alors que les meilleurs de l’entreprise ne l’ont pas !)
- "Dynamique et motivé" (et on fait quoi si la personne est compétente mais introvertie ?).
Je ne vais pas te mentir : j’ai fait ces erreurs moi aussi.
Quand j’ai commencé à recruter en ESN, on m’a donné une liste de critères qui semblaient évidents. Je les ai appliqués à la lettre… et j’ai recalé PLEIN de candidats sans comprendre pourquoi. Jusqu’à ce que je réalise le problème : je n’avais pas les bons critères.
Alors, comment être sûr·e que les tiens tiennent la route ?
C’est ce qu’on va voir ensemble. Je te partage mon expérience (et mes erreurs) pour t’aider à faire le tri.
Erreur n° 1 : confondre critères et compétences
Avant de parler des bons et des mauvais critères, assurons-nous qu'on parle bien de la même chose. Parce que critères et compétences, ce n’est pas pareil.
- Les compétences, c’est ce que le candidat sait faire : coder en Python, gérer un portefeuille client, animer une réunion, réparer une machine en un temps record.
- Les critères, c’est ce qui te permet de sélectionner les candidats : diplôme, années d’expérience, niveau de maîtrise d’un outil, capacité à travailler en équipe…
Une compétence, ça se démontre ; un critère, ça sert de filtre.
Et c’est là que ça peut déraper.
Si tes critères ne collent pas aux vraies compétences requises, tu risques de zapper les bons candidats.
Et toutes les compétences ne doivent pas devenir des critères !
Exemple concret : j’ai recruté des techniciens de maintenance dans l’agroalimentaire. Au début, on exigeait 3 ans d’expérience en industrie agro, point barre. Sauf qu’en regardant les meilleurs déjà en poste, on s’est rendu compte que certains venaient d’autres secteurs (automobile, énergie…) et étaient bien meilleurs que ceux avec 10 ans d’expérience dans l’agro ! Pourquoi ? Parce qu’ils avaient la bonne logique de diagnostic et s’adaptaient vite aux nouvelles machines.
Moralité ? Si tes critères ne traduisent pas les vraies compétences, c’est qu’ils sont mauvais. Ils ne filtrent pas les bons candidats et peuvent même te faire passer à côté de ceux qui auraient cartonné sur le poste.
Erreur n°2 : Prendre les critères du manager tels quels
Quand j’ai commencé à recruter en ESN, j’ai fait comme beaucoup de recruteurs : j’ai appliqué à la lettre les critères donnés par mon manager.
Sur le papier, ça semblait logique. Après tout, c’est lui qui connaissait le poste et les besoins de l’équipe, non ?
Alors j’ai pris son post-it gribouillé avec les 3 critères essentiels :
- Diplôme d’ingénieur
- Expérience sur un des langages de prograllation utilisé en interne
- "Bien câblé"
Les deux premiers, facile à trouver sur un CV. Mais "bien câblé"… c’était quoi, exactement ?
Je me suis mise à chercher des candidats qui avaient l’air smarts. Ceux qui s’exprimaient bien, structuraient leurs réponses, utilisaient des mots techniques, juste ce qu’il faut. Je me disais : "il est clair, il articule bien sa pensée, il doit être bien câblé".
Sauf qu’en entretien technique, certains de ces profils étaient recalés.
Je ne comprenais pas où ça coinçait.
Et puis, en discutant avec le manager, j’ai compris : "bien câblé" ne voulait pas dire "très technique", “bon communiquant”, ni même “bien structuré”, non !
Ça voulait dire : "compatible avec ma manière de travailler !".
Autrement dit, un critère de fit culturel mal formulé. Et c’est là que j’ai compris mon erreur : j’avais pris les critères du manager sans les questionner.
Pourquoi c’est un problème ?
- Les managers expriment souvent un ressenti plutôt qu’un vrai critère de sélection.
- Ils n’analysent pas toujours ce qui fait réussir quelqu’un dans le poste.
- S’ils recrutent au feeling, ils risquent de vouloir cloner leur propre façon de travailler.
Et c’est là qu’on intervient, nous, les recruteurs ! Pour challenger ces critères, les reformuler et les rendre exploitables.
Erreur n°3 : Multiplier les critères et compliquer inutilement le recrutement
Une autre erreur fréquente en recrutement, c’est d’en faire trop. À force de vouloir lister tous les critères possibles, on finit par dresser un portrait du candidat parfait… qui n’existe pas.
Je l’ai vécu en recrutant des responsables de rayon pour un grand magasin de bricolage. Au début, on voulait tout :
- Une expérience en management pour encadrer l’équipe.
- Une connaissance du secteur bricolage (pour être crédible auprès des clients).
- Une bonne maîtrise des chiffres pour piloter le stock et les ventes.
- Un excellent relationnel pour dynamiser l’équipe et fidéliser les clients.
- Une maîtrise d’un CRM et des outils de gestion commerciale (parce que digitalisation oblige).
- Une expérience en gestion de conflit (parce qu’au SAV ou au retour marchandises, il faut savoir gérer un client mécontent qui veut absolument être remboursé sur un produit qu’il a utilisé !).
Sur le papier, c’était logique : pour performer dans ce job, il faut vraiment savoir faire tout ça.
Sauf que… aucun candidat ne cochait toutes les cases.
Résultat ? On n’a jamais trouvé ce fameux "mouton à 5 pattes".
Jusqu’à ce qu’on se pose la vraie question : quels sont les critères vraiment indispensables pour réussir sur ce poste ?
On en reparle tout à l’heure. 😉
Et justement, si on galère autant à trouver les bons candidats, c'est souvent parce qu’on s’appuie sur de mauvais critères. Flous, inutiles, ou carrément discriminants : on fait le point.
Les mauvais critères : ceux qui faussent le recrutement
1. Les critères interdits : ceux qui sont discriminants
Certains critères, même formulés innocemment, sont en réalité discriminants et n’ont rien à faire dans un recrutement. Je te donne 2 exemples que j’ai vécus :
Exemple 1 : La situation familiale
En recrutant pour un magasin, j’ai entendu :
"Cette personne a des enfants en bas âge, pas sûr qu’elle puisse travailler le samedi ou faire des fermetures."
Problème : On suppose qu’elle ne sera pas disponible au lieu de simplement lui demander.
Le critère valide : "Le poste implique des ouvertures à 6h, des fermetures à 20h et un travail le samedi. Est-ce que cela vous convient ?"
Exemple 2 : La distance / mobilité
En recrutant des techniciens de maintenance, j’ai entendu :
"Il habite à plus de 45 minutes, ça risque d’être compliqué."
Problème : Ce n’est pas à nous de juger si le candidat accepte ce temps de trajet.
Le critère valide : "Le poste implique des interventions en urgence sous 30 minutes. Est-ce que cela vous convient ?"
Moralité : Si un critère repose sur une supposition personnelle, c’est une discrimination.
S’il décrit une contrainte réelle du poste, alors c’est un critère valide.
2. Les critères sans lien avec le poste
Certains critères semblent logiques sur le papier… mais en réalité, ils n’ont aucun impact sur la performance une fois en poste. Ils compliquent le recrutement sans réelle justification.
Exemple concret : l’exigence d’un diplôme spécifique
En recrutant des chargés de communication pour une startup, on demandait un Bac+5 en école de commerce ou de communication.
Sauf qu’en creusant, on s’est rendu compte que les meilleurs en poste n’avaient pas tous ce diplôme. Certains venaient de filières littéraires, d’autres étaient autodidactes et avaient appris sur le terrain.
Problème : Ce critère ne garantissait ni la créativité, ni la gestion de campagnes… alors que c’étaient justement les vraies compétences clés.
Le critère valide :
Plutôt qu’exiger un diplôme spécifique, mieux vaut évaluer des compétences concrètes :
- "Avoir déjà géré une campagne de A à Z avec des résultats mesurables."
- "Savoir rédiger du contenu engageant sur LinkedIn et gérer une ligne éditoriale."
Conséquence d’un critère inutile ?
On exclut des profils compétents juste parce qu’ils n’ont pas le bon diplôme, alors que l’expérience et les réalisations parlent bien plus.
3. Les critères basés sur du feeling / subjectifs
Certains critères sont tellement vagues qu’au final… c’est juste du ressenti. Et quand on recrute au feeling, on ouvre la porte aux biais cognitifs.
Exemple vécu : l’histoire du fameux "bien câblé".
J’ai déjà vu ce que ça donnait : un critère flou qui pouvait tout vouloir dire… et qui, au final, changeait d’un candidat à l’autre.
Le risque ?
- Rejeter un candidat compétent juste parce qu’il ne correspond pas à une image mentale subjective.
- Favoriser inconsciemment un profil qui nous ressemble, sans raison valable.
Comment éviter ça ?
Toujours clarifier ce que l’on cherche, avec des critères concrets et mesurables.
Pose-toi la question : “Si un autre recruteur évaluait ce candidat, il arriverait à la même conclusion ?”
Si la réponse est non, c’est que ton critère n’est pas assez clair.
On a vu ce qu’il ne faut pas faire, maintenant, passons aux solutions.
Quels sont les bons critères ? Ceux qui permettent vraiment d’identifier les candidats qui réussiront dans le poste ? Il y a trois règles à suivre : partir des besoins réels du poste, hiérarchiser les critères et s’assurer qu’ils sont objectifs.
Les bons critères : ceux qui garantissent un recrutement pertinent
1. Ils partent d’une analyse de poste
Recruter sans analyser le poste, c’est comme acheter un meuble IKEA sans regarder la notice. Ça risque de mal finir.
On récupère souvent une liste de critères vieille comme le monde, jamais remise en question. Et on s’étonne que ça coince. Résultat ? On passe à côté de profils qui auraient pu cartonner.
Comment s’assurer que tes critères sont les bons ? Pose-toi ces questions :
- Quelles compétences techniques sont vraiment indispensables ? Pas celles qu’on met "par défaut", mais celles qui font vraiment la différence en poste.
- Quels comportements sont essentiels pour réussir ? Travail en équipe, gestion du stress, autonomie… Qu’est-ce qui fait qu’un bon élément excelle chez toi ?
- Quelles erreurs de recrutement ont été faites par le passé ? Y a-t-il des compétences sur lesquelles on s’est trompé ?
Exemple : le cas du fameux "bien câblé"
Dans mon ESN, au lieu de recruter sur un critère flou, on l’a traduit en éléments concrets :
"Capable d’expliquer un problème technique à un non-tech."
"À l’aise pour travailler en équipe sur plusieurs projets en parallèle."
Un bon critère est précis et vérifiable. Si tu ne peux pas expliquer clairement pourquoi un critère est important, c’est qu’il faut le reformuler.
2. Ils sont hiérarchisés : critères indispensables vs souhaitables
Autre erreur classique : vouloir tout, tout de suite. On liste une tonne de critères et on finit par chercher un candidat qui n’existe pas.
Pour éviter ça, une seule solution : hiérarchiser. Qu’est-ce qui est indispensable ? Qu’est-ce qui peut s’apprendre ?
Les critères incontournables : sans eux, impossible de faire le job correctement.
Exemple :
- Un responsable de rayon doit savoir manager une équipe. S’il ne sait pas gérer des vendeurs et organiser un planning, c’est la catastrophe.
- Un technicien de maintenance doit être capable de diagnostiquer et résoudre une panne. Sinon, la production est bloquée, et ça coûte cher.
Les critères souhaitables : un plus, mais pas bloquants. Ce sont ceux que l’on peut enseigner en interne ou compenser avec du temps.
Exemple :
- Un responsable de rayon n’a pas forcément besoin de connaître les produits du magasin dès le départ. Ça, ça s’apprend.
- Un technicien de maintenance peut se former sur un logiciel de gestion interne pendant l’onboarding.
Comment les trier ?
Pose-toi la question : quelles seraient les conséquences si la personne ne maîtrise pas tel critère ?
Si c’est un vrai frein pour réussir, alors c’est indispensable. Sinon, c’est un "plus".
En clair : être exigeant sur ce qui est critique, pragmatique sur ce qui peut s’apprendre. Un bon recrutement, c’est aussi savoir où on peut lâcher du lest.
3. Ils sont objectifs et mesurables
Un bon critère doit être évaluable de façon factuelle. S’il repose sur une impression subjective, il ouvre la porte aux biais et rend l’évaluation inégale d’un candidat à l’autre.
Exemples de reformulation :
- "Doit être un bon communicant" → "Doit être capable d’animer une réunion de 10 personnes et présenter un projet clairement."
- "Doit être autonome" → "Doit gérer X projets en parallèle avec des délais serrés."
Le test ultime : transforme ton critère en question d’évaluation.
Tu dois être capable de définir :
- Ce qu’est une bonne réponse.
- Ce qu’est une mauvaise réponse.
- Ce qui est éliminatoire.
Exemple :
Pour "Doit être capable d’animer une réunion", une bonne réponse pourrait être :
"J’ai animé des réunions hebdomadaires avec mon équipe et présenté un projet devant la direction."
Une réponse insuffisante pourrait être :
"J’ai rarement pris la parole en réunion, mais je suis à l’aise à l’écrit."
Si on n’arrive pas à définir un niveau minimum à atteindre pour valider un critère, c’est qu’il est trop flou et doit être retravaillé.
Les bons critères, ça se teste et ça s’ajuste !
Fixer de bons critères, ce n’est pas juste copier-coller une fiche de poste. C’est un vrai travail d’analyse pour s’assurer qu’ils sont pertinents, concrets et adaptés à la réalité du poste et de l’entreprise.
Avant de valider une liste de critères, pense à :
- Observer les meilleurs collaborateurs actuels → Quelles compétences ont fait la différence chez eux ?
- Revoir les erreurs de recrutement passées → Un critère mal défini a-t-il fait passer à côté d’un bon candidat ?
- Faire valider les critères par les opérationnels → Sont-ils alignés avec les besoins du terrain ?
Et surtout : challenger les critères donnés par les managers.
Un bon recruteur ne se contente pas d’exécuter une liste. Il pose les bonnes questions.
Derrière un "on veut quelqu’un d’autonome", "il faut absolument un Bac+5" ou "on cherche un profil dynamique", il va creuser. Pourquoi ce critère est demandé ? Quel impact a-t-il vraiment sur la réussite dans le poste ?
En bref : Un bon recrutement commence avec des critères solides. Clairs, objectifs et alignés avec la réalité du terrain.
Et toi, comment tu fais pour t’assurer que tes critères tiennent la route ? Est-ce que tu as déjà été confronté·e à un critère absurde qui t’a fait tiquer ? Viens m’en parler en commentaire ou écris-moi sur LinkedIn, ça m’intéresse !