Contexte : Qui se prête au jeu ?
Alexandre occupe le poste de Talent Acquisition Specialist. Il est le lien entre les Managers opérationnels et les candidats, depuis plusieurs mois maintenant. C’est sa toute première expérience en Recrutement.
Son prénom est fictif. La vraie personne souhaite rester anonyme.
Problématique du jour
Son entreprise, comme beaucoup d’entreprises, prône des valeurs humaines. Pourtant, à plusieurs reprises, Alexandre a observé des pratiques discriminantes entre Managers et candidats. Une en particulier l’a marqué, puisque c’est un candidat, en situation de handicap, qui lui a partagé.
Avec de lourdes preuves à l’appui, il a donc signalé à sa DRH, le comportement clairement inapproprié du Manager envers ce candidat, dans sa posture comme dans son questionnement à l’occasion d’un entretien d’embauche.
Son équipe RH n’a malheureusement pas pris au sérieux ses alertes et aujourd’hui, Alexandre se pose des questions quant à son avenir dans cette entreprise, avec qui il ne se sent pas en alignement.
Il est tout de même important de rappeler que, d’après le baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi publié en 2020 par le Défenseur des Droits, 42% des personnes actives déclarent avoir été témoins de discrimination(s) ou de harcèlement discriminatoire. Mais combien d’entre elles ont agi ?
Alors, à son échelle Recruteur, peut-on vraiment lutter contre les discriminations, en particulier quand la Direction n’applique aucune sanction ?
Il n’y a pas de solution miracle, mais cet article a pour but de partager des pistes concrètes et actionnables à son niveau Recruteur, ou comment devenir ambassadeur de la diversité et de l’inclusion en entreprise.
Rappel du cadre légal en recrutement
Il existe bien heureusement un cadre légal applicable au recrutement et il est crucial de le rappeler.
En effet, la loi reconnaît au total 25 critères de discriminations, pour lesquels l’employeur accusé de discrimination à l’embauche est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 45 000 euros et de 3 ans de prison.
Les conséquences pour l’entreprise
Sur un plan moins légal, mais tout aussi important, c’est la réputation de l’entreprise qui est en jeu.
De nombreuses statistiques mettent en évidence le fait qu’un candidat parlera de sa mauvaise expérience en entretien à son entourage et/ou sur les réseaux sociaux.
L’étude 2022 de YAGGO sur ce sujet est par ailleurs très parlante : 79% des candidats affirment qu’une mauvaise expérience de recrutement génère chez eux une réaction négative, en l’occurrence, 1 sur 2 va partager sa mauvaise expérience avec son entourage, 47% vont refuser de postuler à nouveau au sein de l’entreprise, ou encore, 23% vont réduire leurs achats de produits, ou totalement boycotter l’entreprise.
Un dernier point à soulever : les tensions et la déception.
Sans le soutien de sa direction, Alexandre ressent désormais une certaine animosité de la part des Managers, qui craignent des futures délations.
Depuis, il se sent dévalorisé et désengagé vis-à-vis de son rôle de garant de l’éthique dans leurs pratiques en recrutement. C’est son investissement qui est complètement remis en question.
Les actions à mettre en place
À chaud
- Instaurer le dialogue. Il est primordial dans un premier temps d’entendre le Manager en question. Cet échange permettra de recueillir son ressenti, d’utiliser la reformulation pour lui faire prendre conscience des faits.
- Rappeler le cadre légal et les conséquences possibles.
- Proposer au candidat un nouvel entretien, qui sera cette fois-ci conduit en bonne et due forme et prendre le temps de récolter son feedback suite au premier entretien.
- Apaiser les tensions avec un atelier collectif. L’ensemble des équipes a été de toute évidence touché par cette situation, mettant même le Recruteur en position très indélicate. Un Coach professionnel spécialisé en gestion de conflits pourrait être le bienvenu, bien que ce soit à la Direction de valider cette action.
À froid
- Sensibiliser grâce à une campagne de communication régulière, à travers une newsletter interne par exemple.
- Former. Pour les personnes en charge de recruter (aussi bien Recruteurs, que Managers ou Chefs d’entreprise), et dans toute entreprise employant au moins 300 salariés et dans toute entreprise spécialisée dans le recrutement, la Loi Égalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 oblige à se former à la non-discrimination à l’embauche au moins tous les 5 ans.
- Structurer son recrutement au maximum. Dès le brief Manager, il est question de cadrer et de verrouiller le processus, en estimant s’il est nécessaire ou pas d’accompagner/former le ou les Managers au Recrutement. Il faut viser la cohérence dans les pratiques. Cela passe également, par la mise en place de méthodologies et d’outils favorisant la neutralité et l’objectivité, comme le scorecard ou encore l’entretien structuré. L’objectif étant d’évaluer des compétences par rapport à un poste et ainsi d’assurer une égalité de traitement de tous les candidats.
Conclusion : un vrai cas de conscience pour le Recruteur
La vraie question à se poser finalement, ne serait-ce pas : ai-je envie de rester dans cet environnement ?
À l’heure où l’on parle de sens au travail, il est urgent de se positionner et d’être en alignement avec ses valeurs.
Parfois, la seule solution à envisager, c’est de démissionner, pour laisser place à une entreprise véritablement soucieuse de ces enjeux et qui reconnaîtra votre impact positif.