Le recrutement est devenu de plus en plus complexe et délicat. Pénurie de talents, forte croissance des entreprises, changement des attentes candidat·es… Les recruteurs doivent être sur tous les fronts : être créatifs, s’adapter rapidement, utiliser les outils les plus performants ou encore proposer des solutions pour répondre aux besoins des clients, et des candidat·es. 🤯
Nicolas Demarthe, Chasseur de têtes France /Canada 🇫🇷 🇨🇦 - Associé et Directeur des opérations France chez Go RH, a écouté ce nouveau marché, et a ouvert un service de recrutement à l’international pour faire face à cette pénurie de talent au Canada.
Dans ce 10e numéro de Quotidien RH, on va parler de différences interculturelles et de différences entre le recrutement local et international. D’expérience candidat à distance, d’organisation de travail France - Canada et surtout, d’accompagnement dans le projet de vie à l’étranger d’une personne. 🔥
Vous pouvez aussi retrouver les autres sujets juste ici👇 :
- le recrutement des personnes TH,
- le recrutement sans CV,
- la transparence durant l’entretien d’embauche,
- le recrutement des profils rares, les talents dans l’IT,
- le secret d’une bonne marque employeur : la transparence,
- les évènements RH et le métaverse au cœur du recrutement,
- Recruter, manager, et mieux comprendre les profils HPI,
- les profils commerciaux : peut-on (vraiment) parler de pénurie ?,
- et pour finir, du brief à l’onboarding, tout est une question de préparation.
La création du service de recrutement international 🚀
Peux-tu me parler de GoRH et de ton poste de directeur des opérations France / Canada ?
GoRH est une entreprise 100% québécoise 🇨🇦 intervenant dans le recrutement et les RH de manière générale. Nous avons 5 ans d’expérience et nous sommes composés d’une centaine de collaborateurs et collaboratrices.
Notre métier à l’origine, est d’aider les PME qui n'ont pas la trésorerie nécessaire 💸 pour s'offrir un grand cabinet de recrutement et/ou de l'accompagnement.
Aujourd’hui, nos clients sont de toutes tailles avec des besoins différents :
👉 Une start-up qui part de zéro, qui commence à avoir ses premiers salarié·es, ses premiers contrats et qui veut structurer ses RH.
👉 Ou une très grosse boîte qui a besoin d'un point sur l'équité salariale ou encore la santé et la sécurité au travail.
Puis notre deuxième activité plus spécifique, c'est la partie recrutement.
On trouve notre différence dans notre modèle, car nous pratiquons un taux horaire. Là où des cabinets de recrutement vont facturer 18 à 22% du salaire annuel des candidats qu'ils vont recruter, nous on a dit aux entreprises :
🗣 " On va placer un·e recruteur·se qui va travailler entre 4 et 6 heures pour toi par semaine. Il·Elle va sourcer les candidats, réaliser les entrevues et si besoin, il·elle peut t’informer sur le marché de l'emploi afin de travailler tes avantages sociaux, te mettre à jour sur la fourchette salariale etc..."
Notre gros projet pour 2023 est de lancer notre modèle en France !
On fonctionne encore beaucoup à la journée voir à la demie-journée.
On aimerait donc apporter notre expertise Canadienne et notre modèle à l’heure, beaucoup plus flexible, moins engageant et moins onéreux.
Pourquoi ouvrir un service de recrutement international ?
Je suis arrivé chez GoRH quasiment au début et je m’occupais du recrutement au niveau local. Puis l'entreprise a grossi, a recruté de nouveaux collaborateurs et j’ai pris la gestion de l’équipe de recrutement.
Je me suis très vite aperçu (via LinkedIn, cette partie est approfondie plus bas dans l’interview) de la demande énorme des candidat·es francophones qui souhaitent travailler au Canada 🤯.
Et à côté de ça, je voyais qu'ici au Quebec, tous nos clients devaient faire face à la pénurie de main d'œuvre.
Je me suis dis :
💭 " Je pense qu'il y a un truc à faire : je suis énormément sollicité par des candidats français et on a des clients canadiens qui cherchent justement des salariés. Si on créait une offre de service international pour mettre les deux en relation ? "
Voilà la petite histoire de cette création. Après acceptation du comité, je me suis occupé (pendant le confinement) de l'ouverture de ce département :
❓Comment monter l’offre de service ? Quels partenaires choisir ?
❓Comment évaluer les candidat·es qui veulent partir ? Est-ce que leur projet est assez mature ?
❓Jusqu’où faut-il accompagner les candidats ? Et les entreprises ?
C’était un vrai challenge, il y avait tout à faire !
Aujourd’hui, ça fait 1 an et demi que le service est en place, j’ai délégué la partie recrutement local et je m’occupe du recrutement international pour les entreprises canadiennes.
On aide aussi les entreprises françaises qui s'installent au Québec ou les entreprises québécoises qui s'installent en France sur la partie RH. 💪
Je ne vais jamais pousser les entreprises à faire du recrutement international, c'est tellement spécifique. Si ce ne sont pas elles qui font la démarche, ça ne mènera à rien. Si tu viens acheter un vélo 🚲 et qu'on te propose une voiture 🚗, ça n'a rien à voir… Ce n'est pas le même type de transport ni d’investissement. 😇
En revanche, on va planter l’idée 🌱 :
🗣 " Face à la pénurie de talents au Canada, pensez peut-être au recrutement international et quand vous serez prêts, n'hésitez pas à revenir vers moi. "
Tu as beaucoup été sollicité par les candidats, comment as-tu fait pour les attirer ?
💬 ” J'ai été submergé par un volume impressionnant de candidats […], c’était 70 demandes de contact en me réveillant le matin et des centaines de messages. ”
Tout part de LinkedIn. Pendant la pandémie il y avait moins de travail et j’en ai profité pour peaufiner mon profil, et créer un peu de contenu sur deux thématiques :
- L'envers du décor du recrutement,
- et le recrutement au Canada.
C’est à ce moment-là que j'ai été submergé par un volume impressionnant de candidats qui voulaient partir, c’était 70 demandes de contact en me réveillant le matin et des centaines de messages. 🤯
C'est là que j’ai compris la puissance énorme de LinkedIn ! 💥
Cette visibilité que j’ai créée auprès des candidats, rayonne désormais auprès des entreprises. ☀️
Et maintenant, j’utilise aussi d’autres canaux comme les webinaires, les vidéos Youtube… Mais ma base de candidat s’est clairement créée sur LinkedIn.
Quels sont les besoins des entreprises canadiennes ?
On retrouve principalement des besoins dans le secteur industriel : des soudeurs, des machinistes, des électromécaniciens ou encore des chauffeurs poids lourd.
Ce qu'on a connu en France lorsque le secteur du tertiaire est parti vers le secondaire, ils le vivent aujourd'hui au Canada.
Par exemple, je trouve un·e soudeur·se en 2 semaines en France VS 4 à 5 mois au Canada. C’est fou. 🤯
Il y a aussi quelques besoins du côté des acheteurs, des recruteurs, des responsables de production, du secteur de l’imprimerie ou des aides soignants.
Mais ici, tout le monde a fait ses études en marketing, en RH, etc. Il y a certes des besoins mais il y a encore trop de monde sur le marché québécois pour que les entreprises décident d’aller chercher quelqu'un à l'étranger.
💬 ” On retrouve principalement des besoins dans le secteur industriel. “
Quelles sont les grosses différences entre le recrutement local et le recrutement international ?
💬 ” C’est surtout qu’en first step, je valide le projet Canada 🇨🇦, et en last step, je propose un onboarding poussé à la nouvelle recrue. “
La grosse différence c’est fatalement le coût 💰 car il faut (souvent) payer le visa du candidat et peut-être aussi celui des membres de sa famille.
Ensuite il y a les délais 📆, car ce sont des personnes qui ne vont pas partir du jour au lendemain. Il faut comprendre qu'au Canada, tu as un préavis de deux semaines (qui souvent, d’un commun accord, est annulé). C'est le modèle anglo-saxon : tu licencies aussi vite que tu recrutes ⚡️.
Une entreprise qui nous contacte se dit que dans un mois / un mois et demi, la personne sera en poste 😅. Alors qu’en France les préavis commencent à partir d'un mois et peuvent aller jusqu'à trois mois pour les postes de cadre.
Même un·e candidat·e prêt·e à partir avec son visa en poche n’est pas une personne qui attend patiemment derrière son ordinateur, valise faite.
Un départ ça s’organise, on parle de personne qui quitte leur vie.
Du côté candidat, il faut aussi s’assurer que le projet est assez mature.
J’ai connu des personnes qui ont vu un reportage sur le Canada, puis dès le lendemain elles sont “prêtes” à partir.
Mais le jour où tu leur mets une offre sur la table en disant :
🗣" Ok cool, j'ai un client qui recherche un profil comme le tien, est-ce que dans 6 mois tu es prêt à venir au Canada ? "
Et que la personne répond qu’elle ne sait pas car elle doit en parler à son·sa conjoint·e, ce n’est juste pas possible. Il y a une perte de crédibilité côté client et en plus, on a perdu un temps précieux.
Avec le temps mon approche a changé et j'arrive à mieux déceler ceux qui ne sont pas prêts à partir. Je perds moins de temps là-dessus et je laisse les gens être plus autonomes.
C'est révélateur lorsqu'un candidat a cherché l'info par lui-même ou non.
Un autre point différenciant, c’est notre rôle un peu particulier qui va au-delà du “recruteur”. Par exemple, on a un couple qui devait venir au Canada, ils étaient venus tous les deux en repérage et finalement, la candidate m'appelle en me disant qu’elle souhaite annuler l'entrevue car ils divorcent.
Cette anecdote pour montrer qu'on est vraiment dans l'intimité des candidats. La partie immergée de l'iceberg, c’est la forte dimension sociale.
Sinon, à part les points énoncés plus haut, le process de recrutement est pour ainsi dire "classique" : je fais passer des entrevues, des préqualifications techniques...
C’est surtout qu’en first step, je valide le projet Canada 🇨🇦, et en last step, je propose un onboarding poussé à la nouvelle recrue.
💬 ” Avec le temps mon approche a changé et j'arrive à mieux déceler ceux qui ne sont pas prêts à partir. “
Comment piloter les échanges avec les candidats et organiser ses recrutements avec son équipe à l’autre bout du monde ?
Quelles sont tes techniques pour sourcer et attirer des candidats francophones ?
Il y a Pôle Emploi, l'Apec et LinkedIn Recruiter qui nous permettent de filtrer les personnes indiquant vouloir déménager au Canada.
Mais en réalité, on fait peu de sourcing. 😅
On n’a aucun intérêt à mettre de l'énergie à convaincre des candidats de venir au Canada. C'est une perte de temps, il faut que le projet soit mature pour qu'il soit réalisable.
C’est pourquoi ce sont surtout les candidats qui nous approchent.
En revanche, je vais travailler mon contenu pour donner envie et laisser les candidats venir directement vers moi. 🎯
C’est à travers les webinaires ou les salons sur le Canada qu’on se créait vraiment un vivier de candidats. Et c’est eux qu’on appelle lorsqu’on a une nouvelle demande client.
Par exemple, Air Canada organise un salon tous les deux mois à Toulouse ou à Paris. C’est ici que nos nouvelles recrues se trouvent car se déplacer à ce type d’évènement représente un engagement fort de leur part.
Sur les webinaires, je ne parle pas du Canada uniquement de manière positive. Dans le sens où je trouve que le Canada est (parfois) trop vendu comme un eldorado où tout le monde a du boulot, tout le monde gagne bien sa vie, tout le monde est gentil…
Je veux éviter les biais trop positifs pour ne pas survendre un endroit et créer potentiellement de la désillusion chez le·la candidat·e. C’est comme la marque employeur, il faut rester vrai sur ses avantages.
Car il y a certes beaucoup de choses chouettes au Canada mais l'hiver peut durer 6 mois ❄️ et ce n'est pas si évident de créer de vrais liens avec les Canadiens.
💬 ”Je vais travailler mon contenu pour donner envie et laisser les candidats venir directement vers moi.”
Vous êtes une équipe de 3 personnes sur le recrutement international, comment vous organisez-vous ?
💬 ” Notre vivier de candidat est partagé avec toute l'équipe de recrutement […] “
Je pilote les recrutements depuis Montréal et il y a une recruteuse sur place à Toulouse et une autre à Paris.
Je m’occupe surtout des échanges avec les entreprises qui souhaitent recruter à l’international. J’explique comment on fonctionne et en quoi consiste notre accompagnement. Puis je donne la mission à l’une des recruteuses de l’équipe en fonction du temps qu'elle a et de sa spécialité.
Par la suite, on organise un appel commun 📞 avec le client pour parler de son besoin. L’une des recruteuses est totalement autonome, dès que j'ai une mission je lui donne, je fais uniquement la mise en relation.
Notre vivier de candidat est partagé avec toute l'équipe de recrutement, on fait des points hebdomadaires individuels et des points mensuels sur le service en lui-même. On cherche de nouveaux partenariats, on parle outils de recrutement, des difficultés avec des clients etc.
Par exemple, on a un candidat qui a mal été accueilli par l'entreprise. Pour ne plus que ça se produise, on est en train de créer un document pour l’entreprise qui résume les difficultés interculturelles possibles ou encore les différences de dialogue.
Il y a certaines cultures où les personnes disent oui à tout, même quand elles ne comprennent pas… C’est important de double valider avec eux. ✅
Pourquoi as-tu mis en place un test interculturel obligatoire ?
Trouver la compétence c’est bon ✅, trouver la personnalité aussi ✅, mais savoir si la personne va réussir à s’intégrer au Canada, c’est autre chose.
C’est pourquoi depuis peu on a un partenaire qui propose un test d'efficacité interculturel qui permet de voir si la personne va pouvoir s'intégrer facilement dans une culture qui n'est pas la sienne.
On y trouve des questions par thématique :
👉 Compréhension culture et influence : est-ce que le candidat s’est renseigné sur son pays d’accueil ?
👉 L'aspect social : quel est le degré d’acceptation de la différence ?
👉 La partie communication : quel est la tolérance à l’incompréhension, la répétition… ?
Les personnes pensent que comme on parle français au Québec, c’est forcément la même culture alors que cette dernière est davantage anglo-saxonne dans les faits.
On attend aujourd'hui les premiers résultats pour voir son efficacité sur le terrain. 👍
Une expérience candidat au cœur des priorités
Comment fais-tu pour offrir au candidat un parcours rassurant ?
💬 ” Toutes les deux semaines j'envoie un message au candidat pour le rassurer […] “
Je fournis des preuves. 🔥
C’est-à-dire que déjà, la base selon moi, c’est que le candidat doit être au courant du parcours de recrutement dès le début du processus.
J’ai fait plusieurs formations et je me suis rendu compte que quand tu sais ce que tu vas faire et quand tu vas le faire, ça rassure, ça pose un cadre.
Toutes les deux semaines j'envoie un message au candidat pour le rassurer, en lui rappelant que toutes les démarches pour son arrivée sont en cours.
On a également mis en place un document pour les candidats avec tous les partenaires présents. Comme ça, le jour où ils sont recrutés, il y a par exemple un lien pour prendre directement ses billets d’avion ✈️ avec une personne dédiée avec qui ils peuvent communiquer. Ou un conseiller financier 💰 qui va les appeler pour leur expliquer comment ça se passe au Canada.
C’est pour ça que je dis qu’on n’est pas uniquement des recruteurs. Le côté “pro” est parfois secondaire, car souvent les candidats ne sont pas inquiets de leurs compétences, mais ils sont inquiets sur leur changement de vie.
Il faut faire attention à eux, s'occuper d'eux. Encore une fois, on est sur un projet de vie.
Est-ce qu’il y a des engagements envers le candidat qui se déplace pour sécuriser ce changement total de vie ? Par exemple, je pense à une période d’essai qui n’aboutit pas.
Le périmètre d'aléas est beaucoup trop large.
Dans le recrutement international, il y a des facteurs qu'on ne peut pas gérer ❌ : le manque de la famille, les problèmes à l'autre bout du monde...
C'est difficile de garantir ça.
Il y a aussi des visas fermés avec l’entreprise, c’est-à-dire qu’ils permettent au candidat de travailler pour un seul et unique employeur durant sa période de travail.
Comment accompagnes-tu les entreprises dans l’accueil de salariés étrangers ?
On prépare les gestionnaires à accueillir les candidats étrangers, on répond à toutes leurs questions, on soulève les inquiétudes…
On a fait le choix à l’origine de nous concentrer en priorité sur l’accompagnement des candidats. C’était nouveau pour nous et on n’avait pas assez de feedbacks des entreprises ni assez de recul pour vraiment les accompagner.
On essaye vraiment de construire cette partie-là aujourd’hui. Par exemple, on a inclus une formation sur les difficultés que les entreprises peuvent rencontrer et comment y faire face. Et une personne de notre équipe va suivre de son côté une formation sur l’accueil de salariés étrangers pour créer efficacement cet accompagnement entreprise. 💪
Pilotes-tu l’onboarding des nouvelles recrues ?
Complètement. Surtout qu’on est externe à l’entreprise, les candidats ont souvent besoin de se tourner vers nous lorsqu'ils ont des problématiques.
Pour donner un exemple, un mécanicien poids lourd appelle ma collègue en lui disant qu'il fait plus d'heures que prévu. On contacte la RH pour comprendre la situation, et en fait c’est simplement sur une période donnée.
Sauf que, les RH n’ont pas prévenu le salarié, et le salarié n'est pas allé voir les RH, il y a un problème de communication 😅. Le dialogue est parfois coupé car le candidat se sent redevable envers l’entreprise d’accueil d’avoir payé les frais d’immigration etc.
La partie sociale est toujours très présente à l’onboarding et l’interculturalité comporte pas mal d’incompréhensions au début. C’est là que le suivi est super important !
Je reprends la parole pour remercier Nicolas pour sa disponibilité, la richesse de son retour d’expérience et pour sa transparence 🙏. Il y a une prise en compte de la dimension culturelle essentielle dans la réussite des recrutements. Les entreprises qui cherchent à recruter des talents internationaux, doivent être conscientes des différences interculturelles entre les deux pays 🔥.
Je suis convaincue que c’est cette richesse et cette diversité qui apporteront des choses incroyables en entreprise !
En espérant que vous en avez autant appris que moi sur le recrutement international.
Je vous dis à bientôt pour de prochains Quotidien RH. ⚡️