Avant toute chose, je remercie profondément Mélanie Goubet et Hélène Ly (💛) pour leurs relectures : elles se sont investies avec précision et minutie dans leurs feedbacks, donnant une valeur supplémentaire à ce travail. Je me sens reconnaissante d’avoir eu leurs retours.
Dans le recrutement on nous apprend, souvent, qu’il faut mettre de côté ses émotions pour bien faire son travail.
Avec les émotions, on risque d’avoir des biais cognitifs.
Avec les émotions, on risque de se laisser dépasser et ne pas suivre les process.
Mais dans cet article, j’avais envie de décortiquer les émotions que ressentent les recruteurs et les recruteuses.
Juste, vous les décrire et vous les partager pour mieux nous comprendre, mais aussi pour vous donner des pistes : amener à vous questionner, mieux vous écouter, prendre du recul, réfléchir sur vos propres émotions…
On évoque souvent les émotions des candidats dans les livres et les articles. De comment les chouchouter, comment être objectif, comment les évaluer en prenant en compte leurs ressentis, comment leur vendre une entreprise à travers l’émotion, comment faire preuve d’empathie envers eux, comment leur garantir une bonne expérience…
Mais quid des recruteurs ?
Remettre le recruteur à l’honneur, c’est se rendre compte qu’il reste un humain dans un système (cabinet, sociétés de conseils, interne, ou encore indépendants).
Je le dis avec conviction : prenons soin de nous et de notre profession. ❤️ Je le dis tellement, mais je n’ai jamais écrit sur pourquoi il faut prendre soin de nous et de notre profession. Au début, je voulais vous parler du recruteur face aux émotions des candidats. Puis j’ai lu des dizaines et des dizaines d’articles à ce sujet. Je n’avais aucune valeur à vous en parler à nouveau, certains l’ont déjà très bien fait :
Datant de 2011 mais un incontournable : le sujet est excellemment abordé par Andrea Ostoji, psychologue du Travail et journaliste indépendante.
Article Welcome to the jungle datant de 2024 : une très belle façon de se projeter dans les émotions que ressentent les chercheurs d’emploi. Le recrutement n’est pas que de l’approche directe.
Puis j’ai pensé à tout ce que j’avais ressenti depuis 2 ans et demi. Toutes ces émotions que je vis au quotidien et que mes 5 ans de psycho aident à aborder.
On n’a pas tous la chance d’avoir fait ces études et on ne suit pas tous des séances régulières chez un psychologue. Pourtant, pour commencer à prendre soin de son “soi professionnel”, il faut s’écouter soi-même.
Recruteurs et recruteuses, il est temps de rentrer dans une démarche introspective de ce que vous ressentez !
Parlons de vos propres émotions.
1 - Comprendre nos émotions.
a) Pour mieux les définir
Avant de se lancer dans ce que vous ressentez, il est important de comprendre d’où viennent vos émotions.
Les émotions naissent d’une expérience subjective : la peur des araignées n’est pas ressentie de la même façon entre deux personnes différentes. Pourtant la peur est un sentiment universel. Mais l’expérience qui la produit la rend subjective et en fait une émotion pour chacun.
D’ailleurs, quelle que soit l’intensité d’un événement, il peut susciter une émotion. C’est pour ça qu’un “simple entretien”, peut devenir une épreuve pour une personne (autant le recruteur que le candidat).
Les émotions, c’est basique et complexe à la fois. 🤯
On pense que c’est 6 grandes catégories : peur, joie, tristesse, dégoût, colère et surprise.
Puis on se rend compte qu’on peut ressentir tellement de choses différentes. Je peux dire que je suis heureuse d’avoir closé un poste mais au fond je peux être plus précise et dire que je ressens surtout du soulagement car le poste était ouvert depuis trop longtemps.
L’instant sera éphémère mais le souvenir en sera permanent. Certaines émotions, surtout répétées, nous marquent d’où l’importance de s’y intéresser très tôt dans notre construction identitaire pro.
Être capable de donner une définition à ses émotions, c’est les comprendre et ensuite se construire autour de ces émotions. Une personne hypersensible (ou hyper emphatique) peut être une bonne recruteuse sans pour autant souffrir de son métier au quotidien. Une personne à contrario froide, qui a besoin d’un hyper contrôle constant, peut aussi être une bonne recruteuse et se mettre malgré tout à la place de ses candidats.
Ce qu’on ressent ne définit pas nos compétences, mais ça définit la façon dont on vivra sa propre profession et par extension, pour certains, l’impact que ça aura sur leurs performances : beaucoup de recruteurs et recruteuses, recrutent dans la souffrance car ils n’ont pas été amenés à aller chercher au plus profond de leurs émotions le sens que cela leur apportait.
b) Pour mieux gérer nos comportements
On appelle ça, faire preuve de conscience émotionnelle. Ça permet d’anticiper les situations futures : car chaque journée au travail est une mine d’informations et d’événements vécus qui nous amènent à l’introspection émotionnelle.
Et en l’occurence, les émotions sont d’une utilité primordiale pour le recruteur (et l’humain en règle générale) : elles nous aident à donner du sens et un équilibre aux situations rencontrées. Il faut d’abord commencer par sa conscience émotionnelle pour ensuite faire preuve d’intelligence émotionnelle et ainsi gérer les émotions dans nos interactions avec autrui (autant les nôtres que celles de nos interlocuteurs).
💡 Par exemple, face à un candidat en colère d’un refus, l’intelligence émotionnelle va permettre de réguler la situation pour :
1) Calmer le candidat, l’apaiser, et redonner du sens au “non” qu’il a vécu comme un échec : Pour ça, il faut être capable de comprendre la colère, comprendre qu’elle ne nous est pas destinée personnellement, comprendre que son intensité dépend d’un vécu propre à la personne (c’est peut-être son 10ème échec du mois), etc.
2) Tout en se protégeant soi-même ainsi que l’empreinte que ça pourrait laisser : Le plus dur pour les recruteurs et recruteuses, c’est que le quotidien est rempli de négativité (le rôle endossé oblige ces situations), et on finit par avoir peur de revivre les mêmes événements. On n’ose plus dire les choses à un client, on n’ose plus faire un retour négatif à un candidat, on n’ose plus relancer dans nos approches, etc.
J’aimerais reprendre ici les mots de Mélanie Goubet, qui en relisant l’article est allée plus loin sur cette réflexion ⬆️ : “Notre connexion à nos émotions peut même parfois nous permettre de pouvoir être en anticipation : sentir que le candidat était tellement investi et dans la projection qu’il va forcément être déçu, et donc préparer notre “trame” de feedback en fonction, tout comme on peut utiliser le persona du candidat avant d’écrire une annonce.”
Prendre conscience de ce qu’on ressent permet selon moi de se préserver. Mais au début de la carrière d’un recruteur, à force de ressentir de la peur, du stress, de l’anxiété, des frustrations… sans en comprendre l’origine et sans savoir comment agir dessus, on se retrouve avec un impact physique et psychologique important. Parfois même des séquelles sur l’estime de soi et des professionnels qui quittent le métier après seulement quelques années. 🥺
D’après une étude IFOP pour CleverConnect et PageGroup en 2022, c’est 1 recruteur sur 3 qui envisageaient de quitter le recrutement (ce chiffre concentrant les - de 35 ans).
c) Pour faire attention à notre santé
Vivre dans la négativité sans avoir posé les mots et sans avoir donné du sens, a donc un impact sur notre santé. Il n’est plus à prouver que nombreuses maladies et nombreux troubles du sommeil viennent de l’effet du stress.
On se retrouve également avec un abandon total de soi. Comme le souligne ce commentaire datant de 2023, sur Linkedin, et qui fend le cœur.
Ce qui me rend vraiment triste, c’est que cette personne est au début de sa carrière et ressent déjà un épuisement professionnel. Au-delà de la formation technique et métier des nouvelles recrues, il est essentiel de les préparer émotionnellement sinon on continuera de dégoûter les recruteurs du recrutement… 😭
A contrario, certains recruteurs et recruteuses, pour se préserver, essaient de se couper de leurs émotions. Pourtant, essayer de ne rien vivre du tout en se coupant de ses émotions est également dangereux : la personne se complaît dans l’ennui et devient incapable de vivre l’autre versant du métier qui est le plaisir, l’excitation, l’optimisme, la passion, la curiosité, etc. Pire encore, ne pas vivre d’émotions positives empêchent de lutter contre la dépression ou le burn-out.
Je reprends à nouveau les mots de Mélanie Goubet (et je vous conseille son article ! 🔥) : ”Tenter de se couper de ses émotions c’est “créer de la distance avec les candidats qui eux s’engagent émotionnellement dans un process de recrutement”.
C’est très juste : comment être empathique avec les candidats si on crée cette distance ?
Les émotions nous aident : à vivre de bons moments mais aussi à analyser des situations.
Quand je rentre en conflit de valeurs, la dissonance ressentie et les émotions d’inconfort, de honte, de gêne exprimées (suite à un acte contraire à mes valeurs tel qu’un recrutement discriminatoire par exemple) me protègent.
Il faut accepter ses émotions, en comprendre le sens, pour ensuite être capable de poser les mots et défendre sa position : “Je suis gênée de recruter sur vos critères, car je ne veux pas discriminer et c’est contraire à mon éthique.”
Maintenant qu’on a les mots, passons à du concret !
2 - Vivre nos émotions.
Écrire cet article m’a rappelé un post de Laura Pedro, recruteuse de recruteurs, à ce sujet (je ne vous montre que le début du post) :
Je trouve que le post est assez représentatif de plusieurs émotions que ressentent les recruteurs et recruteuses. Mais je ne peux m’empêcher de penser que pour 8 émotions proposées par Laura, 6 sont négatives et 2 sont positives. 😱
Le recrutement serait donc si difficile émotionnellement ?
Je fais partie de ceux qui pensent que le recrutement est un métier à burn-out, oui. Nous sommes confrontés à des contradictions et à de la négation continuellement.
Si on a de la chance, le métier est reconnu dans l’organisation, sinon, on devient exécutant des demandes. Et parfois il est tellement “reconnu” que nous nous retrouvons à réunir 10 fonctions en une.
Nous réceptionnons les émotions des autres également (les hirings managers, les candidats, les clients, les collègues, etc.), sans avoir de garage pour déposer les nôtres.
Mais, encore une fois, je suis persuadée que c’est parce que nous ne sommes pas suffisamment préparés et accompagnés que cela devient négatif. Bonne nouvelle, ça peut donc se régler !
Car si on te dira souvent qu’il faut de la résilience pour faire ce métier, je commence à en avoir marre d’entendre qu’il suffit de résilience pour y arriver. La résilience permet de ne pas se morfondre, certes, mais en aucun cas elle aide à trouver du plaisir dans son job et encore moins à réussir. Je détaille cette pensée plus bas dans cet article.
Je vous avais promis du roller coaster, alors allons-y ! 🎢 Accrochez-vous et partons du post de Laura Pedro pour décortiquer nos émotions.
a) La frustration 😩
Cette émotion a sa place en première position chez les recruteurs et recruteuses. Je l’ai ressentie de nombreuses fois dans le recrutement et je suis sûre que vous aussi, que ça soit… :
- Quand le hiring manager modifie son brief (encore une fois)
- Quand le taux de réponses est anormalement bas
- Quand on reçoit des messages pas très agréables suite à nos approches
- Quand le candidat chouchou ne répond plus aux calls/sms
- Quand le candidat coche toutes les cases mais “on veut comparer avec d’autres candidats”
- Quand le candidat accepte une autre offre
- Quand le process dure des plombes (mais “tu sais, c’est un recrutement pour hier” disait le hiring manager)
- Quand tous les voyants sont verts mais qu’un seul maillon de la chaine décide que ce sera non.
- Quand tout le monde part en congés mais que rien n’a été anticipé
- Quand la raison d’un retour négatif c’est : “je le sens pas”
- Quand le client n’a plus le budget pour ce poste (la veille de l’offre, pour ajouter une pincée de frustration en plus)
- Quand la recherche reprend quelques mois plus tard.
- …
Je pourrais continuer longtemps je pense.
Pourquoi on ressent autant de frustration dans le recrutement ?
Tout simplement, parce qu’on ne s’attend pas à tout ça lorsqu’on débute. Et en second lieu, parce qu’on ne sait pas qu’on peut réduire ces frustrations.
Voici une définition qui est très parlante : “La frustration est une émotion apparaissant lorsque les circonstances ne se déroulent pas comme on l'avait prévu. On se sent tiré en arrière, incapable d'atteindre ce que l'on souhaite, et les solutions semblent hors de portée. On se sent si proche de la solution, et pourtant si loin, et la frustration prend toute la place.”
Le recrutement par essence, n’est pas un métier linéaire. Il dépend de nombreux facteurs variables et il nécessite de développer des (bons) réflexes tout au long de notre pratique grâce à ces frustrations justement. L’important est de ne pas les laisser prendre le dessus.
Ce post de Kévin Mahé représente bien les pensées de plusieurs recruteurs et recruteuses ayant des années d’expériences à leur actif : devenir un moine shaolin 🧘♀️ et un marathonien à la fois. 🏃♀️
Selon moi, la clé pour que le recruteur puisse gérer sa frustration réside dans la préparation et l’anticipation. Une sorte de valise avec pour chaque situation complexe, un vêtement adapté. Depuis toujours, cette valise s’est créée au fur et à mesure de la pratique d’un recruteur : mais s’il faut capitaliser sur le temps et la capacité d’analyse de la personne pour la construire, alors bien sûr que certains craquent bien avant d’autres.
J’aimerais ici rajouter la touche de bienveillance d’Hélène Ly sur ce paragraphe : ⬆️ : “En plus de la préparation et de l’anticipation (absolument nécessaire, je suis ok avec toi), je dirais qu’il faut aussi une part d’acceptation. Accepter qu’il y a des choses qu’on ne peut pas maîtriser. Et c’est justement parce qu’on ne peut pas contrôler les réactions des autres qu’il faut pouvoir préparer des “plans B” et anticiper. 😉”
Nous sommes beaucoup à être persuadés que se forger sur le tas n’est pas une solution si ce n’est que ça va cramer vos recruteurs et recruteuses.
Ma pire frustration a été l’année dernière : j’ai compté 7 recrutements en final step qui n’ont pas eu lieu suite à des changements du côté client (restriction de budget, besoin plus du tout “urgent”, mobilité en interne, flou total…)
Et à chaque fois, mon erreur a été de ne pas anticiper ces situations auprès des founders. Pire encore, je n’ai pas associé ma frustration à cette explication : j’ai d’abord ressenti un manque d’estime en moi et en mes compétences, avant de comprendre que j’étais frustrée de mes clients et que je devais trouver des solutions orientées vers eux : la qualification du besoin. Dans le recrutement, on définit beaucoup mais on qualifie peu un besoin.
b) Le stress 😰, l’anxiété 😫 et l’incertitude 😰
Laura a raison d’évoquer ces 3 émotions dans son post. Je prends l’initiative de les réunir car je pense qu’elles sont intiment liés à une même raison.
Ce qui engendre autant de stress couplé à l’incertitude, c’est généralement une charge de travail énorme liée à une très mauvaise organisation dont les recruteurs ne sont pas toujours responsables !
Le manque d’organisation relève de différentes raisons, parfois liées à l’entreprise, parfois à la mauvaise estimation de vos tâches par les managers ou parfois à des objectifs décorrélés de la réalité du marché. Donc à vous qui me lisez, si ces émotions vous envahissent, ne les laissez pas prendre le dessus et entâcher votre estime de vous : le contexte et l’environnement ont un impact.
Je ne peux que recommander les écrits et les posts de Joanna Bouy à ce sujet.
Et aussi, si je recommande d’embrasser ses émotions négatives plutôt que de les rejeter pour mieux se comprendre, il n’empêche que je ne recommande pas de maintenir une forte anxiété dans un environnement incertain. En faisant ça, de façon répétée, on se tire une balle dans le pied en disant coucou au burn-out.
Beaucoup de recruteurs sont perdus face à la montagne de travail et finissent par procrastiner voire abandonner totalement : des feedbacks qui ne sont pas donnés au candidat, des sourcings bancals, des calls pour les metrics ni plus ni moins, et un métier par automatisme sans aucune réflexion.
Le seul conseil qui me vient à l’esprit c’est de prévenir du stress plutôt que de le guérir après coup. Pour ça, les entreprises sont responsables de cette émotion précisément et se doivent de :
- Faire preuve de reconnaissance et confiance sur la qualité de nos metrics : qualité > quantité
- Favoriser les environnements flexibles et sains en répondant à des attentes concrètes : une société avec beaucoup de jeunes parents favorisera des avantages qui accordent le mercredi après-midi plutôt que l’abonnement à la salle de sport.
- Réduire l’hyper-concurrence qui est souvent un fléau en ESN et en cabinet : je suis pour les primes collectives qui favorisent la réussite du groupe plutôt que les primes individuelles qui causent des situations anxiogènes.
- Mettre à disposition des ressources pour apprendre aux recruteurs à s’organiser tout en fixant des objectifs réalistes.
On en revient au fait d’accompagner vos recruteurs et recruteuses : rien que ça aura un impact sur leurs émotions et sur leur bien-être.
c) La colère 😠 et la déception 😪
C’est l’une des émotions les plus fortes, je trouve : la colère.
Dans le recrutement, on en ressent énormément vis à vis des autres.
Et on ressent de la déception vis-à-vis de soi.
On est en colère qu’un hiring manager ne nous ait pas écouté, qu’un candidat nous manque de respect, qu’un collègue en concurrence nous vole un candidat, qu’un client nous mène en bateau, qu’un candidat nous ghoste, qu’un client ne nous réponde que 10 jours après, qu’un outil fonctionne mal, qu’un candidat signe ailleurs... Souvent on est en colère et frustré à la fois quand on ne s’y attendait pas.
Mais la déception, c’est toujours à nous-même qu’on l’attribue : on est déçu de notre travail.
Les recruteurs et recruteuses sont durs envers eux-mêmes. Ils n’ont pas un métier facile et souvent quand ça foire, beaucoup se remettent en question. D’autres préfèrent retirer ce poids et l’indexer au marché : “oh mais c’est la période, c’est pas grave”.
Mais en règle générale, un recruteur doute beaucoup de lui-même.
Et tant mieux : ce que vous ressentez c’est important. C’est grâce à cette émotion que les (bons) recruteurs vont prendre le recul nécessaire pour comprendre la situation. C’est grâce à cette émotion que l’on s’améliore. C’est grâce à cette émotion que l’on apporte une touche de créativité et de curiosité : on contre balance naturellement pour aller chercher comment réduire la déception la prochaine fois. A chaque émotion, il y a une réaction qui pousse à agir pour changer et améliorer le contexte.
Le plus important est de ne pas rester statique à attendre que la colère disparaisse ou que les choses bougent d’elles-même. La deception devient un fléau quand elle a lieu à chaque fois pour une même situation sans que rien ne change.
Bon, j’arrête de vous rappeler les mauvais souvenirs. Le recrutement c’est aussi du positif !
Je trouve qu’on pourrait rajouter des émotions en plus à la liste de Laura d’ailleurs.
d) La joie 🥳
J’y inclus ce que Laura appelle le soulagement.
On peut être heureux d’un closing parce qu’il nous retire une épine du pied, oui. Et on peut être heureux parce qu’on s’était attaché à notre candidat. On peut être heureux parce que le hiring manager est heureux. On peut être heureux parce qu’on a fait le boulot en un temps record. On peut être heureux d’avoir une belle prime.
Il y a mille et une raisons d’être heureux de closer.
Mais on peut aussi aimer le process derrière, avec des micro-moments de joie : un sourcing efficace, un recrutement en one shot, des mots doux et motivants des candidats, une annonce qui fonctionne très bien, une offre faite au candidat qui coche toutes les cases…
⚠️ Ces petits moments de bonheur, bien que joyeux, ne suffisent pas à maintenir le bien-être du recruteur. Si de l’autre côté, le négatif est fortement présent sans en comprendre le sens, alors ça permettra uniquement de retarder l’inévitable. On le voit bien : nombreux recruteurs vont se rebooster quelques heures, puis déprimer à nouveau quelques semaines. Le fameux roller coaster du recrutement puissance 1000. 🎢
Donc c’est important d’en parler, important de laisser ces moments avoir leur effet, parce que la joie on la ressent mais on en transmet aussi.
Lors d’un process pour un stage en ESN, je me souviens du feedback après la préqual de la recruteuse : “c’est très bien parce qu’on entend que tu souris à travers le téléphone”. Et vous imaginez bien que les candidats ressentent ça : notre voix et ce qu’elle transmet.
J’ai aussi adoré travailler avec des personnes expressivement joyeuses. Spontanément je pense à Lili, une ancienne collègue qui allait toujours rire et être solaire en toutes circonstances. Ou encore Alexandre, on était branché sur la même fréquence humoristique. 🤪
Rire et être joyeux, c’est contagieux. Alors on peut y aller à foison quand ça fait partie de soi.
e) L’optimisme 🥰 et la fierté 💪
On parle beaucoup de résilience dans le recrutement, pour autant je pense que l’une des raisons de performer dans le recrutement est également l’optimisme que l’on y met.
Il y a 2 définitions, mais je ne garderai que la seconde. L’optimisme c’est : le “sentiment de confiance dans l'issue d'une situation.”
La résilience consiste à dépasser des événements difficiles, et réussir à s’épanouir dans cette difficulté. Autrement dit, on accepte que la situation est complexe, qu’on en souffre, et on apprend à rebondir avec cette émotion pour réduire sa souffrance. C’est essentiel quand effectivement certaines choses ne sont plus de notre responsabilité et qu’il faut accepter l’issue. Et oui, ça peut arriver dans le recrutement.
On n’oublie pas, on se rappelle les petits mots bienveillants d’Hélène plus haut ! 😉
Mais avec l’optimisme on apporte une confiance en ses capacités à réussir : réduire le doute de soi pour se concentrer sur les solutions potentielles. Pour moi, ça permet de ne pas se concentrer sur la situation mais plutôt sur la solution. Un optimisme proactif est une émotion bien plus positive que la résilience et c’est ce qui va redonner un boost au recruteur pour agir. Trouver des solutions pour expliquer pourquoi son taux de conversion est faible, proposer des points pour réguler une situation client, proposer de retravailler certaines parties du process pour optimiser, etc.
A cela, les recruteurs et recruteuses peuvent ressentir aussi beaucoup de fierté. Parfois être dans une spécialisation pénurique et/ou complexe rend cette fierté encore plus grande !
Il y a aussi le sens qu’on donne au métier : il ne s’agit pas juste d’être fier d’avoir “closé”, certains sont fiers d’avoir apporté un step de carrière à une personne, et d’autres fiers d’avoir apporté un impact stratégique à leur entreprise. On peut aussi être fier d’aider ses collègues en soulageant tout un service en souffrance, dans l’attente de la future recrue.
Un recrutement peut changer la vie d’une personne ou d’une entreprise. Et c’est parce que le métier est difficile que la fierté en est que plus grande.
f) La curiosité 🧐 l’excitation 🤩 et la passion 🔥
⚠️ Attention, avant toute chose, il y a de très bons recruteurs qui ne sont pas expressifs : ils ne montrent aucune excitation ou aucune passion. Ça ne prédispose pas à être bon dans son métier et parfois ça existe à l’intérieur de soi mais ce n’est pas visible des autres.
Mais l’impact positif de ces émotions réside dans le plaisir pris par la personne à réaliser ses tâches et le plaisir à communiquer avec les autres. Pour certains, les émotions ont un impact sur leurs performances, pour d’autres non. Pour ceux dont les émotions ont un fort impact, cela ne veut pas dire qu’elles ne savent pas faire leur métier, c’est qu’elles ne sont pas dans les bonnes dispositions pour le faire.
Aussi, dans le recrutement on est souvent excité : un candidat chouchou a répondu 🤩, le client a adoré le candidat 🤩, on adore le poste qui nous est attribué 🤩, on pourrait parler du produit et du client pendant des heures 🤩, on va toucher une belle prime 🤩… Sans ça, le process (qui peut durer des mois pour certains postes complexes) serait trop long et morose.
Ces émotions sont là pour rendre certaines tâches difficiles plus supportables : je pense aux recruteurs qui ont du mal à apprécier le sourcing. Une fois la curiosité apportée, on voit d’un nouvel œil cet exercice : une façon de se renouveler et d’y prendre goût. On peut aussi faire des sessions de sourcing collectives pour réduire l’ennui, sortir de la solitude et ressentir plus de joie. Ce n’est pas forcément l’exercice en lui-même qui devient joyeux, mais plutôt le moment qui l’est. Ainsi que l’issue : débloquer une situation qui durait, partager sur les bonnes pratiques, etc.
Enfin, je tiens à le préciser, je ne serai jamais pour l’exploitation des salariés sous prétexte de “passion” parce que “quand on aime on ne compte pas (ses heures), n’est-ce pas ?”
Je reste persuadée que la passion apporte un bien-être à certains recruteurs ou recruteuses : mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. Il est juste important de dire que parmi les émotions ressenties par les recruteurs, celle-ci peut en faire partie et ça fait du bien de voir le positif !
Nous voilà arrivé à la fin de cet article ! 🎬
Je me suis concentrée sur les émotions que ressentent les recruteurs et recruteuses parce que je veux vous dire à quel point on compte nous aussi dans une entreprise.
Nous sommes importants. Nous sommes des humains qui interagissent avec d’autres humains.
J’espère aussi que les recruteurs et recruteuses, par cet article, voudront se soutenir mutuellement et ne pas rester seul. Pendant les moments downs, parler avec vous sur Nantes (ou en visio) m’a toujours aidé à mieux comprendre la situation, prendre du recul et à réagir. Comme dirait Mélanie Goubet, les émotions ça se partage !
La preuve :
- Pour ma première prise de référence, j’angoissais et Hélène Ly a su me dire les bons mots et les bons gestes à avoir.
- Pour mes peurs de me foirer dans le format cabinet, Eloise Chow a su me montrer quelle prise de recul était nécessaire à avoir, et elle m’a amené à revenir sur mes forces et mes faiblesses.
- Lorsque j’ai signé mon premier candidat, mon ancien collègue Alexandre Veraghe était limite encore plus heureux pour moi que je ne l’étais. Spoiler : j’ai eu une invitation au resto ! 🍲
- Lorsque j’ai été frustrée de closings passés à la trappe, Elodie Allain et Karen Couedelo ont su me remonter le moral et m’amener à rediriger cette frustration vers la solution à adopter.
- Pour mes 4 candidats signés en 1 mois, Silvia Galo était tout autant excitée que moi et curieuse d’en savoir plus. Un moment de bonheur et de partage !
- Lorsque j’étais déçue de moi et dure envers moi-même, Samuel Le Duc m’a apporté la douceur et l’analyse dont j’avais besoin pour me reprendre en main.
- Lorsque j’étais épuisée, Anthony Gaudin me redonnait foi dans le recrutement.
- Pour ma 2ème année, j’étais courageuse de tester de nouvelles choses et beaucoup m’ont fait confiance (Cecile Guillet et Nathalie Praud pour la NCDR, Lina Ammar pour le JT de GoMind, Silvia Galo pour différents formats Taleez, etc.)
- Lorsque j’étais perdue, Victoria Gosset m’a foutu un bon coup de pied aux fesses.
Autrement dit, mes émotions ne sont ni à bannir ni un mantra à suivre : elles sont tout simplement une façon de vivre mon métier, mon propre signal d’alerte et une façon d’apporter plus que des compétences executives ou opérationnelles.
Par exemple, ressentir de l’affection pour un candidat n’empêche pas de l’évaluer objectivement : car pour mieux évaluer les autres, il faut se comprendre soi-même. Reconnaître les biais auxquels on est assujetti et les prendre en compte. Reconnaître ses propres émotions, et les vivre avec professionnalisme.
J’espère également que beaucoup comprendront mieux ce qui se passe dans le coeur des recruteurs, et pourquoi parfois on tombe sur une personne épuisée et dépassée par son métier.
Enfin, j’espère que cet article permettra à ceux qui veulent se lancer, de saisir l’importance de la préparation émotionnelle que ce job implique. Le roller coaster existe mais comme tout : soit il est bien fait et on ADORE le moment 🥰 , soit on n’y est pas préparé et ça devient 10 bonnes minutes de souffrances et de vomissements. 🤮