Street sourcing et diversification des canaux de recrutement

Silvia Galo
Street sourcing et diversification des canaux de recrutement

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BTP, numérique, transport, logistique, santé... Nombreux sont les secteurs et les métiers qui sont en tension et qui confrontent les recruteurs à la pénurie de talent.

🤯  Où sont passés les candidats ? Comment les atteindre et les attirer ? Qu'est-ce qui doit changer ou du moins évoluer ?

Un jour j’ai écouté Nicolas Morby s’exprimer à ce sujet. Il parlait de street sourcing, mais aussi du fond de sa démarche : élargir l'horizon du sourcing au-delà du numérique, diversifier ses canaux de recrutement, miser sur la diversité et l'inclusion, insister sur l'importance capitale d'une bonne prise du besoin en recrutement, impliquer les Hiring Managers et les opérationnels...

Cette vision porteuse de réflexions utiles, et d'actions concrètes à mettre en place est la raison pour laquelle j'ai voulu le contacter et partager avec vous l'échange inspirant que j'ai eu la chance d'avoir avec Nicolas.

👉  Mais qui est Nicolas Morby ?

Entrepreneur social, Mentor recrutement inclusif pour le Campus de l’Inclusion et fondateur de Ethypik, cabinet de Ressources Humaines inclusif reconnu pour son street sourcing de candidats. Ethypik va directement à la rencontre des chercheurs d’emploi là où ils se trouvent, grâce à des équipes formées : dans la rue, les centres commerciaux, en frappant à leur porte, lors d’événements ou par le biais de structures d’insertion.

"En ce qui concerne les canaux de sourcing il faut se réinventer et sortir des sentiers battus, avoir une vraie réflexion et c’est ce qui fait qu’on est passionnés par le recrutement. Ce n’est plus comme avant, maintenant il faut faire preuve d’imagination, de créativité."

🔥 Pour une lecture synthétique, laissez-vous guider par le texte en gras et vous aurez l'essentiel de l'article. Vous pourrez toujours revenir plus tard, avec plus de temps pour le découvrir dans son intégralité.

Des métiers en tension (de plus en plus), oui, mais pourquoi?

Le constat est là. 350 000 postes non pourvus faute de candidats en 2018. En 2019, 6 métiers sur 10 étaient déjà en tension selon une étude du Ministère du Travail de l’Emploi et de l’Insertion. Et l'année 2021 s'est terminée sur un bilan décompensé entre le volume d'offres d'emploi et celui des compétences ou talents disponibles (ou du moins visibles).

Pourquoi ? J’étais curieuse de connaître la réponse de Nicolas à cette question. Il citera 7 raisons (⚡).

💬  "On s’aperçoit très vite que les métiers en tension le sont pour plusieurs raisons : (1️⚡) parce qu’il y a un manque de visibilité de l’offre, (2️⚡) par un manque d’attractivité en termes de salaire ou tout simplement par des fausses croyances, des biais qui sont occasionnés par rapport aux gens qui pensent de manière illégitime qu’ils ne sont pas faits pour tel métier."

Nicolas citera l’exemple de canalisateur d’eau pour lequel prévaut une image vieillissante de ce qu’était le métier dans les années 50. Alors qu’aujourd’hui un canalisateur d’eau a sa tablette, il fait ses tableaux de bord et envoie la donnée à la centrale pour les suivis ou autres.

💬  " (3️⚡) Ensuite, au niveau des métiers en tension il y a de vrais enjeux en termes de compréhension des offres, ou bien les postes ne sont pas au réel par rapport à ce qu’exige le poste en tant que tel. Les fiches de postes sont très mal rédigées. Je pense qu’il serait mieux de les traduire en compétences techniques et de savoir être, ce serait beaucoup plus lisible et il faudrait que ce soit le plus inclusif possible."

Il complétera en précisant que pour des profils non qualifiés, il faut que l’offre permette une lecture simple pour assurer une bonne compréhension. Si l’offre vise des profils un peu plus qualifiés, il faut que l’offre soit adaptée à des personnes qui ont les compétences techniques. Il insistera sur l’effet contreproductif de complexifier le contenu de l’annonce, entre autres en utilisant des anglicismes inutiles pour certains postes qui brouillent la compréhension (comme dans les métiers du numérique où on peut avoir l’impression, par ce fait, de ne pas savoir faire les choses alors que le candidat aurait pu postuler).

💬  " (4️⚡) Il y a une vraie méconnaissance de tous les dispositifs existants que ce soit de la part des DRH, que ce soit au niveau des entreprises, cabinets de recrutement. Nous avons la chance d’être dans un pays qui met en place différents dispositifs et c’est dommage de s’en priver".

Nicolas fait également du social sourcing. Qu’est-ce que c’est ? Il collabore avec des structures qui ont pour vocation d’embaucher des personnes très éloignées de l’emploi et de les coacher pendant deux ans par des contrats qu’on appelle des CDDI. La vocation d’une structure d’insertion par activité économique c’est de permettre à ces personnes de retrouver une employabilité, leur confiance en soi et de les orienter vers différents métiers.

💬  "Et les entreprises ne connaissent pas ce canal de sourcing, même voire pas du tout. Et c’est dommage parce que ces structures, il y en a beaucoup dans le BTP, dans les métiers d’aide à la personne, l’hôtellerie et la restauration. Si les entreprises étaient au fait et au courant de l’existence de ces structures il y aurait beaucoup plus de ponts qui seraient effectués entre ces structures-là et les entreprises, et il y aurait des postes plus facilement pourvus."
" (5️⚡) Il y a aussi ces personnes qui n’ont pas les codes de faire un CV ou des lettres de motivation et qui même en ayant vu l’annonce, ne vont pas postuler puisqu’ils auront peur de faire face à un nouvel échec".

Pour éviter cet échec-là, elles ne vont pas postuler alors que s’il y avait des annonces sans CV et où on se baserait uniquement sur les compétences comportementales et les compétences techniques, ce serait différent.

💬  "C’est possible, je l’ai fait pendant 15 ans".

Cela implique de revoir la structure d’un entretien avec une trame d’entretien et une grille de compétences techniques à valider.

💬  " (6️⚡) Je trouve qu’il n’y a pas assez de compétences de la part de certains recruteurs pour traiter ce genre de candidatures et donc les annonces ont tendance à faire fuir ces candidats, mêmes s’ils les voient."

Nicolas mettra en lumière également l'importance d'une culture RH dans les entreprises qui permette d'accueillir des concepts clés à appliquer dans la réponse au problème des métiers en tension et de la pénurie de candidats.

💬  “ (7️⚡)  Ne pas accueillir l'ouverture à la diversité et à l'inclusion, c'est restreindre sa recherche alternative de candidats."

Il citera l'exemple des métiers du numérique, particulièrement tendus où les exigences des entreprises sont excluantes de talents qui pourraient parfaitement convenir aux postes.

💬  "C’est un sujet qui me passionne, il y a du travail à faire mais ce n’est pas si compliqué que ça, c’est-à-dire que c’est une question d’éducation. On a tellement de biais, et c’est dû à notre éducation. Ils sont ancrés en nous et nous parasitent en termes de jugement, que ce soit dans les entretiens, dans la rédaction des offres... Il y a tellement de choses ancrées en nous que même si on a des bonnes intentions, on va quand même avoir tendance à rédiger d’une manière non inclusive une annonce."

Genre, âge, origine... sont actuellement des barrières qui alimentent inconsciemment la situation de tension du marché de l'emploi.

Le street sourcing pour élargir l’horizon du sourcing au-delà du numérique

"Bonjour, est-ce que vous cherchez du travail ?" C’est l’accroche qui interpelle quand elle saisit les passants concentrés dans leur train-train.

L’objectif ? Aller aux contact des personnes très éloignées de l'emploi, victimes de la fracture numérique ou qui ne possèdent tout simplement pas les codes, qui sont peu, voire pas du tout, présentes sur les jobboards et Linkedin mais qui pour autant sont des candidats potentiels qui peuvent correspondre aux besoins des entreprises.

Le street sourcing consiste à aller chercher les candidats dans la rue, là où le talent se déplace au quotidien. Le concept en soi est disruptif, fun, spontané (mettez-y tous les adjectifs que vous voudrez), MAIS il est surtout structuré. Et c'est ce qui compte :

  • C’est-à-dire, ❌  pas de conversations au feeling sur le trottoir, ✅  mais une évaluation des passants qui réagissent à l'accroche par un test développé par une docteur en sciences cognitives et qui vise à identifier des compétences comportementales et techniques particulières.
  • Nicolas parle de zone de chalandise, telle qu’elle est étudiée dans un plan de stratégie commerciale.
💬  "Quand on fait une opération de street sourcing on s’applique à ce que soit vraiment tout autour de la zone où travaille l’entreprise pour laquelle on est mandatés. C’est partir de l’existant, de faire une mini-étude de marché en se disant tiens, quelles sont les personnes qui seraient éligibles à ce type de poste.
Il faut aussi privilégier par la distance parce qu’aujourd’hui l’aspect QVT est extrêmement important. Ce n’est plus l’entreprise qui choisit le candidat, maintenant c’est deux personnes qui se choisissent mutuellement. Et la proximité joue dans la QVT : pouvoir passer plus de temps avec sa famille, moins de temps de trajet...
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🚨 Aujourd'hui le sourcing est majoritairement numérique, alors qu'il peut prendre autant de formes et de déclinaisons, que d'espaces où se trouvent les candidats. S'ouvrir à d'autres versions du sourcing c'est s'adapter à l'environnement des candidats potentiels pour un besoin bien défini (on y arrive dans quelques lignes).

Dans le cas de Nicolas, le street sourcing c'est original, mais c'est surtout utile.

💬  "Bien sûr, le sourcing traditionnel est très important parce qu’il permet aussi d’avoir des bons KPI et de mesurer qu’est ce qui convertit le plus entre le street sourcing vs un sourcing un peu plus classique en fonction des typologies des postes. Et maintenant que j’ai plus de chiffres, je m’aperçois que pour les postes très pénuriques, sans expérience demandée et en tension, c’est plus facile de trouver en street sourcing qu’en sourcing classique. La proximité est la clé."

⏸️  En entendant cette vision partagée par Nicolas sur le sourcing et les manières de faire du sourcing, je ne pouvais pas éviter de lui poser une question qui me taraudait : le sourcing c'est un métier ou une compétence ?

💬  "Un recruteur qui n’aime pas le sourcing est-ce que c’est un vrai recruteur? C’est une passion le sourcing. Donc on pourrait dire que c’est une compétence. Si en tant que recruteur tu n’aimes pas faire du sourcing ça va être difficile d’avancer dans les steps d’après. Et les stats sont là. Celui ou celle qui aime le sourcing aura de meilleurs résultats en termes d’acquisition des candidats et qui répondent mieux au besoin du client.

C’est pour ça que je suis très heureux qu’il y ait l’Ecole du Recrutement qui soit présente pour former les recruteurs au sourcing. Tous mes collaborateurs sont formés à l’Ecole du Recrutement. C’est essentiel.
"

Sourcer c'est bien, diversifier ses canaux de recrutement c'est nécessaire

Éviter d'exclure, c'est l'argument principal que Nicolas avance quand il s'agit d’expliquer l'importance de diversifier ses canaux de recrutement. Plus on s'ouvre à différents leviers d'acquisition de candidats, plus on se permet de toucher et d'attirer les compétences à différents endroits.

💬  "Quand un client demande que du street sourcing, je recule et je leur dis qu’il y aura du street sourcing mais qu’il y aura aussi les autres canaux. Parce que je ne peux pas discriminer, je ne peux pas exclure les autres personnes qui auraient aimé postuler au poste par les autres canaux. Parce que les futurs collaborateurs potentiels des entreprises ne vont pas se balader tel jour, à tel endroit et rencontrer l’équipe d’Ethypik. Rien que ça serait discriminant. C’est pour ça que c’est hyper intéressant parce que non seulement les clients sont très contents, mais en plus ils sont soulagés de savoir qu’ils ont plus de probabilités d’avoir des candidats qui correspondent à leur besoin."

Nicolas partage un chiffre représentatif ; sur l'année 2021, 30% des candidats embauchés venaient du street sourcing.

💬  "Je fais du multicanal ; du jobboard, du sourcing... L’ADN d’Ethypik c’est le street sourcing parce que l’idée c’est de promouvoir le recrutement inclusif mais je suis aussi sur les autres canaux avec la même méthodologie. Le candidat quand il va postuler, il aura le descriptif des soft skills, la fiche candidat avec les savoir-être... tout sera traité de la même manière, la seule différence c’est là où j’ai pêché le candidat."

⏸️  Je fais une nouvelle parenthèse pour la petite anecdote, Nicolas Morby a diversifié ses canaux également pour constituer son équipe.

Son chargé de projet digital, il l’a street sourcé à la poste, en faisant la queue.

💬  "En termes de posture, d’écoute active... je l’ai trouvé extraordinaire. La personne quand elle parle, quand elle écoute, quand elle arrive à faire plusieurs tâches en même temps et qu’elle n’oublie rien, quand elle arrive à faire rire la salle parce que c’était en période de COVID, qu’il y avait beaucoup de files d'attente... Il arrivait à maintenir en haleine quelque chose qui était très difficile, tout en échangeant de manière qualitative avec des personnes, et en les orientant ... Il avait tellement de compétences que je me suis dit ce gars-là, je le veux. Quand je lui ai donné ma carte il m’a pris pour un fou."

Mais il a également déniché ses talents dans un forum de l'emploi, via le bouche-à-oreille... ainsi que d'une manière plus classique.

Impliquer les Hiring Manager et les opérationnels, le prérequis fondamental

La conversation avec Nicolas nous a menés vers un point essentiel, qui d’ailleurs a été mis en lumière par Caroline Chavier et Amélie Collinet lors de l'article sur les entretiens structurés, et c'est l'implication et la collaboration des Hiring Managers et des opérationnels dans les recrutements. 👉  Nicolas m'explique qu'aujourd’hui certains DRHs ne prennent plus le temps d’étudier un vrai poste, ils font un copier-coller de pas mal de choses et ça les dessert dans le sens où ils n’auront pas les candidats adaptés par rapport à ce qu’ils recherchent réellement. Et malheureusement la prise du besoin est rarement faite d’une manière très poussée, sauf pour les hauts postes parce que c’est des grands montants qui sont à la clé. Alors que cette démarche doit être généralisée à tout type de postes.

💬  "On fait dans un premier temps une phase exploratoire, on envoie un psychologue du travail sur le terrain et on fait une interview à 360° avec toutes les parties prenantes et on traduit le poste en savoir-être et en compétences techniques. On est vraiment au réel par rapport au travail en tant que tel. On ne va pas se contenter de ce que va nous dire la DRH parce qu’on sait que ce sera éloigné du poste. Il n’y a rien de mieux que d’interroger le manager mais pas que, les opérationnels aussi. Et en fait finalement pourquoi on fait ça ? Parce qu’on s’est aperçu que pour le même poste dans deux établissements complètement différents, il y avait parfois deux savoir-être différents à avoir et même des fois des compétences techniques qu’il fallait avoir pour certains et pas d’autres. Alors qu’à s’en fier à une fiche de poste classique, c’était la même chose."

Et cette collaboration, cette implication va au-delà de la prise de besoin.

Marion Cosar, directrice générale de l’Ecole du Recrutement 🦍 , quand elle s’exprime au sujet du rôle capital de la collaboration avec les Hiring Managers et opérationnels, parle même de pair-sourcing. C’est-à-dire qu’ils vont travailler main dans la main avec les recruteurs et accélérer les phases de sourcing dans des métiers pénuriques. Elle citera l’exemple de CTO, DSI ou techs qui vont faire le sourcing avec le recruteur pour améliorer et augmenter les taux douverture et de réponse des messages dapproche, en donnant in fine au candidat envie de postuler.

Cette démarche permettra également d'impliquer plus facilement les Hiring Managers et les opérationnels dans le reste du processus de recrutement.

Qonto est un bel exemple pour illustrer cette collaboration étroite débouchant sur une expérience candidat optimisée.

👋  C'est la fin de cet article, j'espère qu'il vous aura été utile. Mais avant de vous quitter, je vous partage également la vidéo du live de Sourceurs, Non peut-être ❤️ , où Nicolas est intervenu avec Caroline Chavier.

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À propos de l'auteur·e
Silvia Galo
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Content Manager chez Taleez, je vous livre les réflexions et les actions concrètes en RH au travers des retours d'expérience de professionnels inspirants. 🙌